Actualité
Appels à contributions
Le jeu et ses formes dans la littérature (Bordeaux)

Le jeu et ses formes dans la littérature (Bordeaux)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Joy Courret Lidia Sánchez de Las Cuevas)

Le jeu et ses formes dans la littérature 

Université Bordeaux Montaigne

22 janvier 2020

 

Cette initiative doctorante a pour objectif la tenue d’une journée d’étude autour du couple jeu-littérature. Nous souhaiterions nous intéresser aux interactions de ces deux phénomènes et à leurs implications : Quels jeux sont représentés dans les romans ? Comment y sont-ils représentés ? En quoi un poème est le résultat d’un ensemble de jeux de mots et de paroles ? Pourquoi appelons-nous "jeu dramatique" la représentation théâtrale ? Le contrat de lecture peut-il être considéré comme un jeu entre l’auteur et le lecteur ? Dans ce cas, qui établit les règles de ce jeu et en quoi consistent-elles ?

Le jeu est généralement compris comme une activité ou pratique soumise la plupart du temps des règles que les joueurs doivent respecter afin de pouvoir gagner. Cette pratique est souvent destinée au divertissement ou à faire passer agréablement le temps de celui qui s’y livre. Mais le concept de jeu n'est pas aussi univoque qu'il n'y paraît de prime abord. L. Wittgenstein, dans Recherches philosophiques, le considère comme « un concept aux contours flous ». Il n’existe pas une définition unique du concept de jeu. En effet, comme le philosophe l’indique, les ressemblances apparaissant entre certains jeux disparaissent dans d’autres. L'historien Johan Huizinga et le sociologue Roger Caillois ont travaillé à leurs propres théories sur ce thème du jeu en relation avec le sacré et la culture. Huizinga en fait l'étude complète dans son ouvrage Homo Ludens publié en1938. Quant à Caillois, c'est dans Les jeux et les hommes, paru en 1958, qu'il vient ajouter son regard de sociologue. Dans cet ouvrage il développe une classification en quatre types qu’il baptise : « agon », « alea », « mimicry » et « ilinx ». Pour Johan Huizinga, le jeu représente une action qui permet de sortir de la réalité et de la vie courante, tout en respectant les limites spatio-temporelles que cette activité ludique implique. Entremêlé à l'apport de Huizinga, Caillois insiste sur l'incertitude du jeu, en effet, son issue n'est jamais établie à l'avance. Le jeu est appréhendé par les deux spécialistes comme une pratique humaine régissant la société et ses composantes. Cet ensemble de points de vue est particulièrement intéressant pour nous car il implique une diversité qui est représentée dans une multitude de formes et d'applications différentes. Plusieurs types de jeux se sont développés de multiples façons au cours de l'histoire littéraire. Leurs représentations, leurs fonctions et leurs formes sont riches et variées. Afin d'explorer les jeux et leurs formes dans la littérature, cette journée pourra s’articuler autour de quatre axes suivants :

1- La représentation du jeu dans le récit littéraire

Les jeux peuvent apparaître comme faisant partie des mœurs d’une société dans laquelle les personnages se trouvent. Nous avons ainsi connaissance des jeux anciens qui ne se pratiquent plus de nos jours et d’autres qui, au contraire, sont toujours pratiqués : le billard, les boules, le croquet, les échecs, les dés, l’oie, l’osselet… Les maisons de jeux, comme le casino, peuvent fonctionner comme des espaces dans le récit. C’est ainsi le cas dans La novela de Don Sandalio, jugador de ajedrez de Miguel de Unamuno. Dans cette nouvelle le casino est le lieu principal où l’action se déroule et cet espace acquiert une fonction fondamentale dans la construction du récit. Les personnages eux-mêmes peuvent être des joueurs, comme le personnage principal dans Le joueur d’échecs de Stefen Zweig ou dans le roman Le joueur de Dostoïevski, dans lequel le personnage, plongé dans la pauvreté et la détresse sociale, souffre d'une addiction intense au jeu qui le fait sombrer dans un gouffre encore plus profond. Le jeu ici perd sa dimension ludique et amusante pour aliéner le protagoniste. Le jeu, osons le dire, se joue littéralement du personnage.

2- Le jeu dans la création littéraire

Le lecteur peut également devenir joueur comme dans le roman de Paolo Maurensig, La variante di Lüneburg dans lequel le lecteur doit résoudre l’énigme d’un meurtre ayant lieu dans une pièce sous forme de plateau de jeux d’échecs. Parfois le lecteur-joueur a d’autres outils que la lecture pour jouer : Juegos de Cartas, de Max Aub, est une œuvre à mi-chemin entre le jeu et le livre. Elle surprend par l’apparente simplicité de sa conception : il n'y pas de pages, pas de chapitres, seulement 108 cartes indépendantes et illustrées. Les lecteurs (Max Aub préconise dans le prologue une lecture plusieurs, comme on jouerait aux cartes entre amis) doivent jouer le jeu et décider de créer leur récit, en tirant les cartes souhaitées. L'histoire proposée se dévoile alors à mesure que les lecteurs tirent les cartes. Les écrits sur le versant de la carte sont des lettres ; le roman-jeu se construit alors comme un roman épistolaire, astuce permettant à l’auteur de jouer à son tour sur le double sens du mot carta en espagnol. Les nouvelles technologies ont permis également de développer l’indépendance d’un lecteur qui devient personnage et le récit presque un jeu-vidéo. Des versions de Rayuela de Julio Cortázar et ses versions numériques en sont un exemple.

3- Types de jeux dans la littérature

La littérature elle-même est productrice des jeux. Nous pensons, entre autres, aux jeux floraux, les concours de poésie institués en France au XVe siècle. Dans un autre sens, au Moyen-Âge le jeu était une composition dramatique sérieuse ou comique.

4- Les jeux du langage dans la littérature

Au regard du premier sens distingué, on peut considérer la littérature comme un jeu dont les règles portent sur le langage, le sens et les sons. Parfois signes d’érudition, des procédés linguistiques ont ainsi été forgées tout au long de l’histoire de la littérature. C’est le cas, en poésie, avec l’acrostiche ou les bouts-rimés, ou alors la contrepèterie dont Rabelais est le maître. Le XXe siècle, avec les avant-gardes notamment, nous a laissé des échantillons de jeux littéraires comme le cadavre exquis développé par les surréalistes, les greguerías de Ramón Gomez de la Serna, les compositions en français de Raymond Queneau et de l’OULIPO ou en anglais avec les cut-ups de William Burroughs. Enfin, l’usage de certains procédés linguistiques permet un jeu avec les mots comme c’est le cas avec le verlan. Le verlan est une forme d’argot français dont le principe consiste à inverser l’ordre des syllabes. Ce principe est la règle de base et elle s’applique aux mots ou aux locutions dissyllabiques. Un exemple de la pratique de ce « jeu » est le mot « verlan », issu de l’inversion de la locution « à l’envers ». Hormis l’inversion des syllabes, d’autres règles sont mises en pratique telles que la suffixation, la troncation, ou l’apocope.

*

Calendrier et modalités de soumission

Les propositions de communication (comprenant un titre, un résumé entre 300 et 500 mots, une bibliographie, trois mots-clés et une note biographique de 10 lignes maximum) sont à adresser en français, pour le 10 novembre au plus tard.

L’appel est ouvert aux doctorant.e.s de l’Ecole Doctorale « Montaigne-Humanités » ainsi qu’aux doctorant.e.s d’autres universités françaises et à l’étranger. Les communications auront une durée de 20 minutes.

Les communications doivent être envoyées à l’une des adresses suivantes :

joy.courret@etu.u-bordeaux-montaigne.fr

lidia.sanchez-de-las-cuevas@etu.u-bordeaux-montaigne.fr

*

Comité organisateur

Joy COURRET et Lidia SÁNCHEZ DE LAS CUEVAS (AMERIBER EA3656)