Agenda
Événements & colloques
Le fin mot. Œuvres dernières, œuvres testamentaires, dans les lettres espagnoles au XVIIe siècle

Le fin mot. Œuvres dernières, œuvres testamentaires, dans les lettres espagnoles au XVIIe siècle

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Maria Zerari-Penin)

Journée d'étude / Samedi 6 avril 2013

En Sorbonne, salle des Actes (9h30-18h00)

Paris-Sorbonne (Paris IV) / UFR d'Études ibériques et latino-américaines / (CLEA)

 

LE FIN MOT

Œuvres dernières, œuvres testamentaires, dans les lettres espagnoles au XVIIe siècle

 

L'œuvre dernière –trace ultime d'une manière, tantôt parachevée sur le tard, tantôt renouvelée, tantôt inachevée – a été l'objet de l'attention marquée de la critique d'art et de la critique musicale, lesquelles ont souvent envisagé les créations du grand artiste (qu'il soit peintre, sculpteur ou musicien), dans les termes diachroniques d'une succession de périodes. Aussi, dans le meilleur des cas, cette œuvre ultime, que le travail du temps a plus qu'aucune autre façonnée, a-t-elle pu être considérée comme un véritablement testament, comme une pièce maîtresse relevant de l'aboutissement et de la somme artistiques, à l'image de quelque chef d'œuvre tardif tels Les fileuses de Vélasquez, L'hiver ou le déluge de Poussin, ou telle cette messe de Requiem en ré mineur (KV 626) que Mozart n'eut pas le temps d'achever.

Au demeurant, dans une optique voisine, certains ont pu voir dans les œuvres ultimes ou, du moins, dans certaines œuvres dites "tardives", non pas tant des coups de maître, des testaments éclatants et définitifs, que de grandes œuvres malades, plus ou moins gorgées de sens, si ce n'est de remarquables, voire d'admirables, coups d'épée dans l'eau. C'est ainsi que, dans ses Essais sur la musique, Theodor Adorno devait écrire, par exemple, à propos du style tardif de Beethoven : "La maturité des œuvres tardives ne ressemble pas à celle des fruits mûrs. Elles sont [...] non pas arrondies, mais ravinées, ravagées. Privées de douceur, âpres et piquantes, elles refusent de se prêter à la pure délectation" (1).

Dans le domaine littéraire, cela va de soi, la dernière œuvre d'un grand auteur mérite tout autant d'être examinée, non point tant parce que les derniers chants seraient forcément chants du cygne – seraient, par force, les plus beaux (ce qu'ils sont parfois) –, mais parce que l'ultime production d'un écrivain, même dans ses redites ou ses ratés, pourrait bien s'avérer révélatrice et, pour ainsi dire, parlante, tout comme ces ultima verba qui, par une grâce tout aussi ponctuelle qu'éphémère, vous posent un grand homme tel qu'en lui-même, en le caractérisant de justesse et à jamais. Ainsi, dans certains cas – quand l'œuvre dernière n'est pas comme escamotée par les circonstances : le manque de temps, la perte du souffle ou de l'inspiration (ce qui ne la rend pas moins intéressante, singulière ou pathétique) –, le dernier texte, ce palimpseste en puissance, pourrait bien être porteur d'un surcroît de sens, puisque au sien propre viendrait se mêler celui des autres créations de son auteur. Ainsi, à l'occasion, l'œuvre ultime pourrait, en outre, être chargée du surplus de l'urgence, pour ne pas dire de la profondeur et de la gravité, étant entendu que l'œuvre dernière est, par définition, davantage traversée que les autres par la conscience du temps qui passe, de la vieillesse qui pointe et de la mort qui vient : en effet, en son sein ou dans ses seuils, il est parfois quelqu'un qui écrit et qui se meurt. Et ce phénomène d'écriture terminale n'est d'ailleurs pas sans rappeler la fameuse formule cervantine qu'accueille, dans le Persilès, la belle dédicace au comte de Lémos :

" Ayer me dieron la Extremauciòn y hoy escribo ésta".

Cette Journée d'étude se propose donc d'interroger quelques-uns des grands auteurs espagnols du XVIIe siècle (Cervantès, Lope de Vega, Quevedo, Tirso de Molina, Gracian et Calderon), à la lumière de leur œuvre ultime, ou tardive, considérée comme le miroir d'une autre ou le miroir d'elle seule, comme un miroir réfléchissant, voire grossissant, ou bien encore, comme un pur miroir aux alouettes, au regard de la production du créateur.

Liste des participants : Fausta Antonucci (Université de Rome 3), Mercedes Blanco (Université de Paris-Sorbonne), Jean Canavaggio (Prof. émérite, Université Paris X-Nanterre), Samuel Fasquel (Université d'Orléans), Nathalie Dartai-Maranzana (Université Lumière, Lyon 2), Nadine Ly (Prof. émérite, Université Michel de Montaigne, Bordeaux 3), Maria Zerari-Penin (Université de Paris-Sorbonne).

 

(1) cité par Edward W. Said, in Du style tardif, traduit de l'américain par M.-V. Tran Van Khai, Arles : Actes Sud, 2012, p. 47.