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Laissé·es-pour-compte et minores : penser l'oubli en études littéraires

Laissé·es-pour-compte et minores : penser l'oubli en études littéraires

Publié le par Université de Lausanne (Source : Jaëlle Marquis-Gobeille)

Appel à communications

Au fil de l’histoire littéraire, des œuvres, des auteur·trices ou des genres ont été oublié·es, perdu·es ou effacé·es de la mémoire collective. Des textes sont pour ainsi dire mis de côté dès leur parution ; d’autres ont un succès foudroyant, pour être abandonnés par la suite et certains, encore, sont qualifiés de mineurs; c’est ce qu’on nomme en histoire littéraire des minores. Un mot presque toujours utilisé dans sa forme plurielle ; « l’utilisation exclusive du pluriel impliquant un angle de prise de vue général et distancié, globalisant, comme si les minores ne se concevaient et n’étaient envisageables qu’en pelotons, par paquets, non comme unités individualisantes. »[1] De fait, une étude comme celle de Michel Bouvier sur les « petits moralistes » à l’Âge classique examine près de quatre cents écrivains tombés dans l’indifférence avec l’objectif de reconstituer un état des lieux de la culture et des institutions dans la seconde moitié du XVIIe siècle[2], et ce, sans forcément se référer aux grands « phares » que sont les Pensées de Pascal ou les Maximes de La Rochefoucauld. Dans une perspective moins vaste, on peut cependant penser à un texte comme les Considérations sur les mœurs de ce siècle de Charles Duclos, véritable livre à succès de la seconde moitié du XVIIIe siècle et pourtant peu réédité par la suite[3]. Du point de vue de l’histoire littéraire québécoise, et même si les nombreux tomes de La vie littéraire au Québec proposent de se pencher sur de petit·es auteur·trices pour représenter l’activité d’écriture à une période donnée, ce sont plutôt des histoires axées sur la lecture des grands textes, comme l’Histoire de la littérature québécoise de Biron, Dumont et Nardout-Lafarge[4] que l’on peut retrouver dans les librairies. Néanmoins, il suffit d’ouvrir le Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec au hasard pour tomber sur un·e auteur·trice ou un texte méconnu.

Du succès à l’indifférence, ou du non-succès à l’oubli, textes et auteur·trices sont parfois considéré·es comme « de seconde zone », c’est-à-dire évalué·es comme étant d’un niveau inférieur. Nous vous invitons à réfléchir à ces laissé·es-pour-compte de l’histoire littéraire, tant en littérature québécoise, française qu’étrangère, et ce, peu importe l’époque. Que ce soit pour un cas d’étude particulier, un regard sur un ensemble d’auteur·trices ou de textes, des considérations théoriques et méthodologiques sur l’histoire littéraire, sortez des sentiers battus et faites de cette Journée d’étude un lieu de (re)découverte et d’exploration.

Pistes de réflexion :

1. Mémoire et institutions

Pourquoi une œuvre est-elle pérenne alors qu’une autre ne l’est pas? Une amorce d’explication pourrait résider dans l’investigation des institutions sociales et littéraires. Quelles sont les raisons et les conséquences, par exemple, de certaines décisions éditoriales ? D’un point de vue théorique ou méthodologique, pourquoi et comment en arrive-t-on à oublier? À Vancouver, la bibliothèque Brautigan au Clark County Historical Museum fait, en ce sens, un pied de nez aux instances littéraires en acceptant les manuscrits non publiés du monde entier, tandis que la maison d’édition Moult consacre une collection à la réédition d’œuvres à l’esprit incisif méconnues ou inconnues de l’historiographie québécoise.

2. Inclusion et absence

Le manque d’inclusion pourrait-il avoir un rôle dans le travail sur la mémoire ? Quels seraient les gestes à poser pour accéder à une inclusivité en études littéraires? On serait en droit d’être frappé·es par la rareté des noms de femmes rencontrés dans les ouvrages de référence et de se demander la raison de leur faible visibilité en regard de leur présence manifeste dans la vie littéraire. Existe-t-il à cet égard un devoir de mémoire, une forme de réparation? Aussi, les défis liés aux littératures autochtones, à celles des personnes “racisées” ou encore à celles des communautés LGBTQ2SA+ participent certainement au développement d’une vision du monde qui porte à conséquence et qui devrait être mise au jour. Plus largement, quels sont les effets de l’absence d’œuvres ou d’écrivain·es dans le paysage éditorial?

3. Réception et synchronicité

Sa réception est l’une des raisons qui permet à un texte de s’inscrire dans l’histoire de même que la popularité d’un·e écrivain·e peut certes aider à prédire la vie d’une œuvre après sa publication. Divers objets littéraires insolites ont pu, en outre, pour une raison ou pour une autre, se retrouver en marge d’un style ou d’un courant officiel ou simplement être jugés comme étant passés de mode. Le contexte est assurément pour quelque chose dans la l’accueil des ouvrages par le lectorat. Peut-on déceler dans les textes des éléments qui, a posteriori, justifieraient l’oubli ou l’indifférence? Peut-on prévoir ce qui sera délaissé au fil des ans? Que dire des œuvres qui reviennent dans l’imaginaire populaire plusieurs années plus tard?

L’ensemble des étudiant·es des cycles supérieurs en études littéraires (en création comme en recherche) sont invité·es à présenter une communication lors de cette Journée d’étude, et ce, peu importe leur spécialisation en ce qui concerne le corpus, l’approche théorique ou le genre littéraire pratiqué (en création). L'événement aura lieu le vendredi 20 mai 2022, en présentiel, dans le respect des consignes sanitaires. Les communications devront être inédites et en français. La durée variera entre 15 et 20 minutes en fonction du nombre de propositions retenues. 

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Les propositions de communication (titre et résumé de 250 mots), avec une courte bio-bibliographie (mentionnant l’université d’attache, le sujet des recherches et les publications, s’il y a lieu) devront être envoyées avant le vendredi 25 février 2022 à 23h59 à l’adresse suivante : aecsel.uqam@gmail.com.

Merci d’indiquer en objet : Nom, prénom, titre de la proposition.


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[1] Philippe Houcarde, « Présentation », dans Les « minores », Littératures classiques, no 31, 1997, p. 5.

[2] Michel Bouvier, La Morale classique, Paris, Honoré Champion, coll. « Moralia », 1999.

[3] Claire Dornier, « La réception des Considérations », dans Charles Duclos, Considérations sur les mœurs de ce siècle, Paris, Champion Classiques, 2005, p. 42-64.

[4] Michel Biron, François Dumont et Élisabeth Nardout-Lafarge, Histoire de la littérature québécoise, Montréal, Boréal, 2007.