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L'Afrique du Sud et le monde francophone. Perspectives artistiques, littéraires et didactiques

L'Afrique du Sud et le monde francophone. Perspectives artistiques, littéraires et didactiques

Publié le par Université de Lausanne (Source : Yaya Mountapmbeme)

L’Afrique du Sud et le monde francophone

Perspectives artistiques, littéraires et didactiques

Mélanges offerts au Professeur Bernard De Meyer 

La présence française en Afrique australe remonte au XVIIe siècle avec l’arrivée des Huguenots sur la côte occidentale de l’Afrique du Sud. Très tôt, ce pays a donc été à la fois un refuge et une terre d’accueil pour de milliers de Français, victimes de l’intolérance religieuse dans le Royaume de France après la révocation de l’Edit de Nantes en 1685. Ceux qui purent s’installer près du Cap, cohabitèrent harmonieusement avec d’autres communautés européennes en préservant de façon singulière leur identité linguistique, en même temps qu’ils participaient, par ailleurs, à réduire les populations locales à l’esclavage. Installés à Franschhoek, « le coin des Français », ils développèrent donc leurs traditions, notamment la culture du vin à partir de leurs savoir-faire originels. Les traces de cette présence française en Afrique du Sud à l’époque est encore visible aujourd’hui à travers certains noms de famille, de lieux et de saveurs, en dépit de la contrainte assimilationniste à laquelle elle a pu être confrontée.

Au fil du temps, cette présence s’est étiolée et est devenue sélective à cause de l’histoire politique du pays. D’abord, durant la période coloniale où la tragédie de Saartje Baartman connait son apogée dans les salons mondains de la capitale française avant que l’héroïne finisse momifiée au Musée de l’Homme ; puis la crise de Fachoda fit écho au projet français qui contrecarrait celui des Britanniques de relier le Caire à la ville du Cap ; et enfin, pendant l’Apartheid, où bon nombre de pays francophones, notamment la Guinée et la France, offrirent l’hospitalité aux acteurs de la lutte contre le système raciste et ségrégationniste. C’est ainsi que Miriam Makeba, Steve Biko, André Brink, Dulcie September, Johnny Clegg, Breyten Breytenbach pour ne citer que ceux-ci, entamèrent malgré eux le dialogue avec le monde francophone tandis que les noms d’Albert Luthuli, de Nelson Mandela, de Bram Fischer les précédaient dans leur longue marche vers la liberté, en rappelant la tradition épique du roi Chaka Zulu très présente dans l’imaginaire du monde francophone. Comme modèles de la résistance des peuples, Chaka Zulu, Nelson Mandela et Miriam Makeba sont devenus des personnages de fiction tandis qu’André Brink et Johnny Clegg incarnaient les grandes figures de la création artistique en raison du lien ténu entre leurs œuvres, l’engagement politique et la défense des opprimés au détriment des privilèges de classe et de race. Il faut relever qu’à la rencontre in situ des pionniers de la communauté francophone (les Huguenots) avec l’Afrique du Sud, se conjugue celle qui se noue essentiellement hors de l’Afrique du Sud à cause des mesures de restrictions des libertés sous le régime de l’Apartheid.

Pourtant, durant cette période, l’enseignement du français avait bien lieu dans les écoles et universités élitistes du pays. Il contribuait à assurer à la minorité blanche, non seulement l’ouverture au monde, mais surtout le prestige culturel rattaché à la langue et à la culture françaises. Au vu du corpus privilégié et des orientations pédagogiques de l’époque, l’enseignement/apprentissage du français apparaissait alors comme un privilège de race et de classe, mais aussi paradoxalement comme un instrument de lutte qui a permis de porter le combat des auteurs sud-africains à l’échelle du monde francophone par le biais de la traduction. C’est par exemple le cas de l’œuvre d’André Brink, A Dry White Season, dont la version française Une saison blanche et sèche a passé plus d’une vingtaine d’années dans les programmes scolaires au Cameroun et vulgarisé la condition misérable des peuples africains d’Afrique du Sud. 

La libération de Nelson Mandela le 11 février 1990 eut un vibrant retentissement à l’échelle mondiale et bien plus encore dans l’espace francophone. Le plus vieux prisonnier politique devenait ainsi un mythe vivant dont la ténacité de sa philosophie de la libération et de la réconciliation de son peuple irradie jusqu’à présent la création artistique et littéraire francophone. L’accession de Nelson Mandela au pouvoir à l’issue des premières élections pluralistes en 1994 en Afrique du Sud ouvrait de facto son pays aux mondes. Cette terre, autrefois exclue du concert des nations, devait commencer à recevoir d’autres types d’invités dont particulièrement ceux issus du monde francophone africain. L’éventail des voies francophones s’élargissait alors par l’irruption de ces nouveaux acteurs de langue française en terre sud-africaine. En plus, la démocratisation de l’accès aux écoles et aux universités impliquait une reconfiguration de l’enseignement/apprentissage du français et des littératures de langue française avec un grand intérêt pour la question décoloniale. Fiona Horne (2017) note fort à propos que :

Debates around Francophonie, broadly used as a marker for post-colonialism and cultural diversity, clearly resonate with the South African project of decolonisation and democratisation. Within this framework of values, Francophone literature in South African academic programmes is consciously being (re)positioned to promote a sense of belonging to the African continent.

This has led to a strong representation of francophone African literature and a shift in how texts are selected. Texts are chosen less as examples of high cultural production and representation and more through the principles of identification and authenticity. They aim at shedding light on the reader’s own culture through an intercultural dialogue with the text. This kind of inclusiveness is evident in the focus on tropes such as class, identity, gender, race and migration which reinsert the text into social contexts and current debates.

Dans ce sillage, le professeur Bernard De Meyer apparaît comme une figure tutélaire des études francophones en Afrique du Sud et plus généralement, en Afrique australe. Auteur de nombreuses publications sur les littératures africaines francophones contemporaines, ses travaux ont contribué à travers la Revue French Studies in Southern Africa et bien d’autres, à inscrire dans le paysage académique sud-africain de manière continue et pérenne la recherche sur la F/francophonie. Homme de culture, ayant assuré la présidence de l’Alliance Française de Pietermaritzburg et de l’Association For French Studies in Southern Africa, il a su maintenir, par son implication de longue date aux activités de ces associations, la flamme de la langue française et de ses littératures dans un environnement de marché linguistique et culturel extrêmement concurrentiel. Privilégiant le dialogue plutôt que la confrontation entre les imaginaires, sa présence, ses travaux de recherche, ses activités pédagogiques et son encadrement de nombreux doctorants et postdocs, font qu’aujourd’hui, les French and Francophone Studies sont un champ disciplinaire bien implanté dans le paysage universitaire en Afrique australe en général et plus spécifiquement en Afrique du Sud. Il est révélé comme l’un des 60  visages de la Francophonie scientifique à l’occasion de la célébration du 60e anniversaire de l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) en septembre 2021 et son message à l’occasion était : « Continuez avec la même rigueur, avec le même sens de la communauté ».

Comme dépositaires de cet héritage qui doit être perpétué, les auteurs de cet appel à contribution, au-delà de la gratitude symbolique que des disciples rendent à leur mentor, voudraient convier à réfléchir sur l’état des lieux et aussi sur les projections de la rencontre des imaginaires culturels et idéels qui s’est tissée au fil du temps entre l’Afrique du Sud et même australe avec le reste du monde francophone. Trois axes, sans être exclusifs, seront privilégiés :

-          L’axe artistique devra amener les contributeurs à se pencher sur le marché des biens symboliques qui se noue autour des Instituts français en Afrique australe. Des vernissages des artistes locaux à leur séjour dans les capitales francophones, il s’agira de mettre en exergue l’ouverture qu’offre l’expérience du contact avec ce qu’on pourrait appeler la Francophone Touch. Les dimensions inter et trans-médiales pourront nourrir la réflexion sur les approches artistiques d’un créateur à un autre. Par ailleurs, il sera tout aussi intéressant de voir comment l’Afrique du Sud a servi de matière première et de tremplin aux artistes francophones dans leur création et dans leur trajectoire professionnelle. 

-          L’axe littéraire quant à lui mettra un accent particulier sur les représentations de l’Afrique du Sud, de son histoire, sa géographie, de ses idéaux dans les littératures de langue française. Il convient en effet de noter que si le monde francophone est moins présent dans l’imaginaire des Sud-Africains, leur pays, a contrario, à travers ses figures héroïques, a constitué une trame à partir de laquelle les écrivains africains francophones en l’occurrence ont projeté, à un moment donné de l’histoire de la littérature africaine, le futur africain. Une autre voie à explorer sera celle de la réception, par le biais de la traduction, des écrivains sud-africains dans le monde francophone.

-          Le dernier axe didactique planchera sur les défis de l’enseignement du français en Afrique australe. Comme didactique de langue étrangère, les contributions devraient souligner les efforts d’endogénéisation des approches et du corpus en fonction des directives institutionnelles liées au processus de décolonisation et des attentes personnelles des apprenants vis-à-vis de l’apprentissage de la langue française.


Pour répondre à cet appel, les résumés de vos propositions d’article, en français ou en anglais, (200 à 300 mots), accompagnés d’une brève notice biographique de l’auteur, devront parvenir à l’adresse : collectif4bdm@gmail.com, au plus tard le 17 mars 2022.

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Comité scientifique

Abdoulaye Imorou (University of Ghana)

Albert Jiatsa Jokeng (University of Maroua, Cameroon)

Christian Ollivier (Université de la Réunion, France)

Clément Dili Palaï, (University of Maroua, Cameroon)

Cynthia Parfait (Université d’Antsiranana, Madagascar)

Emmanuel Ndour (University of the Witswaterand, South Africa)

Fiona Horne (University of the Witswaterand)

Jaco Alant (University of KwaZulu-Natal, South Africa)

Jean Claude Abada Medjo (University of Yaounde 1)

Jean-Louis Cornille (University of Cape Town, South Africa)

Karen Ferreira-Meyers (University of Eswatini)

Kasongo Kapanga (University of Richmond, USA)

Markus Arnold (University of Cape Town, South Africa)

Michael Apuge (University of Maroua, Cameroon)

Patrice Mwepu (Rhodes University, South Africa)

Pierre Halen (Université de Metz, France)

Raymond Mbassi Ateba (University of Maroua, Cameroon)

Sarah Davies Cordova (University of Wisconsin Milwaukee, USA)

Véronique Tadjo écrivaine, Côte d’Ivoire

Comité éditorial
Alexandra Stewart (University of KwaZulu-Natal, South Africa)

Laude Ngadi Maïssa (University of KwaZulu-Natal, South Africa)

Philip Awezaye M. (University of KwaZulu-Natal, South Africa)

Roger Fopa Kuete (University of KwaZulu-Natal, South Africa/ University of Maroua, Cameroon)

Yaya Mountapmbémé P. Njoya (University of KwaZulu-Natal, South Africa/ University of Maroua, Cameroon)


Calendrier 

Date de publication de l’appel : 17 janvier 2022

Date butoir de réception des résumés : 17 mars 2022

Notification aux contributeurs (31 mars 2022)

Retour des chapitres rédigés (31 juillet 2022)

Renvoi des chapitres revus et corrigés (15 septembre 2022)

Début du processus éditorial avec pour date probable de publication (1er trimestre 2023)