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Lacunes (Paris)

Lacunes (Paris)

Publié le par Marc Escola (Source : Nathalie Koble)

Paris du 6 au 8 décembre 2022

Dans les dictionnaires courants, les définitions de « lacune » renvoient toutes à des notions de manque, de vide, d’absence, voire de défaillance, de détérioration ou d’insuffisance. C’est aussi une déficience de savoir – on parlera ainsi d’ « avoir des lacunes » dans un domaine. Réalité commune à de nombreux domaines, cette notion est pourtant plus complexe que ce que cette liste laisse entendre. S’il s’agit bien d’un manque, ce dernier est dynamique et signifiant. Cette réalité n’est pas simplement une absence, mais plutôt une forme de trace en négatif (au sens littéral ou archéologique) de ce qui fut présent ou entier et qui, pour une raison ou une autre, a disparu dans une sorte d’amputation. Sauf dans le cas d’un savoir à acquérir, la lacune pose la question de l’origine et de la nature de ce qui fut, autant que de son devenir et des pratiques qu’elle appelle : retrouver, restituer ou non, et de quelle façon. Elle amène également à s’interroger sur la manière dont cette rencontre avec la lacune s’opère entre le présent (les chercheurs, les conservateurs et restaurateurs, les artistes, aujourd’hui, face à ce manque) et le passé (les producteurs, hier, d’une réalité), qu’il soit lointain ou très récent. Ce vide interroge la complétude théorique ou réelle, dans la mesure où la lacune met en perspective cette notion : quelle est-elle ? Quelle perte signifie la lacune si elle est bien un manque ? Est-elle le résultat d’une action volontaire et consciente ou non ? Quel sens lui donner et comment la vivre aujourd’hui ?

En outre, la lacune est appréhendée globalement sous un angle négatif puisqu’elle est perçue comme une perte par rapport à une totalité, imaginaire ou réelle, et s’inscrit dans un fantasme du plein, un mythe d’un tout inaltéré. Pourtant, si le monde ne comportait pas de lacunes créées au cours de la très longue histoire humaine, la vie y serait impossible. Volontaires ou involontaires, ces lacunes créées au fil du temps rendent aussi possible le réel d’aujourd’hui. Même à l’échelle de l’existence humaine, la perte de mémoire liée à un choc post-traumatique est une forme de résistance de l’individu face un événement passé pour lui permettre de continuer à vivre : la lacune psychique devient salvatrice. À l’inverse, l’hypermnésie qui conduit à ne rien oublier est, pour celles et ceux qui en souffrent, une forme de malédiction qui entame les capacités de fonctionnalité de l’individu. L’oubli est une nécessité qui libère. À l’échelle des hommes comme du monde, sans lacunes, l’encombrement des esprits ou des lieux rendrait la vie impossible. La lacune engendre donc, par sa nature, une nécessaire réflexion sur le temps et les lieux, réels comme imaginaires, dans lesquels elle s’inscrit.

Enfin, si elle semble une évidence en Occident, la notion de lacune recouvre également une dimension culturelle très forte. Elle n’est d’ailleurs pas perçue à l’identique dans le monde, au point que le mot n’existe pas dans certaines langues, comme le chinois. Dans sa dimension patrimoniale, la « lacune » au sens premier se traduit d’une façon différente, dans les termes comme dans les pratiques : les valeurs attachées à cette notion et les réactions qu’elle suscite varient grandement selon les époques et les lieux.

Cette notion de « lacunes » est donc à la fois une réalité du présent et un sujet pour des chercheurs d’horizons très variés : archéologues ou archivistes qui créent eux- mêmes des lacunes dans leur pratique (fouilles, tri, etc.), historiens, anthropologues, littéraires, philosophes, restaurateurs du patrimoine, artistes, etc. Chacun fait face à ces lacunes, les interroge, les met en perspective, les transforme en sujet explicatif ou d’analyse. D’aucuns vont chercher à les comprendre, les combler (intellectuellement ou matériellement), tandis que d’autres en feront un objet de création.

De façon toute indicative, trois axes pourraient structurer le colloque sans épuiser l’univers des questions possibles :

-  La lacune voulue, comme élément de création, artistique, comme pratique archivistique ;

-  La lacune subie comme élément de dégradation qui interroge l’authenticité de l’objet, dans une perspective culturelle et historique qui ne l’appréhende pas de la même manière selon les temps et les aires culturelles ;

-  Le comblement de la lacune (que fait-on de la lacune ; les interventions de restauration pour la combler)

L’UMR 9022 Héritages s’empare de cette notion pour son premier colloque international et résolument pluridisciplinaire.

Il se tiendra à Paris du 6 au 8 décembre 2022, à l’auditorium Colbert, Galerie Vivienne.

Il combinera des présentations académiques classiques, des grandes conférences, des tables rondes, ainsi que des performances d’artistes ou de chercheurs sur le thème. Sous l’égide du Comité scientifique, le colloque est organisé par Héritages, en partenariat avec l’Institut national du patrimoine.

Anne Lehoërff Professeur des Universités, Membre de l’UMR Héritages, au nom du Comité Scientifique

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Membres du Comité Scientifique :

Julie Amiot-Guillouet (Héritages)

Étienne Anheim (EHESS)

Grégory Delaplace (EPHE)

Anne-Julie Etter (Héritages, FSP)

Christian Hottin (INP)

Nathalie Koble (ENS)

Chantal Lapeyre (Héritages)

Christine Laurière (Héritages)

Sandie Leconte (INP)

Anne Lehoërff (Héritages)

Olivier Zeder (INP)

Secrétaire du Comité Scientifique :

Solène Hazouard (Héritages)

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Les propositions de communications (20 minutes) sont à envoyer avant le 16 mai 2022 à l’adresse suivante: aac.colloque.lacunes@gmail.com.

Elles comporteront un titre et un résumé de 1500 signes (espaces compris), l’indication de l’axe choisi parmi les trois proposés, ainsi qu’une brève notice bio-bibliographique de 600 signes (espaces compris).

Réponse du Comité Scientifique et sélection des communications retenues : mi-juin 2022.