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La ville dans les sciences du langage, dans la littérature et dans les arts 

La ville dans les sciences du langage, dans la littérature et dans les arts

Publié le par Marc Escola (Source : Bessem Aloui)

Le Département de français de la FLAHM

Appel à contributions

La ville dans les sciences du langage, dans la littérature et dans les arts

Colloque international en hommage à Fadhila Laouani,

Professeure Émérite à la Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de la Manouba

Les 7 et 8 avril 2022

 

La ville : matérialisation par excellence de la créativité, du sens de l’organisation et du savoir-faire de l’être humain. Si, au commencement, l’homme a créé la ville, l’inverse n’est-il pas aussi valable ? Son apparition au cours de l’histoire de l’humanité a longtemps animé les débats. Elle est finalement fixée à la naissance des premières agglomérations urbaines entre le Tigre et l’Euphrate dans la Mésopotamie du IVe millénaire avant J-C. S’étendant par la suite à la Grèce, le nord de l’Afrique et l’Europe, elle constitue aujourd’hui le modèle d’espace de vie le plus répandu dans le monde. Elle est aussi depuis de nombreux siècles un objet d’étude de prédilection pour les sciences humaines. Philosophes, sociologues, historiens, géographes, linguistes, sémiologues et anthropologues ont rivalisé de théories ou de concepts afin de saisir l’impact de l’apparition des centres urbains sur la nature de l’homme et des rapports sociaux. Les citer serait une entreprise titanesque. Il est certain que d’Aristote qui distingue la ville de la cité, à Karl Marx qui y voit le cadre idéal de la lutte des classes, Max Weber qui l’associe à la modernité et aux mutations qui la fondent, ou encore Edgar Morin qui plaide « pour une politique de la ville au XXIe siècle », les pistes se multiplient et le cheminement de la pensée continue au gré des nouvelles données qui ne cessent de se renouveler. La ville se transforme et, avec elle, son identité et sa fonction sont régulièrement actualisées. Elle se déplace, elle s’étend, elle change de visage et parfois même intègre de nouvelles dimensions. La ville est certes ancrée dans le réel, mais elle peut également naître et se développer dans l’imaginaire comme le souligne Gaston Bachelard. L’architecture s’érige en mots, la poétique de la ville décale les frontières, les arts s’approprient l’espace urbain dans une quête de sens ou de non-sens.

La thématique de la ville, confrontée aux sciences du langage, sollicite au moins trois disciplines de manière directe et manifeste : la sociolinguistique urbaine, la dialectologie urbaine et la sémiotique dans sa dimension signalétique.

- la sociolinguistique urbaine, qui préconise la ville comme un espace multiple et complexe, souligne la corrélation entre la structuration et la représentation de l’espace et les pratiques discursives. Une approche sociolinguistique de l’urbanité a déjà été initiée par plusieurs linguistiques. Calvet L.-J., à titre d’exemple, a notamment interrogé les voies de la ville dans son introduction à la sociolinguistique urbaine (1994) en faisant de la communauté sociale un paramètre déterminant, à côté de la communauté linguistique. Ses travaux, entre autres, sur les langues africaines ayant fait de l’espace l’un des facteurs sociaux le plus saillant. 

Au regard des langues, la ville dans sa pluralité sociale est un catalyseur de diversités qui se décline à tous les niveaux linguistiques : phonétique, syntaxique, lexical et sémantique. Il ne faudrait pas oublier la production linguistique anonyme comme les slogans, les affichages sauvages, les graffitis, etc.

- la dialectologie urbaine : la ville est le lieu du brassage des langues. Elle  est, par excellence, l’espace de la pluralité linguistique intralinguale et extralinguale et du croisement des parlers.    

Les aires linguistiques ont beau être géographiquement délimitées, la ville fait d’eux des espaces qui sont de facto hétérogènes ; elle peut comprendre des aires urbaines, périurbaines, mixtes mi-urbaines mi-rurales, des zones pseudo-urbaines dont seules certaines communes sont urbanisées, etc. Cette variation géographique, regroupée généralement sous la dénomination « diatopie », est doublée d’une variation linguistique en termes de lectes. La ville est riche en dialectes, en sociolectes, en régiolectes, en topolectes. C’est le territoire des multiples flux et reflux, des assimilations et des rejets à la périphérie des centres urbains et à celle des parlers standards d’où la particularité de son traitement dans les Atlas linguistiques. C’est souvent dans ce cadre que l’on oppose la dimension normative à  la diversité des lectes, autrement dit, la communication formelle, normée aux lectes socio-professionnels (des cités, des corporations, des prisons, etc.)

-la signalétique, en tant que champ sémiotique, a pour fonction essentielle d’organiser l’espace en vue d’informer, de guider, d’orienter les usagers à travers des supports langagiers et iconiques. Elle constitue un champ d’étude dynamique qui a connu dans plusieurs métropoles une grande évolution suite à la révolution numérique comme le développement de diverses applications (dont « google maps »), celui d’une signalétique interactive qui indique à l’usager les itinéraires conseillés, les distances du point de vue spatial et temporel, qui informe sur la fluidité du trafic, etc.

Dans les études tunisiennes, à titre d’exemple, Garmadi S. a consacré plusieurs travaux à « la langue des enseignes de quelques rues importantes de Tunis » (1966 ; 1967), point de vue qui gagnerait à être actualisé devant l’étalement urbain et le développement des agglomérations que connaît, par exemple, la capitale tunisienne ou le « Grand Tunis » avec ses quatre gouvernorats (Tunis, Ariana, Manouba et Ben Arous). Il est clair, par ailleurs, que la coexistence de la langue avec les autres codes sémiotiques n’est pas propre à la signalétique, elle se vérifie également dans la création artistique, la publicité, etc.

Décor autant que sujet d’inspiration de plus en plus présent, la ville a joué un rôle central non seulement dans le discours linguistique mais également dans les littératures et les arts à travers les siècles. Célébrée ou raillée, elle est convoquée pour sa complexité, l’épaisseur des mystères qui la hantent, les convulsions historiques qui la secouent et changent la face du monde. Du Paris de Baudelaire à la Rome de Gracq en passant par l’Alger de Yasmina Khadra, le Tunis de Meddeb ou le New-York de Paul Auster, la ville source de progrès ou de décadence, de lumière ou de fange, quand les deux ne sont pas mêlés, a impulsé, au fil des siècles, de nouvelles représentations, de nouveaux thèmes, de nouveaux mythes qui ne cessent d’approfondir ses secrets. Capitalisant mythe du progrès social et politique (le Paris de Zola), autant que monstruosité physique et esthétique (Les villes tentaculaires de Verhaeren), la ville s’ouvre sur l’imaginaire de l’ambivalence, du contraste, de l’errance, de la violence, de la rencontre, du désir. Elle se construit comme allégorie de l’Histoire, de son histoire et de celles des poètes, peintres, photographes, cinéastes et romanciers qui l’arpentent avec le regard critique ou amoureux (celui de Breton dans Nadja) pour nourrir leurs œuvres et notre mémoire.

Si le Persan de Montesquieu voit Paris comme « la ville du monde la plus sensuelle » et qu’Eustache Deschamps la glorifie en annonçant que « rien ne se peut comparer à Paris », elle devient sous le regard acerbe de Scarron la cité « des gens de plume aux doigts crochus ». Au XIXe et XXe siècles, elle est la capitale littéraire par excellence : de ville plurielle de Balzac et de Victor Hugo à celle de l’inscription poétique dans la modernité (Rimbaud, Apollinaire ou Prévert) ou de la recherche obsédante de la mémoire (Modiano), Paris se décline en images denses dans l’intensité de l’engagement de ses arpenteurs amoureux. Il en est de même de Rome, labyrinthique, suintant la mauvaise foi chez Zola et ville pleine de majesté pour Gracq. Que dire alors d’Alger au ciel « si bleu si calme » pour Camus et aux impasses assassines pour Yasmina Khadra, du Tunis de Memmi qui s’y accroche malgré ses métamorphoses et ses trahisons car « comme une mère, une ville natale ne se remplace pas », du Caire de Cossery si lumineusement populaire ou de Tanger si scandaleusement désirable pour Genet ? Promeneurs amoureux ou passagers curieux, les écrivains, autant que les artistes de tous bords, prennent possession de la ville pour y inscrire leurs aspirations, leurs quêtes, leurs rêves ou leurs déboires et ancrer son mythe en constante mutation dans la mémoire humaine. Elle les vampirise autant qu’elle les nourrit de ses sortilèges, de ses vices, de ses rencontres et de ses illusions. Qu’elle soit aimée ou honnie, elle ne cesse d’attirer les artistes qui veulent se mesurer à sa nature mercurielle ; ils y dépensent leurs jours et leurs nuits mais y gagnent souvent leur statut d’artistes. Faite de contrastes suivant la plume, le pinceau ou tout autre outil du créateur et sa vision du monde, la ville et ses multiples représentations s’articulent en images, métaphores, allégories qui la fondent en entité de signes où elle se réactualise avec chaque œuvre : vaniteuse, exubérante, fangeuse, décadente ou sublime, elle désigne l’effervescence et le renouveau esthétique constant.

Le colloque « La ville dans les sciences du langage, dans la littérature et dans les arts », organisé par le Département de français de la Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de la Manouba, propose de développer les axes suivants :

-Les pratiques discursives au regard de la sociolinguistique urbaine.

-Dialectologie urbaine et variations.

- La pluralité des codes du  langage urbain.  

- Imaginaires de la ville : par-delà les limites du possible.

- Poétique de la ville entre création et destruction.

- Représentations de la ville : idéalisation, marginalisation, aliénation.

- Langages urbains et création artistique.

- La ville art : nouvelles expressions artistiques et quête ontologique au cœur de la ville.

            Ces axes peuvent orienter des études en langue française dans les domaines de la littérature française et francophone, de la langue, de la sociologie, de la psychologie, de l’histoire ou des arts.

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Les propositions de communication ne dépassant pas les 500 mots, et accompagnées d’une notice biobibliographique, seront à adresser à l’adresse électronique suivante :

flahm.fr.dep@gmail.com

Dernière date de soumission des propositions : 30-10-2021

Notification de l’acceptation des propositions : 28-11-2021

Le colloque se tiendra les 7 et 8 avril 2022.

 

 

Bibliographie sélective :

 

Bachelard, G., La poétique de l’espace, Paris, PUF, 1983.

Barthes R., S/Z, Paris, Seuil, 1970.

Calvet L.-J., Les voies de la ville. Introduction à la sociolinguistique urbaine, Payot et Rivages Essais Payot, Paris, 1994.

Chemain R., La ville dans le roman africain, Paris, L’Harmattan, 1981.

Chevaier M., La littérature dans tous ses espaces, CNRS, 1992.

Collot M., Pour une géographie littéraire, Paris, Corti, 2014.

Dufief P-J., Paris dans le roman du XIXe siècle, Paris, Hatier, 1994.

Durand G., Les structures anthropologiques de l’imaginaire, Paris, Dunod, 1984.

Fonkua R., Écriture des villes, Centre de recherche Texte/Histoire, Cergy-Pontoise, 1995.

Garmadi S. « La langue des enseignes de quelques rues importantes de Tunis » in Revue Tunisienne des Sciences Sociales (RTSS), Tunis, (I) 1966 ; (II) 1967.

Genette G., Figures III, Paris, Seuil, 1972.

Goldmann L., Pour une sociologie du roman, Paris, Gallimard, 1964.

Hamon P., Du descriptif, Paris, Hachette supérieur, 1993.

Kerbrat M.-C., Leçon littéraire sur la ville, Paris, PUF, 1995.

Menelgado H., Les imaginaires de la ville, entre littérature et arts, Rennes, PUR, 2007.

Mondada L., Décrire la ville. La construction des savoirs urbains dans l´interaction et dans le texte, Paris, Anthropos, 2000.

Moreau M.-L., Sociolinguistique. Les concepts de base, Mardaga, Liège, 1997.

Roudaut J., Les villes imaginaires dans la littérature française, Paris, Hatier, 1990.

Roncayolo M., La ville et ses territoires, Paris, Gallimard, 1997.

Weber M., La ville, Paris, Aubier Montaigne, 1982.

Westphal B., La géocritique. Réel, fiction, espace, Paris, Minuit, 2007.

 

Responsables : Bessem Aloui et Rym Kheriji.

 

Comité d’organisation : Bessem Aloui, Thouraya Ben Amor, Heikel Ben Mustapha, Rym Kheriji, Jouda Sellami.

 

 

Comité scientifique :

Ali Abassi, Université de la Manouba

Zinelabiddine Benaissa, Université de la Manouba

Amor Ben Ali, Université de la Manouba

Abbès Ben Mahjouba, Université de la Manouba

Jalel El Gharbi, Université de la Manouba

Héla Ouardi, Université de la Manouba

Salah Oueslati, Université de la Manouba

Mokhtar Sahnoun, Université de la Manouba

Habib Salha Université de la Manouba

Abderazek Sayadi, Université de la Manouba

Farah Zaiem, Université de la Manouba