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(JE jeunes chercheurs et chercheuses) La création plurielle : faire oeuvre à plusieurs (Paris-Nanterre)

(JE jeunes chercheurs et chercheuses) La création plurielle : faire oeuvre à plusieurs (Paris-Nanterre)

Publié le par Vincent Ferré (Source : Sophie Bros)

Journée d’études des doctorants du CSLF
La création plurielle : faire œuvre à plusieurs

Date : 12 mai 2022

Lieu : Université Paris- Nanterre

Le 12 mai 2022, les doctorants du CSLF (Université Paris Nanterre) organisent une journée d’étude interdisciplinaire consacrée à la création plurielle.
 
Les propositions de 2500 signes maximum, accompagnées d’une brève présentation, sont à adresser à jecreationplurielle@gmail.com avant le 28 février 2022.

Appel à communications

Présentation 

La création est généralement entendue comme production de ce qui n’existait pas auparavant et souvent perçue dans l’imaginaire collectif comme le fait d’un auteur singulier. Depuis le romantisme, c’est en effet l’image d’un génie original, libéré des contraintes et créant à partir de sa seule subjectivité, qui a été valorisée. Plaçant au premier plan l’individu animé de toutes ses revendications de singularité, la force du lieu commun a fini par éclipser une tradition pourtant encore vivace de la création à plusieurs. Or, la création s’avère bien souvent être, consciemment ou non, de manière diachronique ou synchronique, le fruit d’un travail collectif ou pluriel. 
Créer à plusieurs mains, collaborer, coopérer, illustrer, imiter, s’inspirer, poursuivre, dialoguer, correspondre ou critiquer : autant de situations où se développe une inter-créativité qui vient remettre en question le rôle de l’artiste et son identité.
Cette journée d’étude interdisciplinaire a ainsi pour ambition de mettre notamment en lumière les différents aspects de la création collective, que celle-ci soit artistique (picturale, littéraire, musicale, architecturale…) juridique, ou encore scientifique. 
Mais qu’entend-on par collectif ? La création collective peut faire écho à diverses situations. On crée directement à plusieurs à partir du moment où on se regroupe pour produire une œuvre ou des travaux de manière concertée (mouvements et groupes artistiques, groupes de recherches en commun, revues, réalisation de spectacles…). On crée aussi indirectement à plusieurs, dans la mesure où le processus de création relève d’une continuité historique ou de jeux d’influences plus complexes (partage d’une langue, de représentations et de références communes, paradigmes de la tradition, de la transculturalité, des influences/héritages dans une orientation diachronique), qu’ils soient conscients ou non, souhaités ou accidentels.

Propositions de thèmes

Faire à plusieurs mains 
Il s’agira surtout d’abord de cerner la diversité et la mobilité de la création à plusieurs. Couples, duos, collectifs, partenariats, fraternités ou rivalités artistiques, l’accent pourra être mis sur les conditions sociales, humaines et matérielles de la conception de l’œuvre. Hiérarchisation des interventions, déroulement des partenariats : la création à plusieurs nécessite une organisation qui, en plus d’aller à l’encontre de la théorie de l’Inspiration, modifie le rapport au temps. L’on pourra alors interroger la qualité de la collaboration, et montrer que s’il existe des situations de joyeuse coopération, elle peut aussi devenir malheureuse ou contrainte, lorsque le statut de l’un des artistes est éclipsé ou nié. À cet égard, la question du droit d’auteur pourra être soulevée. 
En littérature par exemple, nous retrouvons trace de sociabilités créatrices depuis l’Antiquité – songeons à l’identité problématique d’Homère – jusqu’à nos jours où le numérique facilite l’émergence de pratiques de création collective en passant, entre autres, par les manuscrits médiévaux, les réseaux courtisans ou clandestins de la Renaissance et de l’âge classique, ou les jeux littéraires des avant-gardes.
En art, les ateliers d’artistes témoignent déjà de cette collaboration : derrière la signature singulière du maître (l’on peut penser à Botticelli, Rembrandt ou le plafond de la chapelle Sixtine), c’est toute une équipe qui est à l’œuvre. Plus proche de nous, la collaboration entre Georgia O’Keefe et Juan Hamilton, entre assistant et co-créateur, pose aussi la question de cette pluralité à l’ouvrage, de même que les fresques des muralistes mexicains ou le regroupement volontaire d’artistes contemporains en collectifs.
La création architecturale, ne serait-ce que par sa nécessité à prendre en compte le territoire  qu’elle « contribue à structurer » pour la société (A. Picon),  porte également en elle une inhérente dimension collective : c’est bien en pensant aux utilisateurs et à l’environnement social que l’on imagine la construction d’un édifice. Aussi pourrait-on aller jusqu’à considérer que ces usagers sont impliqués, même passivement, dans la création. Entre continuité du génie national, succession des styles et équipes pléthoriques destinées à l’élaboration d’un même édifice, elle est au cœur des enjeux du collectif. Elle pose également de manière symptomatique la question de l’anonymat : il suffit de penser aux grandes réalisations du gothique qui font œuvre d’art par-delà le caractère inconnu des divers ouvriers et artisans y ayant contribué (sculpteurs, vitraillistes, graveurs…).  

Réviser la place de l’auteur singulier 
Peut-on parler de création à plusieurs lorsqu’une figure auctoriale surplombante vient atténuer la diversité des voix/interventions ? Quelle valeur donner à la signature ? Sans renier l’importance de ce fétiche moderne sur les esprits, des travaux récents se sont évertués à déconstruire le mythe de la solitude créatrice en montrant comment les artistes (et les écrivains en particulier) jouaient de « postures » (J. Meizoz) et de  « panoplies » auctoriales (J.-L. Diaz) qui prennent place dans un système complexe intégrant la présence nécessaire d’autres acteurs que l’artiste lui-même.
Par ailleurs, une place pourra être faite à la notion de polygraphie (T. Cave) en s’intéressant par exemple aux situations de dialogue, de correspondance ou d’intertextualité. La création plurielle peut alors être évoquée non seulement en synchronie mais aussi en diachronie (« littérature de seconde main » (A. Compagnon), dialogue avec les Anciens). 
 Pour les arts de la scène et le cinéma, la dimension nécessairement collective de la création se heurte à la persistance d’une lutte, aux enjeux tant symboliques que financiers, pour imposer une figure auctoriale : producteur, réalisateur, scénariste, vedette. Sur la scène ou le plateau, la répartition des fonctions entre les différents intervenants (auteur, acteur, metteur en scène, chanteur, danseur - et parfois même les spectateurs !) a, dans la pratique, de plus en plus tendance à voler en éclats. Les expériences se multiplient, réduisant à néant l’idée d’un mode unique de création.
De plus, si la place centrale de l’individu dans l’histoire moderne de la civilisation occidentale a souvent mené à considérer la création comme le résultat d’un génie particulier, l’arrivée de la psychanalyse et son prestige considérable au XXe s. ont achevé d’entériner l’idée déjà présente chez certains philosophes du XVIIe s. (Spinoza au premier chef) d’une identité de l’être non plus uniforme mais protéiforme. C’est donc aussi l’illusion d’un créateur parfaitement unifié qui est remise en cause. Se (re)définir comme un autre, reconnaître et accueillir en soi des identités multiples, mettre au jour un travail qui soit le fruit de plusieurs soi, n’est-ce pas déjà là une façon de créer au pluriel ?
Les propositions pourront également s’intéresser à la création plurielle en tant qu’elle résulte aussi de la rencontre entre plusieurs communautés humaines. Dans cette perspective, il serait tout à fait intéressant d’interroger les travaux et œuvres qui relève de l’interculturalité – la création comme carrefour des cultures, des sociétés ou des civilisations – selon l’angle de la création plurielle : combinaison de différentes techniques ou savoirs culturels, influence des cultures entre elles, œuvres métissées, etc.

La réception 
La question du caractère collectif se pose aussi du côté de la réception de l'œuvre (U. Eco). Quelle est la part du récepteur dans la création artistique ? Peut-on parler de création plurielle dans la relation auteur-lecteur ou créateur-spectateur ? Finalement, cette perspective soulève une question essentielle : l'œuvre singulière est-elle possible ? Toute création n’est-elle pas, a fortiori, plurielle ?
Dans cette perspective, les participants pourront s’interroger sur l’usage des pseudonymes (Ajar et Gary) ou hétéronymes en littérature (Caroline Quine pour la série des Alice Roy, ou plus récemment la figure plurielle de Carmen Mola) et dans les arts. La pertinence de la notion d’horizon d’attente pourra toujours être discutée, de même que l’importance des effets rétroactifs qui tiennent souvent compte des attentes du public, sans oublier la constitution de « communautés interprétatives » (Stanley Fish) qui structurent l’interprétation des œuvres. La place du public en tant que re-créateur d’une œuvre préexistante, s’illustrant par le biais de fan-art, fan-fictions, parodies ou hommages divers et réexploitant un grand nombre de supports scripturaux ou visuels divers pourra également faire l’objet de questionnements. 


Soumission des propositions et calendrier

 Cet appel à contributions est prioritairement ouvert aux doctorant-e-s et jeunes docteur-e-s, quel que soit leur domaine de recherche. Chaque communication durera approximativement 25-30 minutes, et sera suivie d'un temps d'échange et de questions. Les propositions de communication d’une longueur maximale de 2500 signes (espaces comprises), auxquelles pourra s’ajouter une bibliographie indicative, sont à envoyer à l’adresse jecreationplurielle@gmail.com et s'accompagneront d'une courte présentation (sujet de recherche, établissement de rattachement, nom du/de la directeur.trice de thèse le cas échéant). 

Date limite de réception des propositions : 28 février 2022.
Date de réponse : début mars 2022.  
Date et lieu de la journée d’étude : 12 mai 2022, Université Paris Nanterre. 

Comité organisateur : Sophie Bros (CSLF, Université Paris Nanterre),
Julie Chabroux-Richin (CSLF, Université Paris Nanterre),
Joao Da Rocha (CSLF, Université Paris Nanterre),
Lou Legros-Lefeuvre (CSLF, Université Paris Nanterre),
Jeanne Meslin (CSLF, Université Paris Nanterre),
Benoît Petiet (CSLF, Université Paris Nanterre).

Bibliographie indicative

Alpers, S., L'atelier de Rembrandt : la liberté, la peinture et l'argent, Paris, Gallimard, 1991. 
Bakhtine, M., Esthétique et théorie du roman, Paris, Gallimard, 1978.
Bloom, H., The Anxiety of Influence : A Theory of Poetry, New-York, 1973.
Compagnon, A., La seconde main ou le travail de citation, Paris, Seuil, 1979.
Dandrey, P., Denis, D., Châtelain, J-M. (dir.), « De la polygraphie au XVIIe siècle », Littératures classiques, 49, automne 2003, p. 385-400.
Debarre-Blanchard F. & Eleb., Architectures de la vie privée, Archives d'architecture moderne, Bruxelles, 1989.
Diaz, J-L., L’écrivain imaginaire : scénographies auctoriales à l’époque romantique, Paris, H. Champion, 2007.
Eco, U., Lector in fabula, Paris, Grasset, 1985.
Glissant, E., Introduction à une poétique du divers et Traité du Tout-Monde, Paris, Gallimard, 1996 et 1997.
Griener, P., « La notion d’atelier de l’Antiquité au XIXe siècle : chronique d’un appauvrissement sémantique », Perspective, 1, 2014.
Kristeva, J., Sémiotikè, Recherches pour une sémanalyse, Paris, Seuil, 1969.
Meizoz, J., Postures littéraires : Mises en scène modernes de l'auteur, Genève, Slatkine, 2007 et La fabrique des singularités : postures littéraires II, Genève, Slatkine, 2011.
Morlino, B., Parce que c'était lui : les amitiés littéraires : de Montaigne et La Boétie à Boudard et Nucéra, Paris, Ecriture, 2015.
Picon, A., La matérialité de l’architecture, Marseille, Parenthèses, 2018.
Ricœur, P., Soi-même comme un autre, Paris, Seuil, 1990.
Riffaterre, M., La Production du texte, Paris, Seuil, 1979.