Actualité
Appels à contributions
L’organisation de l’univers textuel : de la cohésion à la cohérence

L’organisation de l’univers textuel : de la cohésion à la cohérence

Publié le par Marc Escola (Source : Mohammed Nabih)

L’organisation de l’univers textuel : de la cohésion à la cohérence

On le sait, la linguistique s’est arrêtée longtemps uniquement sur la phrase qui était considérée comme la dernière unité dont il fallait s’occuper. On a avancé que le linguiste ne saurait se donner un objet supérieur à l’unité phrastique parce qu’au-delà, il n’y a jamais que d’autres phrases : ayant décrit la fleur, le botaniste ne peut s’occuper de décrire le bouquet. Le texte ne peut donc aucunement constituer un objet d’investigation pour la linguistique étant donné qu’il n’a ni structure, ni grammaire. Benveniste le disait déjà en 1962 : « Avec la phrase on quitte le domaine de la langue comme système de signes…» (p.128)  et Jakobson en 1963 : «…dans la combinaison des phrases en énoncés, l’action des règles contraignantes dans la syntaxe s’arrête net…» (p.47).

Cependant, cette conception va changer à partir de la fin des années 60, période au cours de laquelle on a assisté à un renouveau considérable des études linguistiques. En effet, certains linguistes, en Europe comme aux États-Unis, se sont penchés, dans une perspective de linguistique transphrastique, sur la notion de texte. On pensait que l’unité d’analyse la plus grande devant être prise en compte en linguistique était le texte et non la phrase. La raison en est que certains phénomènes tels que le fonctionnement des temps verbaux, les repères énonciatifs, les organisateurs textuels, les relations anaphoriques, etc. demeurent mal ou insuffisamment traités dans le cadre de la phrase. De même, l’interprétation d’un texte, comme étant un ordre et non une série, ne peut se réduire à la somme des phrases qui le composent de la même façon que l’interprétation d’une phrase ne peut se réduire à la somme de l’interprétation des mots qui la composent.

C’est ainsi qu’on a assisté à l’émergence d’un ensemble d’approches basées sur les analyses textuelles, approches qui, avec le temps, vont connaitre des évolutions sensibles à plusieurs niveaux de leur réflexion et de leurs pratiques, niveaux qui s’entrecroisent et interagissent pour faire surgir de nouveaux questionnements et de nouveaux paradigmes.

On peut citer, entre autres, les travaux de M.A.K Halliday et R. Hasan qui ont initié un courant de recherche très important en analyse de la cohésion qui a sans doute le plus influencé l’approche textuelle, les travaux de Michel Charolles et Bernard Combettes en grammaire textuelle, entrepris dans une visée pédagogique et dont les contributions ont permis de définir un ensemble de règles de bonne formation d’un texte, et de ce qui fait sa cohérence ; ou encore les travaux de Jean Michel Adam en linguistique textuelle  qui permettent de rendre compte de la structuration d’un texte ainsi que de ses dimensions pragmatiques et textuelles.

À la suite de toutes ces approches, le texte a une organisation particulière permettant de rendre compte de sa textualité. Cette organisation est décodée la plupart du temps par la cohérence et la cohésion étant donné qu’elles se donnent pour perspective la focalisation sur le texte dans son ensemble, comme étant un système complet et chevauché. Cependant, il est à noter qu’en dépit de leur utilité, ces deux notions ne sont pas faciles à cerner. Certes, elles sont différentes mais elles ne sont pas indépendantes. Leur interaction est si forte que la confusion a souvent accompagné leur usage. Avant d’apparaître dans le vocabulaire linguistique, elles appartenaient déjà au vocabulaire courant pour s'appliquer à des ensembles d'actions. La cohérence désigne alors l'absence de contradiction interne ou l'adéquation d'un comportement à une situation. Elle est synonyme d'unité établie sur un critère logique. La cohésion renvoie à l'intensité de la relation associant les différents composants d'un ensemble. Elle ne définit pas un tout, mais une liaison fondée sur une propriété commune entre éléments constitutifs d'un tout.

Pour les textualistes, la cohérence est définie comme un processus d’interprétation  où un jugement est porté par le récepteur face à la qualité du texte. Le principe est que l’interprétation d’un texte donné ne doit pas se résumer à la suite des interprétations des phrases successives qui le composent. C’est la cohérence qui doit permettre de  distinguer un texte d’un ensemble aléatoire de phrases. Si la grammaticalité est considérée généralement comme cette qualité qui permet de définir la phrase (est phrase une séquence grammaticale de morphèmes), la cohérence est ce qui définit un texte (est texte une séquence cohérente de phrases). Par contre, la cohésion est directement liée aux marques linguistiques de surface qui ont pour rôle de traduire les relations entre les phrases et les paragraphes. Elle ne concerne pas la signification mais la manière dont est construit un texte et, en particulier, les procédés nécessaires à l’établissement des liens entre les informations connues et les informations nouvelles apparaissant au fil de ce texte.

Le présent ouvrage se propose d’engager, par le questionnement de la réalité complexe du texte, une réflexion tournée vers les schémas et les modes de son organisation et ce quels que soient le genre et le point de vue adopté.

La finalité de l’analyse textuelle est d’éclairer l’organisation des textes à l’aide d’une analyse de ce que "dit le texte" et non pas de ce que "veut dire l’auteur du texte"(Adam 2008) en repérant tous les mécanismes qui interviennent dans sa construction et qui permettent de le juger cohésif et cohérent.

Les articles à retenir doivent manifester une préoccupation autour des thèmes relevant des quatre axes traditionnels : linguistique, littérature, didactique, traductologie.

Axe linguistique :

L’objectif est d’examiner le texte dans sa globalité en déterminant ses aspects compositionnels et configurationnels comme étant des éléments indispensables favorisant et validant la cohésion et la cohérence textuelles : la structuration séquentielle (séquences, périodes, macro-propositions, propositions, plans de texte, etc.), la connexion textuelle (connecteurs argumentatifs, organisateurs textuels), les dimensions référentielle, thématique, énonciative, pragmatique et stylistique (anaphore, progression thématique, isotopie, ellipse, prise en charge énonciative, modalisations, faits de polyphonie, etc.)

Axe littéraire

En situant la problématique de l’analyse textuelle dans le terrain de la littérature, nous proposons d’exploiter les remarquables évolutions qu’a connues, ces trois dernières décennies, le couple Linguistique/Littérature (balançant généralement d’un flirt timide à un mariage heureux mais toujours controversé) pour mener une réflexion sur les spécificités des faits textuels qui motiverait une "analyse textuelle du discours littéraire", aspect qui demeure encore insuffisamment exploré. Dans ce sens, il n’est pas inutile d’interroger ce que des approches comme l’analyse du discours, la linguistique textuelle, la grammaire textuelle, la pragmatique du discours ou encore la stylistique peuvent apporter à l’analyse du discours littéraire : en quoi les méthodes et les instruments de ces approches peuvent-ils nous éclairer sur son fonctionnement textuel et sur notre compréhension du fait littéraire ? La perspective est donc claire. Il ne s’agit pas de critiquer les auteurs ou de porter un jugement sur leur langue, mais d’exploiter les apports de ces approches ou, le cas échéant, les métalangages des littéraires, joignant l’utile à l’agréable, pour cerner et comprendre ces opérations complexes et ces catégories spécifiques qui permettent de saisir la façon dont s’élabore la signification s’abritant dans la matière textuelle et partant déterminer certaines spécificités de la communication littéraire en général.

Axe didactique :

Les analyses textuelles peuvent être également exploitées à des fins didactiques et s’employer à renforcer l’enseignement des langues, qu’il s’agisse de langues maternelles ou de langues secondes. Tout enseignant est censé prendre en considération les principes de cohésion et de cohérence comme notions de base de travail sur les textes étant donné qu’elles permettent de valider la qualité du texte sur le plan de son organisation en mesurant sa clarté, sa lisibilité et sa compréhensibilité. Si nous admettons ces considérations, plusieurs questions s’imposent :

  • Les techniques mobilisées par les enseignants pour faciliter la maitrise d’une bonne cohérence textuelle au niveau de la compréhension et la production écrite.
  • L’intérêt de la cohérence dans les pratiques de l’évaluation par les enseignants des productions écrites.
  • Les critères sur lesquels doivent se baser les enseignants pour juger la cohérence d’un texte d’élève.
  • Les effets de l’intégration didactique de la cohérence et de la cohésion sur l’acquisition de la compétence textuelle (à ne pas confondre avec la compétence linguistique) chez des apprenants en classe de FLE, FOS et FOU.
  • Les outils et les procédés utilisés par les apprenants pour produire des écrits cohérents.
  • Les problèmes liés à la rupture de cohérence dans l’organisation textuelle et toute autre difficulté rencontrée sur le niveau textuel.

Axe traductologique

Nous proposons dernièrement de réserver une place à l’approche textuelle en traductologie portant essentiellement sur le problème que pose la transposition de la cohérence lors de la traduction d’une langue à une autre. Le texte peut ainsi être interrogé pour voir comment cette cohérence sera restituée sans nuire à la logique discursive du texte original et quelles sont les principales difficultés que risque de rencontrer le traducteur qui n’a, en général, qu’une conception décalée du contexte dans lequel s’inscrit le texte à traduire. Il est loisible également d’aborder le problème du point de vue de la cohésion textuelle en procédant par analyse comparative et contrastive de certains de ses marqueurs comme les connecteurs, les anaphores, les progressions thématiques,… pour, d’une part, mettre en évidence les ajustements (ajouts, modifications, adaptations) auxquels recourt le traducteur afin de répondre aux attentes des lecteurs en la matière et, d’autre part, dégager certaines récurrences linguistiques et tendances traductives.

Ces thématiques proposées ne pourraient épuiser les pistes de réflexion que suscite une problématique aussi vaste et complexe que celle de l’analyse textuelle. Elles peuvent être complétées par toute autre proposition s’inscrivant d’une manière pertinente dans ce domaine.

 

Langues de contribution : Français, Anglais.

Soumission des propositions d’articles 

Les articles, ne dépassant pas les 30 000 signes (notes, espaces et bibliographie compris), sont à envoyer avant le 30 septembre 2020 aux adresses suivantes : mohammed.nabih@usmba.ac.ma et ouvragetexte2020@gmail.com.

Chaque proposition devra contenir  le titre de l’article, des informations sur l’auteur: Prénom et Nom suivis de l’Institution de rattachement et coordonnées électroniques, un résumé de 200 mots maximum 5 mots clés, séparés par des virgules, l'article et sa bibliographie.

*

Comité de lecture: 

EL AZOUZI Abdelmounïm (Université Sidi Mohamed Ben Abdellah-Fès)
EL HIMANI Abdelghani (Université Sidi Mohamed Ben Abdellah-Fès)
CHAFIK Hassan, Université Sidi Mohamed Ben Abdellah-Fès)
BRIGUI Fouad, (Université Sidi Mohamed Ben Abdellah-Fès)

LAMNOUAR, Ali (Université Mohamed V-Rabat)

MESKINE Driss (Université My Ismail-Meknès)

BELARBI Mokhtar, (Université My Ismail-Meknès)

ZAHIR Mohamed, (Université Sidi Mohamed Ben Abdellah-Fès)

GUESSOUS Hamid, (Université Sidi Mohamed Ben Abdellah-Fès)
BOUAZZA Abdelhak, (Université Sidi Mohamed Ben Abdellah-Fès)
BELHAJ Samia, (Université Sidi Mohamed Ben Abdellah-Fès)
SEMLALI Mohamed, (Université Sidi Mohamed Ben Abdellah-Fès)
NABIH Mohammed, (Université Sidi Mohamed Ben Abdellah-Fès)