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L’écriture engagée dans le contexte francophone du XXIe siècle (Mouvances Francophones, vol. 4)

L’écriture engagée dans le contexte francophone du XXIe siècle (Mouvances Francophones, vol. 4)

Publié le par Marc Escola (Source : Mansour Bouaziz)

Appel à contribution
Mouvances Francophones, volume 4 (août 2019)
L’écriture engagée dans le contexte francophone du XXIe siècle

L’écrivain engagé, figure récurrente des littératures au fil des siècles, ne cesse de fasciner, de provoquer et de questionner notre rapport au monde. Dès la fin du XIXe siècle, l’intervention d’Émile Zola en faveur d’une justice impartiale dans l’affaire Dreyfus marque un point tournant dans la perception du rôle de l’écrivain, comme responsable de la morale de son temps. Dans cette lignée, Romain Rolland lance un appel pacifiste poignant à l’aube de la première guerre mondiale pour dénoncer les hostilités imminentes. Puis, alors que le XXe siècle s’enlise dans des conflits caractérisés par des violations des droits humains sans précédents, les auteurs prennent la plume en défense de valeurs éthiques commune à l’humanité (Paul Éluard, Jean-Paul Sartre ...).

Dans la littérature francophone, l’engagement de l’écrivain a connu différentes phases selon le contexte socio-historique du moment de l’écriture. Ainsi, par exemple, ce qu’on appelle communément la première génération d’écrivains francophones (Senghor, Césaire, Diouf) avaient pris la plume pour revendiquer leurs droits ou simplement pour se revendiquer comme sujet pensant et indépendant. Au lendemain des indépendances, qui, le plus souvent, se sont accompagnées d’un amer désenchantement, les écrivains avaient orienté leur plume critique pour dénoncer les nouveaux pouvoirs usurpateurs de la « cause nationale ». Cependant, l’engagement peut toucher de différentes manières l’oeuvre littéraire, que ce soit sur le plan formel, thématique ou esthétique par exemple.

Le numéro 2019 de Mouvances Francophones propose de s’intéresser à la question de l’engagement dans les littératures francophones du XXIe siècle. Après plus d’un demi-siècle des indépendances, qui ont parfois laissé la place à de meurtrières guerres fratricides, des renversements de régimes, d’exil et d’amère ironie, quelles modalités prend la plume francophone dénonciatrice ? Que représente l’engagement pour un écrivain dit francophone dans un contexte de globalisation et de « littérature-monde » ? Par quels moyens passe l’engagement : forme, thème, univers, style, etc. ?
Comme axes de travail, nous proposons cette liste non-exhaustive de thématiques qui appellent normalement l’engagement :

Féminisme : Si l’écriture des auteurs de la deuxième génération de la francophonie se démarque sur le fond et sur la forme de celle de ses prédécesseurs, une évolution notable à partir des années 1980 est l’apparition des femmes sur la scène littéraire. Leurs oeuvres, parfois autobiographiques, proposent un style nouveau puisant par exemple dans les traditions du conte et de l’épopée pour proposer une écriture plus poétique mélangeant les conventions liées à l’oralité et à l’écrit. Les écrivaines s’engagent dans un combat féministe, questionnant la condition de la femme dans une société évoluant entre modernité et tradition (Aminata Snow Fall, Ken Bugul, Calixthe Beyala, Michèle Rakotoson, Marie N’diaye). Comment cette tension s’illustre-t-elle dans le récit ?


Guerre civile : Guerres civiles et tribales engendrent une littérature importante. Aux tonalités parfois grotesques et cyniques, ces romans dénoncent les violations perpétrées en temps de guerre. (Amadou Kourouma, Emmanuel Dongala, Abdelaziz Baraka Sakin). Enfants-soldats, dictatures et abus de pouvoir, exil et refuge sont autant de thèmes abordés par les auteurs francophones. En quoi la fiction permet-elle de souligner ces problématiques?


Frontières et immigration: Témoins des difficultés et désillusions vécues par nombres d’immigrés décidant de s’expatrier vers l’occident, les écrivains de la francophonie contemporaine travaillent à déconstruire le mythe du pays d’accueil comme eldorado florissant. Dans un style souvent réaliste, ces auteurs dénoncent aussi les conditions d’accueil et de vie imposées aux immigrés (Daniel Biyaoula, Sami Tchak). L’écriture devient-elle alors un instrument de critique des politiques migratoires ou a-t-elle vocation à dissuader l’émigration?

Désenchantement : Une soixantaine d’années après les indépendances, qui blâmer comme cause du mal-être qui caractérise encore plusieurs anciennes colonies ? Le « désenchantement » comme thème de plusieurs romans des écrivains dits de la deuxième génération a-t-il encore une légitimité au XXIe siècle ? Si oui, comment a-t-il évolué ?

Printemps arabe : Les mouvements sociaux qui ont secoué certains pays du monde arabe au début des années 2010 ont été le plus souvent réprimés dans le sang ; même si la plupart ont échoué, ils n’en ont pas moins révélé de profondes mutations structurelles dans les sociétés qu’on considérait habituellement comme stagnantes voire rétrogrades. Peut-être est-il trop tôt pour revenir sur cet épisode, il n’empêche que les problèmes soulevés lors de ces insurrections ne sont pas récents et montrent
que les revendications au XXIe siècle sont en droite ligne avec les désenchantements des lendemains de libération : il s’agit essentiellement d’un divorce entre les aspirations des peuples et leur classe dirigeante, souvent plus rapaces que les anciens colonisateurs (cf. Portrait du décolonisé de Memmi). Comment représente-t-on cet épisode dans la littérature ? Sous quelle tonalité ? Y a-t-il un retour critique sur soi ? etc.

Radicalismes : Le zèle, la bigoterie, la religion comme « fonds de commerce » et bien d’autres notions peuvent qualifier aujourd’hui l’attitude de certaines factions politiques dites religieuses. Le radicalisme religieux – qui signifie étymologiquement « retour à la racine » – touche aujourd’hui plusieurs sociétés et pas uniquement dans le monde arabo-musulman. Un écrivain « réaliste », pour ne pas dire engagé, qui décrit une société où l’ombre des radicalismes existe et menace, est-il obligé d’évoquer cet aspect ? Le fait-il sous un angle direct en démontant les archaïsmes et les traditions rétrogrades qui ont conduit à cette tentation (comme le fait le journaliste et romancier algérien Kamel Daoud, ce qui lui a valu une fatwa des cheikhs mécontents) ? ou bien recourt-il à l’ironie et au non-dit ?


Merci d’envoyer votre proposition d’article (300 mots maximum, en français) à

Fanny Leveau (fleveau@uwo.ca) et à Mansour Bouaziz (mbouaziz@uwo.ca)

Date limite d’envoi des propositions d’article : 31 octobre 2018

Date limite d’envoi des articles : 28 février 2019