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Journée d’études Jeunes Chercheurs 'Perceptions de l’altérité 2' (Dunkerque)

Journée d’études Jeunes Chercheurs 'Perceptions de l’altérité 2' (Dunkerque)

Publié le par Vincent Ferré (Source : Stéphanie Bulthé)

Journée d’études Jeunes Chercheurs

Dunkerque, le mercredi 23 mars 2016

« Perceptions de l’altérité 2 »

École Doctorale Sciences de l’Homme et de la Société

Université du Littoral-Côte d’Opale

Unité de Recherche sur l’Histoire, les Langues, les Littératures et l’Interculturel

(H.L.L.I., E.A. 4030)

Équipe de recherche « Modalités du Fictionnel »

Argumentaire :

Ce projet s’inscrit dans la continuité de la journée jeunes chercheurs organisée par l’Unité de Recherche H.L.L.I. le 22 avril 2015 à la Maison de la Recherche en sciences humaines et sociales de Dunkerque qui avait donné lieu à sept communications autour d’une problématique qui passait en revue les variétés de représentation de l’altérité et les modalités de rencontre avec l’autre. Nous souhaiterions prolonger la thématique retenue pour cette année en explorant des facettes différentes mais complémentaires de ce thème en nous penchant davantage sur ce qu’entraîne la relation à l’autre sur la perception de notre propre identité.

Le terme altérité vient du latin alteritas qui signifie « ouverture à l’autre ». La rencontre avec ce qui nous est étranger implique donc fondamentalement une métamorphose de notre rapport à nous-même. L’altérité comprise comme « le caractère de ce qui est autre » selon la définition qu’en donne Emmanuel Lévinas dans l’Autre comme visage, que l’on peut comprendre comme une opposition radicale entre alter et ego, implique un retour réflexif sur nos valeurs. La réalité ontologique de l’être consiste en ce que nous n’existons que par la conscience directe que nous avons de nous-même, ainsi que nous le rappelle Descartes. Cette référence est fondamentale. Avant Descartes, la conscience de l’Homme était liée à l’affirmation de l’existence de l’âme humaine par la théologie. Le postulat cartésien la fonde sur la subjectivité propre de chacun. Il n’y a donc plus d’instance de définition extérieure à soi et transcendante comme garant de notre identité. Si seule notre pensée nous est immédiatement accessible, notre existence psychique est toutefois fondamentalement dépendante de notre conscience de l’autre, c’est-à-dire de celui qui n’est pas nous, et nous contraint d’envisager l’existence des autres dans une réalité parfaitement évidente mais difficilement appréhendable. L’humain est violemment renvoyé à l’inscription originaire figurant sur le temple delphique. Dans une perspective nietzschéenne, l’âme est contrainte de définir sa nature par rapport à celle de l’autre. Ainsi, nous construisons notre propre perception de l’autre qui n’existe que par rapport à l’idée que nous nous en faisons.

Il s’agit dans un premier temps d’envisager une définition de l’autre : comment remplit-on la coquille vide que constitue autrui ? Notre ego imagine une frontière qui fait clivage et varie selon les époques et les personnalités, sur un espace géographique, religieux, historique, culturel, sociologique, philosophique ou ethnographique. La définition de l’altérité peut s’amorcer autour de cette frontière, souvent immatérielle que l’on trace entre ego et alter. L’autre peut être singulier ou envisagé comme un collectif. C’est ce que l’on retrouve dans de très nombreux récits de voyage. Ainsi, un des enjeux fondamentaux de l’Histoire d’un voyage faict en la terre du Bresil de Jean de Léry est de saisir pour ses contemporains européens la singularité des populations autochtones de ce pays, en développant une véritable pensée de la comparaison et de l’analogie, dans le portrait qu’il fait de ces habitants. Depuis la découverte du Nouveau Monde, la rencontre avec l’autre se pose au niveau des civilisations, puisque nos existences humaines possèdent une double dimension, individuelle et collective, et que le héros peut représenter sa communauté culturelle. Mais ces notions demeurent profondément relatives. Nous pouvons citer pour mémoire les Contes des Indes de Kipling, qui se font le reflet de l’impérialisme britannique. Il faut prendre conscience de la différence fondamentale de l’autre à soi, c’est-à-dire qu’il faut apprécier la juste distance de soi à l’autre.

Si la conscience de l’existence de l’autre appartient au domaine de la réalité objective, le champ définitoire de cette notion dépend de choix personnels. L’altérité questionne ce que nous sommes et nous oblige à expliciter ce nous définitoire de notre personnalité, qu’elle soit individuelle ou plurielle. « Je est un autre » disait Rimbaud, dans la lettre dite du voyant, adressée le 15 mai 1871 à Paul Demeny. Le poète formule l’angoissante aporie du Moi éclaté. Face à ce que nous ne sommes pas, la pensée de l’altérité nous conduit à interroger notre propre système de valeurs puis nous invite à questionner les principes essentiels qui fondent une humanité commune avec ceux que nous percevons comme étrangers. Ceux-ci nous renvoient en corollaire à notre perception de notre identité.

Le principe de reconnaissance de l’altérité ainsi posé dans la dénomination de l’autre, il convient d’analyser les modalités de notre réaction face à cette différence, modalités bien différentes entre compréhension et adhésion, incompréhension et interrogation, rejet et même peur. Cette notion questionne nos relations avec celui qui porte des valeurs différentes des nôtres. Sympathique complice ou irréversible ennemi, l’autre se construit dans le regard que l’on pose sur lui. Les rapports que l’on entretient avec celui dont on diffère sont complexes et peuvent parfois se poser de manière particulièrement ambivalente. La relation avec l’autre semble être par nature duelle : différent de moi, il est celui qui permet de me définir en opposition à lui. Les relations peuvent cependant être plus riches. Se pose évidemment la question des divergences et des convergences entre les individus. Si la rencontre avec l’autre provoque un enrichissement mutuel, il se trouve appréhendé à la manière d’un alter ego. L’écriture peut assumer une tentative pour se rapprocher au plus près de l’autre, par exemple, par la pratique du pastiche qui fusionne les styles de deux écrivains. L’École des Robinsons de Jules Verne, publié en 1881, se présente comme une réécriture du roman de Defoe, tout en mettant à distance le mythe de Robinson.

Au contraire, si la rencontre avec l’autre correspond à une incompréhension réciproque ou unilatérale, elle entraîne un rejet pouvant aller jusqu’à l’exclusion et la persécution, l’autre passant alors de l’alter à l’alienus. Une remise en question de notre culture est toujours dérangeante. Même si la tentation est forte de juger les cultures étrangères, de nombreux auteurs, nous invitent, à l’instar de Montaigne, à « frotter et limer [notre] cervelle contre celle d’Autrui » (Les Essais, III, 9).

Enfin, par un saisissant effet de retournement, la rencontre avec l’autre entraîne un retour éclairé sur notre propre identité. Le voyage vers l’étranger, au sens géographique et humain du terme, est toujours double car il nous ramène à notre propre intériorité. À partir du moment où l’on postule l’existence d’êtres différents de soi, il nous faut nous demander en quoi ils diffèrent. L’identité de l’autre, double ou ennemi, permet de construire la définition que l’on a de soi-même. Chez Sartre, dans L’Être et le néant, cette posture suppose la non-coïncidence de soi à soi et entérine l’unique accès à notre identité objectivé par le regard d’autrui. Le voyage insulaire dans le Quart Livre de Rabelais servira en définitive moins à découvrir les monstres de l’autre monde qu’à caractériser symboliquement des vices très européens. Le voyage vers la Dive Bouteille permet la construction intérieure de l’identité des Pantagruélistes. Au niveau sociétal, la distinction des cultures amène à une relativité de jugement sur nos sociétés modernes, comme dans les œuvres Désert de Le Clézio ou Un Barbare en Asie de Michaux. La quête passionnée de sa propre identité peut faire l’objet d’une véritable crise existentielle dont le roman L’Écart de V.Y. Mudimbe, tout autant œuvre romanesque qu’essai philosophique de l’identité culturelle africaine, montre la profonde « déchirure » intérieure.

 

Modalités de soumission :

 

Nous accueillons dans cette journée d’études toutes propositions de jeunes chercheurs (Master recherche, Doctorants, Post-Doctorants) littéraires, philosophes, historiens, civilisationnistes ou sociologues autour des problématiques suivantes :

  • les modalités de rencontre avec l’altérité de l’autre dans son individualité ou dans sa pluralité, et leurs processus identificatoires
  • les différents regards portés sur l’altérité par les écrivains et critiques dans leur dimension spatio-temporelle
  • la réflexivité d’une telle rencontre sur nos propres valeurs.

Les propositions de communication doivent comporter un titre, un résumé de 250 à 300 mots, et une courte présentation de l’intervenant (laboratoire de rattachement, publications...). Les interventions se limiteront à trente minutes.

Les propositions seront envoyées à l’adresse indiquée ci-dessous pour le vendredi 18 décembre 2015

jeuneschercheurs.littoral@gmail.com

Elles seront communiquées sous un format facilement lisible (WORD, PDF…).

Une réponse individuelle sera communiquée début d’année 2016.

Pour toute information pratique supplémentaire concernant la journée d’étude, merci d’écrire à la même adresse. Il est à noter qu’en aucun cas l’Unité de Recherche HLLI ne pourra couvrir les frais de déplacement.