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Appels à contributions
Imaginaire et pluralité: mythes, mythologies et utopies dans l'Afrique contemporaine

Imaginaire et pluralité: mythes, mythologies et utopies dans l'Afrique contemporaine

Publié le par Marc Escola (Source : Raphaël Ngwe)

IMAGINAIRE ET PLURALITE :

MYTHES, MYTHOLOGIES ET UTOPIES DANS L’AFRIQUE CONTEMPORAINE

Appel à contribution

 

L’humanité, soutenait Nancy Huston, est une « espèce fabulatrice  ». L’homme se définit par le récit qu’il produit sur lui-même et sur les autres. Ce qu’il propose comme son « naturel » est généralement l’expression de ses fantasmes établis, institutionnalisés. Ses vérités ou encore ses certitudes sont le plus souvent des fictions modélisées et posées comme fondements de son action et référentiel de sa pensée. C’est certainement ce qui fait dire à Olivia Gazalé que l’homme « ordonne et façonne le monde à l’aide de signes et de fictions propres à orienter les conduites et les aspirations humaines. L’humain, être de langage et de récit, pense son identité à travers le langage, les symboles et les œuvres.  »

C’est dire que s’intéresser à l’homme c’est interroger un ensemble de constructions mythologiques qui fondent son être, régulent les relations qu’il entretient avec son environnement, influencent sa vision du monde et des choses. La conséquence d’une telle considération est que l’homme est un être imaginaire, un produit de l’imagination, un mythe, ceci en tout lieu, plus encore dans cette « société du spectacle » qui est la nôtre où le paraître prime sur l’être. La dictature du virtuel en cours dans notre ère y favorise, en effet, la diffusion d’un ensemble de mythes qui encadrent au quotidien l’existence de l’homme postmoderne et formalisent la société dans laquelle il vit. Au point où il n’est point excessif de dire que l’humanité aujourd’hui, mieux que par le passé, est une apparence, partie visible d’un iceberg mythique.

Comprendre la déflagration de notre société, les violences qui jalonnent son évolution et suivre sa trajectoire historique dans ses sinuosités obligent donc qu’on procède à une relecture critique des mythes, c’est-à-dire des récits qui en constituent la dynamique. C’est que tout en se posant comme illusion, c’est-à-dire altération des données de l’observation expérimentale et contradiction  du raisonnement logique, le mythe garde une valeur éminemment explicative dans la mesure où il éclaire et justifie certaines péripéties du destin de l’homme ou certaines formes d’organisation sociale. Mircea Eliade  a su le relever : « le mythe raconte comment une réalité est venue à l’existence, que ce soit la réalité totale, le cosmos, ou seulement un fragment : une île, une espèce végétale, un comportement humain, une institution… » Le mythologue est ainsi considérablement éloigné du mythomane puisqu’il ne se limite pas au faux sur lequel la société fonde sa « vérité » mais s’intéresse davantage à la vision dans laquelle s’inscrit ce qui est vu et vécu.
Le présent appel à contribution est invitation à un travail de mythologie afin de comprendre les mutations que connaît notre monde. Cette entreprise ne consiste à rien d’autre qu’à suivre la « syntaxe », pour parler comme Claude Lévi-Strauss , qui se profile à travers l’ambivalence et la fluidité des images, symboles et représentations et qui fait du mythe un récit recteur. Ramenée à la littérature qui est, à la fois, mythe et véhicule du mythe, cette syntaxe trouverait son correspondant dans ces images récurrentes sous la plume d’un auteur que Charles Mauron  nomme les « métaphores obsédantes » et dont le filage permet la manifestation d’un « mythe personnel » qui, lui-même, est une individuation inconsciente d’un mythe collectif.  De ce point de vue, le mythe, qui trouve sa plus belle expression dans la littérature, est un lieu de culture, ou encore un tiers-espace où se rendent intelligibles les conflits et les défis d’une communauté humaine.

Des mythes anciens aux mythes modernes, des sacrés aux profanes, du mythe de la création à celui du politique, de celui de la virilité à celui de la féminité ; du mythe de l’homme Blanc à celui du Nègre ; du mythe de la caverne à celui de la raison ou de la gouverne ; du mythe du Juif errant à celui du Tutsi pourri ; du mythe du vrai à celui de l’ivraie ; du mythe de la pauvreté à celui du développement ; des petits mythes aux grands ; des mythes personnels aux mythes collectifs, il s’agit de (dé)construire notre monde à l’aune des fantasmes, des peurs, des croyances, des rêves aux moules desquels il est façonné. Le présent collectif se propose donc de rassembler des contributions scientifiques pluridisciplinaires qui rendent compte de la vie et de la vitalité des imaginaires mythiques, mythologiques ou utopiques dans l’Afrique contemporaine, terreau de son être au monde.

Quatre principaux axes de réflexion sont suggérés aux universitaires de tout bord :
1. Imaginaire culturel
Les contributions consacrées à cet axe pourraient s’intéresser aux images et représentations de soi ou de l’autre, c’est-à-dire aux phénomènes d’auto-images et d’hétéro-images qui informent et structurent les relations entre les individus, les peuples, les races, les genres et les cultures. Stéréotypes, préjugés, et autres idées reçues y seront alors examinées et interrogées. Une vaste documentation, constituée de la littérature classique et  médiatique pourrait se prêter à un tel exercice. Inscrite dans la durée de la vie mentale et intellectuelle des peuples, c’est-à-dire dans une perspective anthropologique, l’analyse des « grandes images immémoriales »  de soi ou de l’autre pourrait permettre de dégager  des constantes, des adaptations, des innovations ou des conversions, et déboucher ainsi sur une sorte d’historiographie littéraire des opinions ou des jugements sur soi et sur autrui. C’est également ici le lieu d’examiner le « mythe de la virilité » en tant qu’expression d’une volonté de domination qui trouve son terreau dans l’obliquité du rapport entre les genres. Il s’agira alors de relire ses paradoxes, ses dérives ou ses  perversions à travers ses connotations idéologiques et économiques.
2. Imaginaire religieux
Suffisamment  alimenté par les mouvements messianiques, l’imaginaire religieux se penchera sur le phénomène des prophétismes. Dans une société africaine qui a mal à son économie et à son développement, avec une jeunesse acculée à la misère et à la recherche d’un emploi providentiel, l’inflation des sectes religieuses, les multiples visages du prédicateur qui défilent sur les plateaux de télévision et les réseaux sociaux, les discours tonitruants sur les prodiges et les miracles qu’ils accomplissent, la quête exacerbée d’un ailleurs mirifique qui permette la rupture d’avec un ici délabré et bousillé, la spectacularisation du religieux ainsi que la mercantilisation du divin  méritent l’attention des chercheurs.
3. Imaginaire politique
La frontière entre le religieux et le politique nous semble sinon floue, du moins assez poreuse. Tant certaines figures religieuses, comme le « sauveur » y réapparaissent. Um, Lumumba, Christophe,… En effet, le champ politique  (où s’affrontent dirigeants  aux affaires et opposants, à la conquête du pouvoir) a vu émerger des figures mythiques ou des situations mythologiques diverses qui ne sont pas sans rappeler certains épisodes de l’histoire biblique : le « conspirateur », le « traître », le « sauveur » ou le « prophète » , la « lutte pour la libération », la « grande marche » vers l’(in)dépendance, « l’âge d’or » et  « l’unité » . Le registre de l’utopie n’est pas en reste dès lors que certaines prédictions, ou certains idéaux qui ont suscité plein d’espoirs tardent à se traduire dans les faits . L’unité du continent, l’intégration de l’Afrique, les Etats-Unis d’Afrique peuvent ainsi apparaître comme la simple idée d’un monde possible qui n’existe nulle part in concreto.
4. Imaginaire littéraire
Tous les autres aspects de l’imaginaire mythique et mythologique qui précèdent peuvent trouver leur écho dans le texte littéraire. Il y  a à cela deux raisons. D’abord   le texte littéraire est particulièrement accueillant. Il se prête donc favorablement à  la réinvention d’une situation ou d’une figure mythique ou mythologique qui, à première vue, aurait pu être qualifiée d’étrangère. Ensuite le mythe, comme archétype universel, est une matière à la fois disponible et adaptable. En vertu de quoi certains mythes d’origine  orientale ou occidentale alimentent la fiction romanesque ou dramatique africaine, donnant ainsi naissance tantôt à des mythologies sacrées, tantôt à des mythologies profanes. A partir des « dérivations »  et des mises en parallèles bien aménagées, Tristan et Iseut , Faust et Don Juan, Œdipe et  Sisyphe, Prométhée et Caïn, les écrivains réinventent des décors ou des situations mythiques des récits  du passé. Il n’est pas  rare que des figures de l’Afrique des temps anciens, retrouvent vie et alimentent une intrigue romanesque ou dramatique : « le sorcier »  ou la « sorcellerie », le « fantôme » ou le « revenant ».

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Consignes :
Les propositions de communication (titre, résumé et mots-clés de 350 mots au plus), accompagnées d’une brève présentation de l’auteur, doivent être envoyées conjointement, avant le 1er juillet 2019, aux adresses suivantes : antoineguillaumemakani@yahoo.fr et r_ngwe@yahoo.fr

Calendrier à retenir :
-    Soumission des propositions : jusqu’au 1er juillet 2019
-    Réponse du Comité de coordination : 31 juillet 2019
-    Renvoi des articles rédigés : jusqu’au 31 octobre 2019
-    Publication probable : février 2020

Responsables :
-    Dr Antoine Guillaume MAKANI, Université de Yaoundé I
-    Dr Raphaël NGWE, Université de Yaoundé I