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On n'a pas fini de rire

On n'a pas fini de rire

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On ne le sait pas assez de ce côté-ci de l'Atlantique ou de la Manche, mais il existe une International Society for Humor Studies (ISHS), qui a constitué, en anglais, l’humour comme un champ de recherche, en fédérant les plus sérieuses disciplines, dont la psychologie, la linguistique, la sociologie et la communication. Le XXIXe congrès de l’ISHS, en 2017 à Montréal, a confirmé ces grandes tendances, mais il a aussi laissé s’exprimer une recherche francophone sur l’humour (française, québécoise, maghrébine notamment, mais non exclusivement), préoccupée par le spectacle vivant, par les traditions historiques et littéraires, et par les réflexions méthodologiques et disciplinaires : c’est de cette "humoristique" francophone que cherche à rendre compte le volume supervisé par Bernard Andrès et Yen-Maï Tran-Gervat sous le titre Études littéraires et Humour Studies. Vers une humoristique francophone (Presses de la Sorbonne nouvelle).

Yannick Mouren n'a peut-être pas adhéré à l'ISHS, mais il nous invite à Prendre au sérieux la comédie (CNRS éd.), au moins au cinéma. Car la censure baisse souvent la garde devant la comédie, qui peut se permettre d’attaquer tabous et interdits beaucoup plus efficacement. Cela nécessite un fin dosage : être suffisamment choquant pour provoquer rire et réflexion critique, mais ne pas l’être trop, pour ne pas susciter rejet ou censure.

Mais le rire n'est en rien une passion politique moderne : dans l’Athènes de l’époque classique, la parrhèsia était portée comme un étendard, et Platon ou Aristote ont pris comme on sait le rire au sérieux. Dans La Cité du rire. Politique et dérision dans l’Athènes classique (Les Belles Lettres), Jean-Noël Allard prend les philosophes antiques au (bon) mot, avec l'ambition de démêler les liens charnels qu’entretiennent dérision et politique dans la cité démocratique, et de faire dialoguer Aristophane et Bourdieu, Démosthène et Habermas, Xénophon et DurkheimFabula vous invite à feuilleter l'ouvrage…

Coline Piot prend elle aussi le rire au sérieux, en étudiant le lien toujours présupposé entre Rire et comédie, pour mettre au jour, à dater des années 1660 seulement, l'Émergence d'un nouveau discours sur les effets du théâtre au XVIIe siècle (Droz).

Parce qu'on n'a pas fini de rire, rappelons le récent essai de Mathieu Chauffray, Qu’est-ce que l’humour ? (Vrin), déjà salué par Fabula, qui fait de l'humour une vertu morale autant qu'intellectuelle, mais aussi l'entrée Humour de notre Atelier de théorie littéraire, dont les portes demeurent grandes ouvertes à de nouvelles contributions, et les actes du colloque de Lausanne sur Le rire : formes et fonctions du comique.

(Photo.: © Martin Parr)