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Appels à contributions
Huis-clos familiaux en temps

Huis-clos familiaux en temps

Publié le par Marc Escola (Source : Lydie Bodiou)

Huis-clos familiaux en temps de confinement

Cet appel à contribution pour un ouvrage collectif sur les huis clos familiaux s’inscrit dans le premier volet d’une recherche multidisciplinaire visant à mieux comprendre les mécanismes qui contribuent à amplifier les violences familiales dans un contexte de confinement et à proposer des solutions adaptées.

Il s’agit ici de recueillir les contributions – principalement historiques, mais pouvant également provenir d’autres disciplines telles que la psychologie, la sociologie, le droit, la littérature comparée ou les études théâtrales et cinématographiques – sur :

les espaces et les situations où se manifestent tensions et brutalités

l’étude des gestes et l’examen des passages à l’acte

les émotions à l’œuvre.

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Pour comprendre les périodes de confinement dues au coronavirus, il importe de saisir leur spécificité, aussi le recours à une perspective de longue et moyenne durée semble s’imposer, permettant de situer les violences dans des contextes différents.

Lors des périodes de confinement liées à la Covid-19, la plupart des corps ont été confinés, astreints à domicile ou à un lieu, comme les malades du coronavirus ou même les soignants allongeant leurs journées de travail dans un établissement hospitalier. La notion de confinement, neuve, correspond pourtant à des situations et des réalités déjà vécues. Sans doute relève-t-elle en partie de l’hétérotopie, notion forgée par Michel Foucault en 1967. Si elles peuvent être des lieux où sont localisées des utopies, à l’instar des phalanstères, des scènes de théâtre, ce sont aussi des lieux de relégation ou du moins de mise à l’écart, ainsi en est-il des prisons, des asiles d’aliénés, des maisons de retraite… L’hétérotopie a aussi une dimension qui correspond cette fois à une hétérochronie, c’est-à-dire une coupure avec le temps réel, voire une dislocation. Le temps social, le temps culturel, le temps intime ne sont plus les mêmes et ne s’écoulent plus de la même manière.

Du point de vue historique, l’expérience du confinement s’avère multiple mais n’a pas été pensée ainsi. Parfois volontaires, parfois contraints, ou encore à mi-chemin, des corps ont été confinés dans des temples ou des espaces sacrés depuis l’Antiquité. Par la suite, les monastères, les léproseries, les casernes, les prisons, les couvents et les pensionnats ont été des lieux où le confinement était la règle. Plus tard encore, la création des sanatoriums, des morgues ou des maisons de retraite a imposé de nouvelles manières de vivre l’immobilité et les déplacements. Mais ici, ce n’est pas la cellule ou le dortoir qui seront examinés, mais l’espace intime. ,

Des travaux, désormais nombreux, déjà publiés, sous presse ou en voie d’achèvement, sont dorénavant disponibles ou ne sauront tarder à l’être. Il existe aujourd’hui une centralité médiatique sur les acteurs de violences et la domination masculine ou sur les femmes victimes qui ne se laissent pas faire et ne veulent pas être enfermées dans ce rôle unique. Il n’empêche que lors du second confinement les violences conjugales enregistrées, laissant de côté les autres formes de violences familiales, ont crû de 15 %.

Pour autant, nous faisons le choix de resserrer la grille de lecture en nous attachant dans un premier temps au cadre spatial, c’est-à-dire aux lieux concrets où elles se déroulent, puis aux comportements gestuels, y compris criminels, pour tenter de saisir la vie émotionnelle lors des huis clos familiaux. Une première entrée consistera donc à examiner les espaces et les situations où se manifestent tensions et brutalités. La plupart des violences conjugales se déroulent en période ordinaire dans un lieu familier, celui de l’appartement ou de la maison, considérés, dans les perceptions communes et les représentations sociales, comme des havres de paix à l’abri des tracas du quotidien ou de la fureur du monde extérieur. Michelle Perrot a étudié la chambre, examinant ses différentes facettes, tantôt apaisantes, tantôt dramatiques ; il importe de poursuivre l’investigation et de ne négliger aucune pièce.

La deuxième entrée a pour ambition de s’attacher à la mise en danger des corps reclus, sans pour autant négliger les agressions verbales et psychologiques, plus particulièrement celui des femmes, des enfants et des parents âgés, considérés comme plus fragiles du moins plus vulnérables. De la sorte, seront à privilégier l’étude des gestes et l’examen des passages à l’acte. De quelles manières s’approprie-t-on le corps de l’autre ? De quelles façons des violences sexuelles sont-elles commises ? Les violences, comme le rappelait jadis, Jean-Marie Fecteau ne sont pas toutes égales. Elles s’inscrivent dans un contexte et possèdent une dynamique. Si parfois, elles peuvent être soudaines, provoquant la surprise et l’effroi, il arrive bien souvent qu’elles possèdent une généalogie. Les violences suivent un cycle, se répètent, et bien souvent connaissent un paroxysme.

Enfin la troisième grande entrée a pour visée d’examiner les émotions, au sens large, à l’œuvre. Le sentiment de domination, l’humiliation, la peur, allant jusqu’à la frayeur sont communément mentionnées dans les témoignages et les récits romanesques. La hargne, l’impression d’étouffement, et bien d’autres se devinent parfois à peine ou sont explicitement exprimés. Il conviendra alors de rechercher, pour reprendre la formule et la proposition de William Reddy, les « styles émotionnels ».

Les contributions historiques seront privilégiées car l’ouvrage favorise le questionnement sur le temps long mais les propositions venant d’autres disciplines : la psychologie, la sociologie, le droit, la littérature comparée, les études théâtrales et cinématographiques… seront prises en considération par les éditeurs.

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Les propositions (1500 signes) et une courte notice bio/biblio (500 signes) sont à adresser avant le 30 mars 2021 à Lydie Bodiou, MCF histoire ancienne à l’université de Poitiers (lydie.bodiou@univ-poitiers.fr) et à Frédéric Chauvaud professeur d’histoire contemporaine à l’université de Poitiers (frederic.chauvaud@univ-poitiers.fr).

La selection sera réalisée par un comité de lecture regroupant des historiens, sociologues et psychologues de l'Université de Poitiers.

Ce projet est soutenu par une AMI Flash Covid « Les huis-clos familiaux. Évaluation, prise en charge et prévention des violences en situation de confinement » financée par la Région Nouvelle Aquitaine et portée par la MSHS de Poitiers (USR 3565) Université de Poitiers et CNRS.