Actualité
Appels à contributions
Hasard et nécessité au théâtre. XIXᵉ-XXIᵉ siècle (Rouen)

Hasard et nécessité au théâtre. XIXᵉ-XXIᵉ siècle (Rouen)

Publié le par Jean-Louis Jeannelle (Source : Marianne Bouchardon)

Hasard et Nécessité au théâtre – XIX-XXIsiècle

 Colloque international organisé à l’Université de Rouen-Normandie par le CÉRÉdI (Rouen-Normandie) et l’IRET (Sorbonne Nouvelle)

1er-2 décembre 2022

 

Comité d’organisation :

Marianne Bouchardon (Rouen-Normandie), Ariane Ferry (Rouen-Normandie), Jean de Guardia (Sorbonne Nouvelle).

Comité scientifique :

Catherine Brun (Sorbonne Nouvelle), Barbara T. Cooper (New Hampshire), Gilles Declercq (Sorbonne Nouvelle), Guy Ducrey (Strasbourg), François Lecercle (Sorbonne Université), Isabelle Moindrot (Paris 8 Vincennes - Saint-Denis), Florence Naugrette (Sorbonne Université), Arnaud Rykner (Sorbonne Nouvelle), Marthe Segrestin (Sorbonne Université).

 

Dans le chapitre X de la Poétique, Aristote établit une nette distinction entre deux manières de lier les événements dramatiques : il est très différent, explique-t-il, de dire que ceci a lieu à la suite de cela ou que ceci a lieu à cause de cela. L’anecdote de la statue de Mitys, qui écrase en tombant l’assassin de celui qu’elle représente, lui offre un exemple parfait de l’effet que la tragédie doit chercher à produire : l’émotion est ici d’autant plus vive que l’accident ne paraît pas être arrivé par hasard, mais semble bel et bien répondre à une forme de nécessité. Il en conclut que la réussite d’une pièce de théâtre dépend de l’impression donnée au spectateur que les épisodes qui se succèdent selon un rapport de consécution s’enchaînent selon un rapport de conséquence. Au fondement de la poétique aristotélicienne se trouve ainsi posée une exigence de cohérence logique que la construction des pièces classiques pousse à son paroxysme. Les soubassements en ont été mis au jour par Gérard Genette dans son fameux article « Vraisemblance et motivation » : l’enchaînement des causes et des effets, dans une œuvre narrative ou dramatique, doit dissimuler que celle-ci est, en réalité, organisée de manière rétrograde, en fonction de son excipit ou de son dénouement, qui est sa raison ultime. Les études génétiques de Georges Forestier (Essai de génétique théâtrale : Corneille à l’œuvre, Droz, 1996), qui montrent que Corneille composait ses tragédies à rebours, accréditent cette thèse. Plus récemment, Jean de Guardia (Logique du genre dramatique, Droz, 2017) s’est efforcé de reconstituer le système des motivations qui guident la construction des tragédies de Corneille et de Racine, en croisant deux régimes d’explication (la cause et la raison) et deux modèles d’organisation (la chaîne et la roue). Interroger le devenir du système de causalité au théâtre, en France et à l’étranger, à partir du moment où toute une partie de l’écriture dramatique s’émancipe des principes de composition hérités de la poétique aristotélicienne et s’engage dans la voie de ce que Jean-Pierre Sarrazac a appelé un « changement de paradigme du drame », tel serait l’enjeu de ce colloque. 

Plusieurs questions pourront être soulevées, parmi lesquelles :

- Celle des facteurs qui contrarient la concaténation de la fable :

Lorsque les événements suivent un ordre incohérent ou illogique, quelle part faire à l’instabilité du personnage, à ses hésitations ou à ses revirements, à l’inconstance de ses désirs ou aux fluctuations de sa volonté ? Ces événements sont-ils filtrés par une conscience centrale qui les ordonne selon une logique émotionnelle et associative propre aux jeux de la mémoire ou aux jeux de rêve ?

À moins que le déraillement du système de cause à effet ne soit lié à la place ménagée par l’intrigue à la coïncidence, à l’accident, à l’inattendu ? au parti-pris de disproportion entre la cause et l’effet ?

Quels sont les gestes d’écriture qui président à la composition ou à la décomposition de l’œuvre dramatique ? Se fonde-t-elle sur un principe rhapsodique de découpage et de montage favorable à la discontinuité ? Sur un principe de fragmentation qui ne laisse subsister que des éclats et des bris ? Sur une poétique sérielle favorisant la répétition-variation ? 

- Celle des différentes logiques à l’œuvre dans la composition d’une pièce :

Entre les épisodes ou les morceaux dont la succession n’est pas régie par un rapport de cause à conséquence, n’est-il pas possible de déceler d’autres formes de liaison, comme des phénomènes d’échos ou de correspondances, de collision ou d’accident ? Quand le système de causalité est affaibli à l’échelle macro-structurelle, au plan de l’agencement des épisodes, ne se réfugie-t-il pas à l’échelle micro-structurelle, au plan de la liaison entre les répliques ? Quels phénomènes stylistiques justifient alors la progression du texte au niveau moléculaire ou capillaire ?

- Celle des effets produits sur le lecteur ou le spectateur :

Que devient la fiction quand s’effrite le principe de causalité au fondement de la croyance et de l’immersion ? D’où procède le plaisir procuré par une pièce dont les parties ne sont pas enchaînées les unes aux autres ? L’intérêt est-il alors moins tendu vers le futur, plus concentré sur le présent ? Ou l’attention est-elle toujours sous-tendue par une attente, ne fût-ce que par une succession de « micro-attentes » (Michel Vinaver) à l’intérieur de chaque partie ?

- Celle de la réinterprétation rétrospective :

À la fin d’une pièce organisée de manière décousue, erratique ou chaotique, n’est-il pas possible de reconsidérer, après-coup, l’ensemble de cette pièce, de se livrer à un travail de démontage et de remontage afin de tenter de rétablir les liens manquants ? Quelle part faut-il accorder à l’illusion rétrospective dans l’impression donnée au lecteur ou au spectateur que les événements se suivent selon un rapport de contiguïté ou s’enchaînent selon un rapport de continuité ? Par quels procédés le hasard peut-il être converti, à ses yeux, en nécessité ? Comment une série de faits arbitraire et contingente peut-elle faire croire à la réalisation d’un mécanisme inévitable et implacable ? Réciproquement, par quels procédés la nécessité peut-elle passer pour hasard ? Comment la rectitude d’une ligne droite peut-elle se dissimuler derrière les arabesques d’une ligne courbe ?

 *

Les propositions de communication sont à envoyer avant le 30 juin 2022 à l’adresse suivante : mariannebouchardon@yahoo.fr

  • Responsable :
    Marianne Bouchardon & Ariane Ferry & Jean de Guardia