Édition
Nouvelle parution
G. Châtelet, Les animaux malades du consensus (rééd.)

G. Châtelet, Les animaux malades du consensus (rééd.)

Publié le par Marc Escola

Les animaux malades du consensus
Gilles Châtelet
Catherine Paoletti (Préfacier)


Paru le : 03/03/2010
Editeur : Nouvelles Editions Lignes
ISBN : 978-2-355-26040-7
EAN : 9782355260407
Nb. de pages : 250 pages

Prix éditeur : 17,00€


En 1998 paraissait un essai singulier et prophétique, au titre sans appel: Vivre et penser comme des porcs.

Celui-ci connut alors un retentissement considérable. L'année suivante, son auteur, Gilles Châtelet, se donnait la mort. L'un des premiers, le mathématicien et philosophe qu'il était avait su analyser avec rigueur le processus de domestication généralisée imposé par ce qu'il était alors convenu de nommer le " nouvel ordre mondial ". Ordre de la " démocratie-marché", qu'il qualifiait de "cyber mercantile" et contre lequel il appelait à la constitution d'un front du refus.

Vivre et penser comme des porcs avait été précédé de nombreuses interventions, conférences et articles inédits ou devenus introuvables, sans lesquels il n'eût pas été possible. Nous les réunissons ici sous le titre de l'un d'entre eux: " Les Animaux malades du consensus". Il en résulte un recueil flamboyant, qui frappe par la pertinence et l'actualité de ses analyses.

L'auteur:

Ancien élève de l'Ecole normale supérieure de Saint-Cloud, Gilles Châtelet (1944-1999) était professeur de mathématiques à l'université Paris VIII Saint-Denis.
Il fut directeur de programme au Collège international de philosophie de 1989 à 1995, où il fonda le séminaire " Rencontres science-philosophie ".

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"Ci-Gît la démocratie", par Aude Lancelin (BibliObs.com)

Ecrits il y a plus de vingt ans, « les Animaux malades du consensus » nous parlent avec une stupéfiante pertinence de l'Homo democraticus d'aujourd'hui. A ceux qui s'étonnent encore qu'une politique d'« ouverture » puisse nourrir un regain de populisme frontiste et de désertion face aux urnes, ils pourraient par exemple ouvrir les yeux.

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Jusqu'à présent introuvables ou inédits, les textes ici rassemblés de Gilles Châtelet, mathématicien, philosophe et figure de l'université de Vincennes [1] dans les années 1980, disent avec un humour ravageur où conduit la tentative d'éradiquer le politique au profit d'un unanimisme extorqué. Tout ce qui oeuvre à la dissolution d'un esprit public véritable se voit ici démasqué, du matraquage implacable de toute dissidence critique jusqu'à l'économisme, érigé en « principe de réalité ultime, gardien du râtelier de tous les possibles ».

Grande machine à broyer les audaces et à gonfler les baudruches au détriment des élites démocratiques véritables, la fabrique du consensus contemporain y apparaît pour ce qu'elle est : une machine à tuer les valeurs dont elle prétend se réclamer. Disparu en 1999, l'auteur de « Vivre et penser comme des porcs » y surgit aussi dans son émouvante vérité : héros romantique d'une démocratie que ses faux amis auront assassinée.

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Dans "Le Monde des livres" du 30/4/10, cet article de F. Marmande:

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"Les Animaux malades du consensus", de Gilles Châtelet LE MONDE | 28.04.10 | 17h42  •  Mis à jour le 28.04.10 | 17h42
Gilles Châtelet (1944-1999), mathématicien, fer de lance de l'université expérimentale de Vincennes, proche de Deleuze, archange inflexible de L'Autre Journal, philosophe, se signale, en 1998, par un pamphlet prophétique : Vivre et penser comme des porcs. De l'incitation à l'envie et à l'ennui dans les démocraties-marchés ("Folio Actuel", 1999).

35326566343963613461326136336430 Les Animaux malades du consensus, le texte neuf que propose Catherine Paoletti, articule - sous un titre de Châtelet lui-même - des articles oubliés, la plupart introuvables, plus des inédits parmi lesquels ses Carnets.

Sous des airs de fable trop réelle, on retrouve la vigueur, le style acéré, la vision essentielle à notre temps, qui font que Vivre et penser comme des porcs est régulièrement réimprimé depuis dix ans. Haine de la démocratie compassionnelle, de la compétition et de la "cyber-bourgeoisie avec ses usines à ski, ses usines à soleil, ses usines à sexe", comprise.

Activiste, en lutte, la pensée de Gilles Châtelet se fonde sur la parole de Novalis : "A qui ne plairait pas une philosophie dont le germe est un premier baiser ?" Une pensée qui anticipe.

Son sensualisme scientifique naît de la conscience de sa propre histoire : "Vers 15 ans, j'ai connu une espèce de fascination pour les systèmes philosophiques auxquels, bien sûr, je ne comprenais pas grand-chose, mais dont je sentais confusément qu'ils pourraient ébranler des montagnes. Il y a une espèce de bouleversement propre à la philosophie qu'il est important de connaître jeune."

Voilà comment on entre à l'Ecole normale supérieure (Saint-Cloud) à 17 ans. Non pas en philosophie, d'ailleurs, mais en mathématiques. A certaine altitude, tout communique.

Violemment hostile aux flics du Vrai et de l'Utile (il aime les majuscules), Gilles Châtelet est assez attentif au quelconque, à la solitude de l'être rendu à sa misère, pour désirer toutes les ressources de l'élitisme partageable.

Ce nouveau Châtelet, décapant, joyeux, méchant, déjoue tous les catéchismes : l'usage du cannabis, le retour du religieux, l'affaire Diana, le rôle des mathématiques, comment restaurer "la fonction charismatique de l'Université", les missions de l'université de masse (quelle chance qu'il n'ait pas vécu pour voir ce qu'elle était devenue), etc. Il reste donc des esprits libres et la mort n'y peut rien.

Que peut un corps ? "Le but n'est pas de remplacer le chimique par le culturel, mais de créer une vie plus intense." Danseur, funambule d'une éclatante beauté, Gilles Châtelet voyait loin. Il n'allait pas vite de cette vitesse qui abrutit, il sentait le réel. Qui, en 1987, dans une simple note de bas de page, pouvait moquer l'imposture du "classement de Shanghaï" ? "Ou comment une université mineure fait trembler la planète en exhibant une hiérarchie qui provoque un séisme dans les démocraties modernes" (p. 76). Vingt ans plus tard, de quelle façon l'université répond-elle à l'utopie tonique d'un Châtelet ? En bricolant quelques ficelles pour s'incruster dans le fameux classement.

"C'est toujours la Bêtise qui ne sait pas "prendre son temps" ou plus exactement qui le prend en oscillant toujours entre l'impatience et l'accablement. Elle ignore le ressort parce qu'elle confond la force et la pétulance."

Pas moins. Non sans élégance, Gilles Châtelet s'est donné la mort en 1999.

Les Animaux malades du consensus, de Gilles Châtelet. Nouvelles Editions Lignes, 256 pages, 17 euros.
Francis MarmandeArticle paru dans l'édition du 29.04.10