Actualité
Appels à contributions
Frontières de la transfictionnalité (revue InterArtes, n° 1)

Frontières de la transfictionnalité (revue InterArtes, n° 1)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Laura Brignoli)

Appel à contributions

Revue  InterArtes, n° 1, 2021

Dirigée par: Laura Brignoli, Silvia Zangrandi

Départiment de « Studi Umanistici » — Université IULM - Milan
 

Frontières de la transfictionnalité

Dans un monde où abondent les invitations à franchir les frontières, du moins avant qu'un maudit virus ne les rende dramatiquement actuelles, vouloir les rétablir semble un geste destiné à l’échec. Et encore plus si l'on regarde la société liquide dans laquelle nous sommes plongés, où la perméabilité des frontières - signe d'actualité - confirme une esthétique de l'hybride qui tend à dépasser les bords, même de façon radicale, jusqu'à nier leur existence même. La production artistique contemporaine, marquée par l'hybridation, ne fait qu'épouser cette tendance.

À la lumière de ce que l’on vient d’observer, tracer la frontière à l'intérieur de laquelle il est légitime de parler de réécriture et transfictionnalité semble donc être une opération inutile, sinon irréalisable. Vouloir établir des limites, pourquoi ? Pourquoi vouloir mener une opération « Politiquement incorrecte, moralement antipathique ? ». Régis Debray, après s’être posé la question (dans Éloge des frontières), nous offre une réponse exemplaire : « Le mur interdit le passage ; la frontière le régule. Dire d’une frontière qu’elle est une passoire, c’est lui rendre son dû : elle est là pour filtrer. »
Mais il s'agit aussi d'échapper au chaos du hasard : sans frontières, tout est nivelé, et alors la clarté de l’analyse sera contaminée par l’indétermination du matériel analysé. L'opération nous semble très nécessaire à partir du moment où l’on réfléchit sur l'hypertextualité / transfictionnalité / réécriture. Accepter la porosité des frontières ne signifie pas nécessairement niveler sur un même plan toutes les œuvres qui en réécrivent d’autres : dans son sens le plus large, chaque aventure, réduite à ses éléments essentiels, reproduit un archétype préexistant. 

Il s’agit donc, pour ce premier numéro d'InterArtes, de faire un effort de définition, en se demandant s'il est possible de décrire la réécriture, si l’on peut essayer de définir le périmètre à l'intérieur duquel il est légitime de parler de transfictionnalité; et quels sont les critères à prendre en compte pour placer légitimement une œuvre dans ce périmètre. René Audet, dans un débat sur Fabula, l'avait déjà exprimé clairement :

« Quand cesse-t-on de considérer des textes "voisins" comme des cas de transfiction? Quand la parenté entre deux univers devient-elle insuffisante pour prétendre à un partage d’univers ? »

Questions capitales qui, selon lui, renvoient à « une évaluation qui est foncièrement subjective, selon le taux de tolérance du lecteur aux incompatibilités ».

Depuis des années, on réfléchit autour de ce concept, en termes plus souvent analytiques que théoriques, sans, à part quelques rares et heureuses exceptions, avoir jamais clairement défini un champ d'investigation. Ce premier numéro de la revue InterArtes se propose donc de voir si l’on peut établir des limites. Si cela s’avère possible, nous aurons un outil de travail qui évitera de gênants chevauchements ; si ce n’est pas possible, nous saurons pourquoi et, avec cela, nous aurons les outils pour gérer consciemment un concept poreux. 

La réflexion peut également être étendue en aval du concept : des théoriciens de premier plan (Genette, Saint-Gelais) soutiennent que l'hypertextualité renforce le côté de la fiction. Dans la relation fiction / réalité, cette dernière serait complètement éliminée, puisque l'horizon de référence est exclusivement littéraire. Voici alors une question : la recontextualisation même d'une œuvre dans la transfictionnalité (que l’on pense aux réécritures coloniales des grands classiques : Kamel Daoud, Tahar Ben Jelloun, Maryse Condé ...) ne pourrait -elle pas impliquer un rapport plus complexe avec la réalité? N’est-ce pas parce que L’étranger a fortement influencé la vie de tant d’Algériens que Daoud a jugé nécessaire d’écrire son roman dans le sillage de Camus ?

Et encore : tout le phénomène de la fanfiction ne prouve-t-il pas que ces textes sont sortis de la littérature pour déborder dans l'existence individuelle ?

Que l'on adopte un point de vue ontologique, ou que l'on préfère une perspective pragmatique ou analytique, le but n'est certainement pas de dresser des barrières infranchissables. Il s'agit plutôt de définir, dans la mesure du possible, un champ d'investigation dont les contours, à ce jour, apparaissent encore très flous.

*

Les études attendues seront de type théoriques ou bien analytiques incluant des prémisses théoriques.

Les textes proposés doivent être inédits et rédigés au format Word en respectant les normes éditoriales de la revue publiées sous l’onglet « Linee guida per gli autori ». 

Langues acceptées : italien, anglais, français.

La date limite pour envoyer les articles est le 15 juin 2021.

Ils doivent être envoyés, accompagnés d’une courte note biobibliographique, à l’adresse : interartes@iulm.it.