Essai
Nouvelle parution
Fr. Leichter-Flack, Le Laboratoire des cas de conscience

Fr. Leichter-Flack, Le Laboratoire des cas de conscience

Publié le par Matthieu Vernet (Source : Frédérique Leichter-Flack)

Frédérique Leichter-Flack, Le Laboratoire des cas de conscience

Paris : Alma éditeur, coll. « Essai / Philosophie », 2012.

222 p

14EUR

EAN 9782362790164
Présentation de l'éditeur :

A-t-on le droit de sacrifier une vie pour en sauver cent ? Jusqu’où doit-on donner de soi pour aider quelqu’un qui ne nous est rien ? Comment rendre justice quand il y a mort d’homme, mais ni responsables, ni coupables assignables ? Est-il juste de mourir pour ses idées ? Ces questions - et bien d’autres -  ne sont pas des cas d’école, mais l’ossature même de la vie sociale et politique. 

Puiser dans la littérature des outils pour poser les questions de notre temps, telle est la démarche sur laquelle parie cet essai. Dessinant un parcours de lecture progressif, mais lisibles de manière autonome, ses dix chapitres explorent chacun à partir d’une ou plusieurs grandes oeuvres, un dilemme contemporain dont le débat public s’est investi. De la Bible à Kafka, de Sophocle à Camus, de Gogol à Melville, Hugo ou Dostoïevski et de la justice sociale à la bioéthique, en passant par le droit humanitaire ou l’éthique militaire : envisagé dans un jeu d’allers-retours avec le monde contemporain, le détour par la littérature fait émerger, par analogie, des sujets inaperçus.

« Car la littérature porte en elle une formidable réserve de sens que le raisonnement théorique ne peut combler. Elle apprend à faire avec l’émotion, à ne pas croire qu’en matière de justice les idées peuvent suffire. Elle empêche d’en rester à des réponses trop tranchées, oblige sans cesse à déplacer le regard, invite l’inquiétude et le doute à la table du décideur. Ce n’est pas le moindre de ses mérites ».

« Refuge de la complexité du monde, la littérature est le lieu des questions ouvertes qui résistent à toutes les réponses provisoires que chaque époque, chaque société formule pour elle-même. A ce titre, cet essai se propose avant tout comme une nouvelle tentative pour remettre les ressources de la littérature à la disposition du temps présent. »

L’auteur

Née en 1974, ancienne élève de l’ENS et agrégée de lettres, Frédérique Leichter-Flack est maître de conférences à l’Université de Paris Ouest Nanterre et à Sciences Po Paris où elle enseigne la littérature, l’éthique et l’Histoire des idées. Elle propose à ses étudiants de lire les grandes oeuvres de fiction pour réfléchir sur les questions éthiques, politiques et juridiques du moment.

Extrait
"Comment fixer des règles à partir de cas toujours particuliers, toujours spécifiques? Et comment, tout aussi bien, les fixer à partir des seuls principes, toujours débordés par les mille exceptions du réel? Cette question est celle-là même de la justice, en tant qu’elle cherche toujours à articuler droit et éthique. Dans Crime et Châtiment, le juge d’instruction Porphiri Petrovitch, avec son ironie hâbleuse et faussement désinvolte, tourmentait déjà ainsi Raskolnikov: «le cas général, n’est-ce pas, celui pour lequel elles sont conçues, toutes les formes, toutes les lois juridiques, celui pour lequel elles sont calculées et mises dans les livres, eh bien, il n’existe pas du tout, pour cette simple raison, déjà, que toute chose, tout crime, par exemple, à partir du moment où il arrive dans la réalité, il devient tout de suite un cas totalement particulier».
Et c’est là qu’intervient la littérature: en contribuant à l’élaboration d’un modèle de raisonnement moral lié au contexte sans être relativiste. Elle s’offre comme une véritable « école de la réflexion morale », selon les termes de la philosophe américaine Martha Nussbaum. Refuge de la complexité du monde, elle est le lieu des discordances, des conflits ouverts, des questions béantes qui résistent, dans et par le texte, à toutes les réponses provisoires que chaque époque, chaque société formule pour elle-même.
Qu’est-il juste de faire? Cette question, au point d’articulation du droit et de l’éthique, certaines oeuvres la maintiennent ouverte si longtemps que chaque fois qu’on les relit, d’autres arguments semblent en sortir qu’on n’avait pas encore entendus résonner.A-t-on le droit de sacrifier une vie pour en sauver cent? Est-il louable de mourir pour ses idées? Est-on vraiment coupable quand on a cédé à la provocation ?"

Table des matières

Prologue

I. Juger. L’injustice en appel

Circonstances atténuantes. Condamner un innocent ou acquitter un coupable

(Billy Budd, Caïn)

Ni responsables, ni coupables. Autopsie d’un fait divers

(Le Manteau, Livre de Job)

Arbitrer à droits égaux. La preuve par l’épreuve

(Le jugement de Salomon)

 

II. Choisir. Les dilemmes de l’engagement

Un mal pour un bien. De l’usage des dérogations morales

(Les Misérables, Crime et Châtiment)

Valeur d’une vie, valeur de la vie

(Les Frères Karamazov, 93, Les Justes, Il faut sauver le soldat Ryan)

Mourir pour ses idées. Du sacrifice au martyre

(La Vie malgré le ghetto, HHhH, Antigone, Les Misérables)

 

III. Intervenir. La responsabilité de protéger                                                                    

Droit de non-ingérence ? Le témoin passif

(Dans la colonie pénitentiaire)

Le dilemme d’un soldat. Scrupules pour temps de guerre

(Le Prisonnier, L’Hôte, Démineurs)

La solidarité est-elle un devoir ?

(Bartleby)

Jusqu’ici et pas plus loin ? Ce que l’on doit à son frère

(La Métamorphose)

Epilogue

Références

 

*  *  *

On peut lire sur le site laviedesidees.fr un article sur cet ouvrage : La fiction, chair de l’éthique, par O. Rey

Les problèmes moraux ne se dénouent pas à grands coups de principes ou de valeurs ; ils n’ont de sens qu’à être examinés, et même vécus, de l’intérieur, dans le détail – ce que justement permet, selon Frédérique Leichter-Fack, la fiction littéraire.

Et sur nonfiction.fr:

"Brouiller les frontières entre le juste et l'injuste", par A. Jean