Revue
Nouvelle parution
Francofonia, n° 76 :

Francofonia, n° 76 : "Les enjeux de la mémoire dans la littérature et les arts contemporains de la République démocratique du Congo" (É. Brezault, dir.)

Publié le par Université de Lausanne (Source : ilaria vidotto)

Francofonia, n. 76 (Printemps 2019) : 

Les enjeux de la mémoire dans la littérature et les arts contemporains de la République démocratique du Congo

(sous la direction d’Éloïse Brezault)

Leo Olschki Editore, 2019.

EAN13 : 9788822266187.

Publié grâce au financement du Département de Langues, Littératures et Cultures Modernes de l’Université de Bologne et de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

 

SOMMAIRE

Kasongo Mulenda Kapanga, Derrière l’immédiateté, les points nodaux dans le récit congolais : deux générations d’écrivains

Karen Bouwer, Nostalgie et mémoire en transit : Samantha à Kinshasa de Marie-Louise Mumbu

Katie TidmarshTram 83 : Trains, traumatismes et transnationalisme dans les écrits de Fiston Mwanza Mujila

Éloïse Brezault, Mondialisation et « afrocontemporanéité » dans Congo Inc. ou comment repenser la mémoire coloniale et la modernité ?

Elara Bertho, Cacophonies de la mémoire et éblouissements impériaux (Sinzo Aanza, Généalogie d’une banalité)

Jean de Dieu Itsieki Putu Basey, La rumba des mots ou lE « prose combat » de Blaise Ndala : dire le naufrage de l’histoire et décrypter les origines d’une apocalypse joyeuse

Matthias DGroof, Alessandro Jedlowski, Congolese Cinema Today : Memories of the Present in Kinshasa’s New Wave Cinema (2008-2018)

Interviews / Interviste

Éloïse Brezault, Le « théâtre-conte » chez Fiston Nasser Mwanza Mujila : une histoire du présent. Entretien avec l’auteur

Sandra Federici, La mémoire historique comme choix pour l’affirmation dans le champ de la bande dessinée. Entretiens avec Barly Baruti

Éloïse Brezault, Congo Inc. ou les aléas de la mondialisation. Entretien avec In Koli Jean Bofane

Comptes rendus/Recensioni

Bonhomme, A.-M. Paillet, P. Wahl (dir.), Métaphore et argumentation (S. Modena)

Eells, N. Toth (dir.), Son et traduction dans l’oeuvre de Proust (I. Vidotto)

Notes de lecture/Schede

*

RÉSUMÉS

Kasongo Mulenda Kapanga, Derrière l’immédiateté, les points nodaux dans le récit congolais : deux générations d’écrivains
Cet article examine la problématique de la narrativisation des moments identitaires de deux générations d’écrivains congolais, celle de l’époque mobutienne (1965-1997) et celle de l’époque des crises récentes (1998-présent). Malgré des affirmations à une radicale différence, la pesanteur de l’immédiateté s’impose et ne peut empêcher la remémoration du passé. En effet, le refus de ne pas nommer les traces mémorielles dans les discours fictionnels ne signifie nullement leurs disparitions. L’étude se sert de l’analyse des deux romans importants, La Re-production de Mpoyi-Buatu et Tram 83 de Mwanza Mujila. Est-ce que le passé est absolument absent de leurs discours littéraires et idéologiques à cause de « la tyrannie du quotidien » ? Les deux générations ont abondé dans la même direction dans la remémoration du passé, mais de façons narratives divergentes : l’une sur le plan national se remémore des points essentiels, et l’autre privilégie l’immédiateté.

Karen Bouwer, Nostalgie et mémoire en transit : Samantha à Kinshasa de Marie-Louise Mumbu
La soixantaine de vignettes qui composent le roman de Mumbu évoquent avec nostalgie la ville que Samantha quitte car l’histoire douloureuse du Congo (de Léopold II jusqu’au présent) a hypothéqué l’avenir du pays qui ne lui procure plus « aucun espace de rêve ». Le « tour complet de Kinshasa » de ses pérégrinations intérieures s’opère lors du vol Kinshasa-Paris. Dans le chapitre introductoire Samantha se penche également sur la perte du pays de son enfance, le Zaïre, devenu depuis la RDC. Notre analyse s’inspire des deux types de nostalgie – réparatrice et réfléchie – identifiés par Svetlana Boym tout en examinant l’influence capitale de l’immédiateté de la mémorisation du fait que le présent du récit se situe dans le non-lieu de l’avion, avant que Samantha ne passe enfin « de l’autre côté de l’existence » que représente l’Europe.

Katie TidmarshTram 83 : Trains, traumatismes et transnationalisme dans les écrits de Fiston Mwanza Mujila
Alors que le protagoniste de Tram 83, Lucien, écrit un « théâtre-conte » sur l’histoire douloureuse de son pays, l’auteur du roman, Fiston Mwanza Mujila, choisit d’évoquer l’immédiateté de la vie au seul bar de la « Ville-Pays », le Tram 83, où se déroule la majeure partie du récit. En comparant la démarche littéraire de l’auteur du roman à celle de son protagoniste, Lucien (et à sa « littérature-locomotive »), cet article explore l’émergence de la mémoire congolaise, entre présent globalisé et passé impérial. Dans un contexte où on parle souvent d’un « manque » de mémoire nationale congolaise, ce roman, qui a pour cadre un pays fictif, nous pousse à nous demander dans quelle mesure on peut parler d’une mémoire nationale, et questionne l’impératif de devoir combler ce soi-disant manque, mettant au défi quelques-unes de nos façons habituelles de comprendre la mémoire.

Éloïse Brezault, Mondialisation et « afrocontemporanéité » dans Congo Inc. ou comment repenser la mémoire coloniale et la modernité ?
Dans Congo Inc. Le testament de Bismark, Isookanga est un jeune pygmée qui part « mondialiser » dans la ville de Kinshasa. Derrière ce leitmotiv volontairement vague, Bofane questionne avec humour les enjeux de la mondialisation dans une société amnésique de son passé et pourtant constamment travaillée par son rapport à l’Occident. La mémoire de la colonisation, même si elle est effacée (mise à part l’allusion dans le titre) revient hanter les personnages sans pour autant les anéantir, comme si l’Afrique de Bismarck et de Léopold était finalement dépassée par les nouveaux enjeux que crée la mondialisation en Afrique. Comment comprendre cette amnésie dans un pays mondialisé ? Faut-il éradiquer le passé pour se reconstruire ? Isookanga a su opérer la fusion entre savoirs traditionnels et modernes, sans tomber dans l’aliénation. Il replace l’humain au coeur des échanges et offre une autre alternative au projet capitaliste qui transforme l’humain en une simple marchandise.

Elara Bertho, Cacophonies de la mémoire et éblouissements impériaux (Sinzo Aanza, Généalogie d’une banalité)
Généalogie d’une banalité, du romancier Sinzo Aanza, prend comme point de départ un fait divers à Lubumbashi, dans le quartier populaire du Bronx, lorsqu’une mine s’effondre, entraînant une partie du quartier avec elle. Au milieu d’une ville-capharnaüm, l’argent, le trafic de métaux, le sexe, les lueurs des médias agissent comme des « éblouissements », au sens que donne à ce terme Joseph Tonda dans son ouvrage récent L’Impérialisme postcolonial. Critique de la société des éblouissements. Nous analyserons les mises en scène de ces éblouissements dans le roman, en en soulignant leurs portées mémorielles et en examinant comment la mémoire se construit entre la « banalité » du quotidien et la stratification historique dont le forage devient le symbole.

Jean de Dieu Itsieki Putu Basey, La rumba des mots ou le « prose combat » de Blaise Ndala : dire le naufrage de l’histoire et décrypter les origines d’une apocalypse joyeuse
Dans J’irai danser sur la tombe de Senghor (2014) et Sans capote ni kalachnikov (2017), la fiction de Ndala s’ancre dans l’histoire récente de la République Démocratique du Congo dont elle propose une version corrigée, à partir de deux moments-clés : le combat de boxe Ali- Foreman en 1974 à Kinshasa, et la guerre à l’Est du pays. À cette fin, le romancier choisit la stratégie de l’humour en confiant la parole aux acteurs et témoins directs des événements. Si les récits participent d’un travail de mémoire, des noms comme Zangamoyo (« Qui n’a pas d’âme ») et Kapitisapiang (« brouilleur de traces/repères ») soulignent plutôt une amnésie et un imaginaire vide. Ils cantonnent la société dans un présentisme aveugle et un ethos de jouissance forcené, face enchantée d’une apocalypse joyeuse à laquelle la musique et le sport (le foot) servent d’exutoires.

Matthias DGroof, Alessandro Jedlowski, Congolese Cinema Today : Memories of the Present in Kinshasa’s New Wave Cinema (2008-2018)
Quelle est la place de la mémoire culturelle dans le cinéma congolais contemporain ? Cet article tente de répondre à cette question en se concentrant sur la façon dont la mémoire est thématisée dans les films produits par la « Nouvelle vague » de cinéastes congolais à Kinshasa, en grande partie issus du programme de formation Atelier Action (2008- 2015). Les auteurs affrontent, dans un premier temps, l’histoire du cinéma en République démocratique du Congo ; d’autre part ils situent et contextualisent le travail de l’Atelier Actions et discutent de ses retombées sur le cinéma contemporain à Kinshasa. Pour finir, ils analysent comment cette nouvelle vague relie le passé et le présent à travers la création d’un cinéma qui – à l’instar de la littérature congolaise contemporaine – embrasse l’écriture de l’instant et donne vie à une impression de présent perpétuel. L’oubli créatif est ici le résultat de l’impossibilité de raconter les traumatismes du passé au moment où l’on est confronté aux horreurs du présent. Les films de la nouvelle vague congolaise de Kinshasa représentent ainsi les souvenirs d’un présent qui glisse constamment dans le passé.

Interviews / Interviste

Éloïse Brezault, Le « théâtre-conte » chez Fiston Nasser Mwanza Mujila : une histoire du présent. Entretien avec l’auteur

Sandra Federici, La mémoire historique comme choix pour l’affirmation dans le champ de la bande dessinée. Entretiens avec Barly Baruti

Éloïse Brezault, Congo Inc. ou les aléas de la mondialisation. Entretien avec In Koli Jean Bofane

Comptes rendus/Recensioni

Bonhomme, A.-M. Paillet, P. Wahl (dir.), Métaphore et argumentation (S. Modena)

Eells, N. Toth (dir.), Son et traduction dans l’oeuvre de Proust (I. Vidotto)

Notes de lecture/Schede