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Flore et faune des villes : réalités et fictions

Flore et faune des villes : réalités et fictions

Publié le par Marc Escola (Source : B. Percheron)

FLORE ET FAUNE DES VILLES : RÉALITÉS ET FICTIONS

Dans le cadre du programme URBANATURE I-Site FUTURE de l’université Gustave Eiffel

Appel à communications

COLLOQUE les 20-21 mai 2022

Fondation Maison des Sciences de l’Homme de Paris (20 mai)

et Auditorium de la Galerie de l'évolution du Muséum national d’histoire naturelle de Paris (21 mai)

 

Au début des années 2000, le Muséum d’histoire naturelle a lancé un vaste programme de science citoyenne, « Vigie-Nature », afin de documenter les modifications de la biodiversité, puis un projet de science participative avec Tela Botanica, l’observatoire « Sauvages de ma rue », en 2011, qui documente la flore dans les rues des villes. Ce programme a rapidement connu un grand succès avec plus de 100 000 données enregistrées entre 2011 et 2019. Dans Paris, d’autres programmes recensent avec précision les espèces qui vivent dans les espaces publics parisiens. Les données ainsi recueillies doivent pouvoir être confrontées à des données anciennes, grâce à des sources multiples, dans les ouvrages d’histoire naturelle (C.-A. Walckenaer, Faune parisienne. Insectes, 1802 ; E. Cosson et Germain de Saint Pierre, Flore des environs de Paris, 1871 ; Nérée Quépat, Ornithologie parisienne, 1874 ; Joseph Vallot Essai sur la flore du trottoir parisien, 1883, etc), ou bien dans les descriptions qu’en ont fait les auteurs de romans, de poèmes et de nouvelles. Afin de mieux appréhender les phénomènes sur le long terme, il serait en effet intéressant de compléter les données scientifiques par des données littéraires. Les sources peuvent être multiples : Mémoires du baron Haussmann (qui nous renseignent sur la place accordée à la nature dans les grands travaux menés entre 1853 et 1870), « promenades urbaines » de l’ingénieur Alphand (associé aux projets d’Haussmann), du poète Léon-Paul Fargue (Le piéton de Paris en 1939), de Perec (Tentative d’épuisement d’un lieu parisien), « reportages urbains » de Kessel ou d’Henri Béraud (Le flâneur salarié, 1927).  Du XIXe siècle à nos jours, la biodiversité parisienne a connu des évolutions en fonction de critères esthétiques, médicaux, utilitaires, mais aussi scientifiques. Si les données scientifiques du XIXe siècle sont parfois lacunaires, elles peuvent être complétées par des sources connexes, notamment littéraires, qui apportent de précieuses informations sur la perception de la nature en ville.

L’urbanisme haussmannien a fait une place à la nature (arbres le long des avenues, création de nombreux squares et parcs), mais en la domestiquant. À l’imitation de Hyde Park, le bois de Boulogne, aménagé à l’anglaise sous la houlette de l’ingénieur Alphand et de l’horticulteur Barillet-Deschamps, est conçu comme un lieu de promenade, de détente, mais aussi d’acclimatation d’espèces animales avec la création du Jardin d’acclimatation en 1854. Toutefois la volonté de maîtriser la nature même dans les grands bois parisiens et de sélectionner les plantes dans les jardins aménagés, de les organiser selon des critères esthétiques, pour offrir une nature transformée a parfois été critiquée : ne crée-t-on pas ainsi une fausse nature, une nature trop esthétique, travaillée pour produire des effets de nature tout à fait artificiels ? On a même pu soupçonner les fondements idéologiques de cette volonté de soumettre la faune et la flore, de tailler les volumes, de délimiter les bandes, d’immobiliser le vivant, d’éradiquer les plantes dites « sauvages » : les squares haussmanniens seraient liés à une conception de l’autorité et de la régulation sociale. La faune n’est pas en reste : domestiquée, elle doit servir autant l’industrie locale, que les activités économiques et agricoles. Considérée comme dangereuse, elle est surveillée, pour éviter les épidémies, comme la rage. Quant aux espèces exotiques, autrefois exhibées dans des foires ambulantes ou des parcs zoologiques, elles sont désormais protégées ou interdites dans les spectacles.

Pour ce qui est de la flore, certaines tendances des jardins à la française ont perduré bien au-delà de la période classique, ressurgissant après la période romantique et l’influence du jardin à l’anglaise, jusque dans les jardins contemporains. Un mouvement de « guerrilla gardening » conteste depuis quelques décennies une manière de jardiner qui dénature la nature et éradique ce qui échappe à un plan préconçu. Mousses et herbes folles entre les pavés retrouvent alors leur dignité, surtout lorsque les considérations scientifiques sur la biodiversité semblent aller aussi dans le sens d’une préservation de variétés, qui se plient moins bien à des critères esthétiques traditionnels, mais qui contribuent sur un autre plan à la richesse du vivant.

Les communications porteront sur la fin du XVIIIe siècle et le XIXe siècle et pourront aborder, à partir des données scientifiques et des textes littéraires, la présence animale et végétale à Paris au XIXe siècle, leurs représentations, leurs perceptions et les conséquences des différents jugements de valeurs assignés à sa biodiversité. Des interventions de spécialistes de littérature, d’historiens, d’écologues permettront de rendre compte à la fois de l’évolution de la biodiversité parisienne et de ses représentations dans la littérature.

Les propositions de communication, de 2000 signes espaces comprises maximum, sont à envoyer à benedicte.percheron@univ-eiffel.fr au plus tard le 31 octobre 2021. Elles seront accompagnées d’une courte bio-bibliographie.

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Contacts

Nathalie Machon (muséum d’histoire naturelle) : nathalie.machon@mnhn.fr

Gisèle Séginger (université Gustave Eiffel) : gisele.seginger@univ-eiffel.fr

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Bibliographie

Béraud, Le Flâneur salarié, Paris, Les éditions de France, 1927.

Bernard-Griffiths, Ville, campagne et nature dans l’œuvre de George Sand, Clermont-Ferrand, PU Blaise Pascal, 2002.

Blanc, D. Chartier et T. Pughe, « Littérature et écologie : vers une écopoétique », Écologie & politique, n° 36, 2008, p. 15-28.

Cazalas (dir.) et M. Froidefond (dir.), Le Modèle végétal dans l’imaginaire contemporain, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 2014.

Chansigaud, Histoire des fleurs, Paris, Delachaux et Niestlé, 2014.

Cosson et G. de Saint Pierre, Flore des environs de Paris, Paris, Victor Masson et fils, 1871.

Desaegher, S. Nadot, N. Machon et B. Colas, « How does urbanization affect the reproductive characteristics and ecological affinities of street plant communities ? », Ecology and Evolution, 2019.

L.P. Fargue, Le Piéton de Paris, Paris, Gallimard, 1939.

G.E. Haussmann, Mémoires du baron Haussmann, Paris, Victor-Havard, 1890.

Kern, « La ville contre la nature », Trajectoires, [En ligne], 12/2019.

Kondratyeva, S. Knapp, W. Durka, I. Kühn, J. Vallet, N. Machon, G. Martin, E. Motard, P. Grandcolas et S. Pavoine, « Urbanization Effects on Biodiversity Revealed by a Two-Scale Analysis of Species Functional Uniqueness vs. Redundancy»,Frontiers in Ecology and Evolution, 2020.

Machon, Sauvages de ma rue, Paris, MNHN, 2012.

C.F. Mathis et É.A. Pépy, La ville végétale. Une histoire de la nature en milieu urbain (France, XVIIe – XXIe siècle), Ceyzérieu, Champ Vallon, 2017.

Omar, N. Al Sayed, K. Barré, J. Halwani et N. Machon, « Drivers of the distribution of spontaneous plant communities and species within urban tree bases« , Urban Forestry & Urban Greening,2018.

Omar, K. Barré, N. Al Sayed, J. Halwani et N. Machon, « Colonization and extinction dynamics among the plant species at tree bases in Paris (France) »,Ecology and Evolution, 2019.

Perec, « Tentative d’épuisement d’un lieu parisien» [1975], Cause commune, Paris, Christian Bourgeois, 1982.

Quépat, Ornithologie parisienne, Paris, Hachette, 1874.

Schoentjes, Ce qui a lieu : essai d’écopoétique, Marseille, éditions Wildproject, 2015.

Joseph Vallot Essai sur la flore du trottoir parisien [1883], Paris, J. Lechevalier, 1884.

C.-A. Walckenaer, Faune parisienne. Insectes, Paris, Dentu, 1802.

Zapf, Literature as cultural ecology, London,  Bloombury Publishing, 2016.