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Fiction et démocratie (Revue critique de fixxion française contemporaine) [MAJ]

Fiction et démocratie (Revue critique de fixxion française contemporaine) [MAJ]

Publié le par Alexandre Gefen

 

Fiction et démocratie

 

Revue critique de fixxion française contemporaine

http://www.revue-critique-de-fixxion-francaise-contemporaine.org

 

La littérature de langue française contemporaine semble se réintéresser au monde, pour le représenter et le penser, tout en renonçant à le changer radicalement. Cet abandon d’un engagement immédiat de l’écrivain va de pair avec la défection des grands récits idéologiques et de leur relais littéraire : c’est par rapport à la démocratie et au consensus qui entoure ses idéaux, ses principes qu’il incombe désormais à la littérature contemporaine de repenser la nécessité de sa présence et de son intervention.

Pour ce dossier de la Revue critique de fixxion française contemporaine, il s’agira ainsi d’envisager les conceptions parfois divergentes du rôle de la fiction littéraire en régime démocratique. C’est en effet par rapport aux valeurs et dispositifs démocratiques que se redéfinissent aujourd’hui les normes et la mécanique de la fiction, aussi bien que les métadiscours qui en réfléchissent les enjeux. D’une part, certains courants philosophiques et critiques, souvent issus de l’univers anglo-saxon, promeuvent une idée de la littérature qui la met directement au service de l’ordre démocratique : la fiction littéraire nous permettrait de construire et d’organiser le vivre-ensemble, et la représentation fictionnelle, en tant que genre et en tant que méthode d’investigation, serait indissociable du régime démocratique. On pourrait invoquer ici les relectures anthropologiques d’Aristote faisant de la catharsis un mode de purgation des passions privées ; les analyses, promues notamment par Thomas Pavel, de la fiction comme instrument de réflexion axiologique, par symbolisation et mise en scène ; les théories du care attribuant à la littérature l’exercice de nos capacités empathiques ; ou encore le récent courant du cognitivisme évolutionniste accordant à la fiction, selon un modèle explicitement darwinien, une capacité sociale. Ces hypothèses soulignent ce que Nelly Wolf nomme la « démocratie interne » du roman et attribuent à la littérature une capacité thérapeutique, un pouvoir de régulation des comportements ou d’organisation de l’espace public.

D’autre part, des perspectives qui héritent plus directement de la philosophie continentale et de la critique poststructuraliste tendent plutôt à reconnaître à la littérature un rôle de mise en jeu critique des normes démocratiques, au nom des valeurs morales de l’individu ou, au contraire, des exigences politiques du groupe. De ce point de vue, le travail de la langue et de la forme fait de la littérature l’espace de l’inassignable et le lieu d’une exploration des renouvèlements idéologiques disponibles. Les affinités entre littérature et démocratie relèveraient alors d’une pensée de l’exception ou d’une imagination des possibles, en soulignant l’arbitraire et l’instabilité des options démocratiques que le libéralisme globalisé cherche à déployer. Par l’exercice du langage et des formes littéraires, la démocratie découvrirait le caractère irréconciliable des logiques politiques et sociales. Dans cette seconde hypothèse, qui est notamment celle de Jacques Rancière, c’est en tant qu’anomalie que la littérature s’insèrerait dans l’espace démocratique, dont elle constituerait l’horizon de radicalité. Et qu’en est-il des écrivains, qui, dans la lignée antimoderne, définissent le roman comme une forme individualiste d’élection et de résistance au nivèlement supposé de la démocratie libérale et font de la fiction l’instrument d’une mise en question des valeurs démocratiques ?

Sans rejouer platement l’opposition entre ces écoles de pensée, il s’agira d’en extraire les visions contrastées du rôle de la littérature en régime démocratique et de considérer tant leurs lignes de fracture que les éléments qu’elles ont en partage, et notamment la place de la notion de fiction, conçue comme un véhicule des valeurs ou un miroir du fonctionnement de la démocratie. Les contributions à ce dossier chercheront à dépasser les positions de principe et l’analyse de cas particuliers pour mettre en valeur les théories implicites communes à des corpus contrastés, autant qu’à saisir la production contemporaine dans la variété de ses enjeux.

 

Alexandre Gefen, Université Bordeaux 3 – Équipe TELEM & Fabula.org

Émilie Brière, Université du Québec à Montréal –  Équipe Figura

 

Les propositions de contributions, environ 300 mots, en français ou en anglais, sont à envoyer d’ici le 1er novembre 2012 aux adresses gefen@fabula.org et emilie.briere@me.com.  La réponse sera donnée au 1er décembre 2012.

Les articles définitifs (en français ou en anglais) seront à remettre à l’adresse articles@revue-critique-de-fixxion-francaise-contemporaine.org pour évaluation finale par le comité de la Revue critique de fixxion française contemporaine le 15 mars 2013 (parution du numéro juin 2013). La revue accepte également des articles hors problématique du numéro.