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Archiver le Maghreb (Expressions maghrébines, vol. 21, nº2, 2022)

Archiver le Maghreb (Expressions maghrébines, vol. 21, nº2, 2022)

Publié le par Marc Escola (Source : Edwige Tamalet Talbayev)

 Expressions maghrébines

Revue de la Coordination internationale des chercheurs sur les littératures du Maghreb

www.ub.edu/adhuc/em

Vol. 21, nº2, hiver 2022 : Appel à articles

Archiver le Maghreb

Dossier coordonné par Marie-Pierre Ulloa

Date limite de soumission des articles : 31 janvier 2022

Date de parution : novembre 2022

 

Si les labellisations de “littérature maghrébine” et de “cinéma maghrébin” renvoient à des champs d’études bien connus, enseignés à l’Université, celle d’archives maghrébines ne l’est pas. Pourtant la question de la préservation et de la constitution d’archives est au cœur de l’actualité maghrébine : celle du Maroc qui reconnecte avec son passé juif maghrébin en inaugurant une maison de la mémoire à Essaouira en 2020, celle de la Tunisie qui rend publique une liste de centaines de "martyrs" de la révolution qui a renversé le régime de Ben Ali en 2011, et celle de l’Algérie qui se débat autour du statut épineux des archives de la guerre d’indépendance depuis la remise du rapport Stora en janvier 2021 au président de la République française “sur les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie” qui a mis en exergue la fébrilité de la sensibilité politique autour de la question de l'accès aux archives tant en France qu’en Algérie. Aire géographique qui répond à des marqueurs historiques spécifiques, le Maghreb a son cinéma et sa littérature mais a-t-il ses archives et où les trouver ? 

Lors de sa célèbre conférence Mal d’archive. Une impression freudienne le philosophe franco-maghrébin Jacques Derrida rappelle que “le sens de ‘archive’ vient de l’arkheîon grec : d’abord une maison, un domicile, une adresse, la demeure des magistrats supérieurs, les archontes, ceux qui commandaient”. Ainsi le mot « archive » veut dire maison qui a autorité, représentant l’alliance du pouvoir et du savoir, de ceux qui détiennent et interprètent les archives. Mais l’archive est aussi “impression, écriture, prothèse ou technique hypomnésique en général, ce n’est pas seulement le lieu de stockage et de conservation d’un contenu archivable passé [...] la structure technique de l’archive archivante détermine aussi la structure du contenu archivable dans son surgissement même et dans son rapport à l'avenir”. 

En quoi les arts verbaux et les arts visuels peuvent-ils être appréhendés en tant que maisons autres que celle de l'autorité publique, étatique, pour créer de l’archive et renouveler le regard sur l’archive archivante du Maghreb dans son passé et dans son avenir ? Deux axes de recherche se dégageront : celui des lieux d’archivage matériels et celui des lieux immatériels, des lieux physiques abritant les archives du Maghreb aux « archives archivantes » de la littérature et des arts visuels sans négliger les promesses de la digitalisation des archives.

Si c’est véritablement à partir de la période des indépendances qu’une revendication maghrébine se concrétise au Maghreb sous l’impulsion des Maghrébins eux-mêmes,  les archives du Maghreb se recueillent dans certains lieux depuis quelques décennies : archives des écrivains entre IMEC (Kateb Yacine, Leïla Sebbar, Tahar Ben Jelloun), BNF (Mohammed Dib), Cité du Livre d’Aix-en-Provence (Albert Camus), Bibliothèque nationales d’Alger, de Tunis et du Royaume du Maroc, et s’expriment en plusieurs langues: l’arabe, l’amazigh, le judéo-arabe, le français mais aussi l’anglais, l’italien, l’espagnol, le néerlandais, l’hébreu, etc.

Ce numéro d’Expressions maghrébines sera l’occasion de mieux définir les enjeux des archives et de l’archivage du Maghreb polysémique, séculaire et multilingue, du XIXème au XXIème siècle, en contextualisant l’histoire de la constitution de ses archives en cultures écrites et visuelles, en tentant de distinguer leurs spécificités par rapport aux autres archives aussi bien nationales que panarabes, berbères, juives ou européennes et, enfin, en soulignant les défis auxquels la question des archives du Maghreb est aujourd’hui confrontée dans le sens de la constitution universitaire d’un corpus maghrébin qui œuvre de facto à la maghrébinisation des archives. 

Axes suggérés, non exhaustifs :

- Politique des archives, entre histoire et mémoire : le Maghreb est-il archivable en littérature et au cinéma ? Archive du mot “Maghreb”, d’appropriation coloniale/orientaliste à acte de résistance et revendication nationale, le sexte des archives, genre et archives, autres archives : archives juives, noires, berbères, sahraouies, andalouses ; le Maghreb et les questions récentes d’archives, concept d’archives « mineures » à la suite de Philippe Artières et des Vies oubliées d’Arlette Farge, un post Facebook ou Instagram fait-il archive ? 

- Archiver, diffuser : Édition (collection “Méditerranée” des éditions du Seuil), “musées du Maghreb” hors du Maghreb (IMA, musée national de l’histoire de l’immigration, Mucem), salons du livre (Foire internationale du livre de Tunis, festival du livre de Marrakech, SILA, Maghreb des livres, Maghreb des films, festival du monde arabe de Montréal), revues (L’année du Maghreb, revue Maghreb, Journal of North African Studies, Expressions maghrébines), la question des langues des archives, archives sonores (album Maghreb United 2009, radio Maghreb à Montréal).

- Statut des Archives : archives interdites, détruites, censurées, archives en exil (« Alger, la noire », du festival panafricain de 1969 aux Black Panthers), archives en migration (association Génériques en France), archives dispersées (fonds Jacques Berque entre Belfort et Frenda, fonds Germaine Tillion), archives aux conditions d’accès limitées par qui, pourquoi ? Archiver le définitif ou le gestationnel ? La génétique des archives-manuscrits, à la suite de Pierre-Marc de Biasi et de Guy Dugas et des archives-rushes de films, montage d’archives.

- Mise en archive du Maghreb : archives papier (IMEC, BNF, Cinémathèques, musées), archives monumentales (stèles aux morts des “guerres d’Afrique du Nord”), archives digitales (Diarna, Mucem “Made in Algeria”, Manuscrits francophones du CNRS dont Albert Memmi, Mouloud Feraoun)

- Archive-fiction : littérature, cinéma, bandes dessinées : lieu d’archivage par excellence ou par défaut ?

L’Art de perdre d’Alice Zeniter, Le Pays des autres de Leïla Slimani, Fi rassi, un rond-point dans ma tête de Hassen Ferhani, L’Algérie du possible : la révolution d’Yves Mathieu de Viviane Candas, D’ailleurs, Derrida de Safaa Fathy, etc.

Archivantes trajectoires, à titre d’exemples : Mohamed Boudiaf, Frantz Fanon, Alice Cherki, Nabil Ayouch, Gisèle Halimi, Georges Burou, Abdellah Taïa, Sami Bouajila, Lubna Azabal, Kamel Mennour, Leïla Sebbar romancière-éditrice de volumes collectifs autour du Maghreb, etc.

Les articles ne devront pas dépasser 40.000 signes, espaces inclus (6.000 mots environ). La ponctuation, les notes et les références doivent être conformes aux normes appliquées par la revue : http://www.ub.edu/adhuc/em.

Les demandes de renseignements complémentaires et les articles complets doivent être adressés par courrier électronique à la présidente du comité scientifique : expressions.maghrebines@ub.edu.

La section VARIA de la revue maintient toujours un appel à articles (sans date limite de soumission) concernant les cultures maghrébines : littérature, cinéma, arts...