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Écrire à quatre mains (XIXe-XXIe s.) (Amiens)

Écrire à quatre mains (XIXe-XXIe s.) (Amiens)

Publié le par Vincent Ferré (Source : Noëlle Benhamou)

Appel à communication

Écrire à quatre mains (XIXe-XXIe siècles)

13-14 octobre 2020

Centre d’Études des Relations et Contacts Linguistiques et Littéraires (CERCLL EA 4283)

Université de Picardie Jules Verne

Logis du Roy

 

Argumentaire

Ils sont de la même famille (frères, sœurs, frère et sœur, cousins, époux, compagnes ou compagnons), ami-e-s ou simplement collaborateurs, et ils/elles ont écrit et signé ensemble sous leurs vrais noms ou sous un pseudonyme collectif une partie ou la totalité de leur production littéraire : romans, essais, journaux intimes… L’écriture en collaboration existe au moins depuis le XVIIe siècle (les frères Perrault puis les frères Grimm…). Elle a toujours intrigué le public et n’a pas facilité la « survie » et la pérennité des œuvres composées par ces duos. En effet, qui lit encore les œuvres des frères Goncourt, d’Erckmann-Chatrian, des frères Rosny, Tharaud, Petitjean de la Rosière (plus connus sous le nom de Delly) pour ne citer que des auteurs français et francophones ?

Les œuvres fictionnelles écrites à quatre mains appartiennent à différents genres mais ce colloque s’attachera essentiellement à la prose. Au XIXsiècle, les frères Goncourt composèrent ensemble des romans réalistes : Sœur Philomène (1861), Renée Mauperin (1864), Germinie Lacerteux (1865), Manette Salomon (1867), Madame Gervaisais (1869) jusqu’à la mort de Jules en 1870. Erckmann-Chatrian écrivirent des nouvelles et des romans nationaux sous un pseudonyme unique. Au XXe siècle, alors que le caractère collaboratif de l’œuvre demande à être examiné de près et révisé (Colette et Willy), il peut aussi être associé à l’invention de formes d’écriture radicalement nouvelles, distinctes ou brouillées et déranger les catégories génériques existantes.

 Cette dynamique de transgression dont l’écriture collaborative peut être porteuse ne date pas d’aujourd’hui. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les écrits du « MOI » n’échappent pas à l’écriture plurielle. Il ne s’agit pas dans ce cas de la classique insertion par le mémorialiste, l’autobiographe ou le/la diariste d’écrits d’autrui, et notamment de la correspondance, mais de véritables cocréations, qui se conjuguent en mode simultané, alterné ou successif. Les journaux personnels peuvent ainsi être composés à quatre mains. Les frères Goncourt, qui écrivirent un journal commun de 1851 à 1870, se livrent à l’alternance du scripteur. Ils aboutirent à ce que Philippe Lejeune et C. Bogaert appellent un « journal de fusion », pour distinguer d’autres diaristes qui se livrèrent à un « journal de dialogue ». Les sœurs Groult livrent un journal bicéphale, la présence de chaque scripteur étant identifiée clairement dans le volume imprimé.

L’écriture collaborative mise à l’honneur par les Dadaïstes et par les Surréalistes – André Breton et Philippe Soupault, Les Champs magnétiques (1920) – l’est également tout au long du XXe siècle par nombre d’autres « mouvements » ou regroupements de créateurs d’horizons variés. Elle se poursuit et se renouvelle de manière étonnante au XXIe siècle, notamment dans le genre du policier ou sur le nouveau médium qu’est Internet. Les collaborations littéraires sont pérennes ou temporaires, transcendent les frontières géographiques et générationnelles. Qu’est-ce qui génère l’envie de s’associer à un autre écrivain ou écrivain-artiste pour composer à quatre mains ?

On pourra se demander dans quelle mesure la collaboration littéraire, dévoilée ou non, est une énigme pour le public. Elle pose la question du style personnel et de l’identité assignable au créateur, la collaboration brouillant les attendus sur la figure de l’auteur. Elle suscite ainsi nombre de questions : qu’est-ce qui pousse des individus, qu’ils aient ou non déjà écrit ou publié, à l’écriture collaborative ? Est-elle commandée, programmée et définie par un éditeur ? Un genre romanesque (policier, SF, sentimental) est-il plus propice à l’écriture collaborative ? Comment le public, quand il le sait, réagit-il face à ces publications bicéphales ? Quelle part le secret, le mensonge occupent-ils parfois dans ces entreprises ?

Axes de recherche

On abordera donc cette écriture collaborative selon le ou les axes suivants qui ne sont pas exhaustifs :

- historique : peut-on dessiner une cartographie et une histoire récente des écritures à quatre mains qui manifestent des constantes, des ruptures et des évolutions notables depuis le XIXe siècle ? Quelles hypothèses ou quelles explications peut-on proposer pour comprendre ces variations ?

- générique : quel(s) genre(s) narratif(s) est/sont privilégiés par les duos d’écrivains ? La littérature codifiée, telle que le roman sentimental ou le roman policier, est-elle plus à même d’accueillir une écriture bicéphale ? A l’inverse, cette écriture va-t-elle de pair avec la présence ou la création de formes littéraires qui sortent des catégories génériques existantes ? Quid des écritures « ordinaires » collaboratives ? Peut-on les caractériser ?

Dans cet ensemble, qu’il soit ou non génériquement identifiable et identifié, quelle place le fictionnel, le factuel, l’autobiographique tiennent-ils ? Cette écriture est-elle elle-même théorisée par ses auteur-e-s ?

- génétique : qu’apporte l’étude des manuscrits et des avant-textes dans la problématique de l’écriture collaborative ? Qui écrit, qui relit ? L’acte d’écrire est-il conjoint ou strictement individuel avant toute mise en forme commune ? Est-il assumé et partagé de manière égale ou équilibrée entre les deux auteur-e-s ? Les différentes campagnes d’écriture témoignent-elles d’une organisation interne et concertée de la collaboration ?

- poétique et stylistique : qu’est-ce qui caractérise l’écriture collaborative ? Y a-t-il une uniformité stylistique ou, au contraire, la marque de deux écritures se fait-elle sentir ? La collaboration est-elle source d’effets qui lui correspondent en propre ?

- réception critique : comment sont perçus les duos d’écrivains par la critique ? par le public ? Quelle posture auctoriale l’écriture collaborative induit-elle ? Peut-on parler de phénomène éditorial ou commercial ? Y a-t-il une mythologie de l’écriture collaborative ?

Voici une liste non exhaustive et indicative d’écrivains français ou francophones ayant écrit à quatre mains :

XIXe siècle

Jules et Edmond de Goncourt (frères)

Erckmann-Chatrian (Emile Erckmann et Alexandre Chatrian)

J.H. Rosny (Joseph Henri Honoré et Séraphin Justin François Boex, frères)

Vast-Ricouard (Raoul Vast et Gustave Ricouard)

XXe siècle

Émile Anton (pseudonyme de Jeanne Fage-Antonelli et Émile Debard)

Marcel Allain et Pierre Souvestre

Jacques Bastogne (pseudonyme collectif de Roland Bonnet et de Marcel Pollaud-Dulian)

Bertal-Maubon (pseudonyme collectif de Marcel Bertal et de Louis Maubon)

Léon et Maurice Bonneff (frères)

André Breton et Philippe Soupault

Claude Campagne (pseudonyme de Jean-Louis et Brigitte Dubreuil)

Colette et Willy (époux)

Delly (Jeanne-Marie et Jacques Petitjean de la Rosière, sœur et frère)

Pierre-André Fernic (pseudonyme d’André Ferran et de Pierre Daunic)

Anne et Serge Golon (époux)

Forquin-Lapierre (Pierre Forquin et Henri Lapierre)

Nathalie et Charles Henneberg (époux)

Jacquemard-Sénécal (pseudonyme de Yves Jacquemard et Jean-Michel Sénécal)

Marius-Ary Leblond (Marius et Ary Leblond, cousins)

Doris et Jean-Louis Le May (époux)

Paul et Victor Margueritte (frères)

Marcel et Gabriel Piqueray (frères jumeaux)

R. & R. Borel-Rosny (pseudonyme de Raymonde et de Robert Borel-Rosny, époux)

Jérôme et Jean Tharaud (frères)

Boileau-Narcejac (Pierre Louis Boileau et Thomas Narcejac)

Flora et Benoîte Groult (sœurs)

Claude Pujade-Renaud et Daniel Zimmermann

Clara et Robert Schumann

XXIe siècle

François et Martine Bruce

Marc et Isabel Cantin

Marie Desplechin et Lydie Violet

David Dorais et Marie-Ève Mathieu

Bernadette Herman et Abdelkader Boucharba

Claude Izner (pseudonyme de Liliane et Laurence Korb, sœurs)

Marie-Andrée Lamontagne et Philippe Borne

Yves et Ada Rémy (époux)

À ces auteurs s’ajoutent les pratiques préconisées au sein de groupes ou mouvements littéraires (Dadaïsme et Surréalisme, Oulipo par exemple) et les diverses formes que prend l’écriture collaborative sur Internet.

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Quelques indications bibliographiques :

- Michel Lafon & Benoît Peeters, Nous est un autre. Enquête sur les duos d’écrivains, Paris, Flammarion, 2006, 349 p. 

>> CR : Julie Anselmini, http://www.fabula.org/acta/document1659.php

Sébastien Lapaque, Le Figaro, 2006 : http://www.lefigaro.fr/livres/2006/04/27/03005-20060427ARTWWW90328-les_duos_d_ecrivains_sont_ils_encore_possibles_.php

Voir aussi : https://journals.openedition.org/ilcea/3523

- Revue recto verso, n°3, la création en collaboration : http://www.revuerectoverso.com/spip.php?rubrique40

- Oriane Deseiligny et Sylvie Ducas (dir.), L'Auteur en réseau, les réseaux de l’auteur, Paris, Presses universitaires de Paris Ouest, coll. « orbis litterarum », 2013, 326 p.

 CR : https://www.cairn.info/revue-communication-et-langages1-2014-2-page-134.htm

- Françoise Simonet-Tenant, Article « Ecritures partagées », Dictionnaire de l’autobiographie (dir. F. Simonet-Tenant), Paris, Champion, 2017, p. 292-293.

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Les propositions de communication d’une dizaine de lignes ainsi qu’une courte notice biobibiographique sont à envoyer pour le 1er novembre 2019 conjointement à Bernard Alavoine (bernard.alavoine@wanadoo.fr), à Noëlle Benhamou (noelle.benhamou@u-picardie.fr) et à Marie-Françoise Lemonnier-Delpy (marie.francoise.lemonnier@u-picardie.fr).

Une publication des actes est prévue.

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Comité organisateur :

Bernard Alavoine, Noëlle Benhamou et Marie-Françoise Lemonnier-Delpy (Université de Picardie Jules Verne)

Comité scientifique :

Bernard Alavoine (UPJV), Noëlle Benhamou (UPJV), Daniel Compère (U. Paris III-Sorbonne Nouvelle), Carme Figuerola (U. de Lleida), Marie-Françoise Lemonnier-Delpy (UPJV), Angels Santa (U. de Lleida).