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"Du non narratif" au théâtre (Rabat)

Publié le par Marc Escola (Source : Abdelmajid Azouine)

« Du non narratif » au théâtre, 2021.

APPEL À CONTRIBUTIONS POUR UN OUVRAGE COLLECTIF

 

Le laboratoire "Langues, Littératures, Arts et Cultures" de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines- Université Mohammed V de Rabat- projette la publication d'un ouvrage collectif ayant comme thème : "Du non narratif au théâtre".

Argumentaire 

Au théâtre comme dans tous les autres genres littéraires fictionnels, raconter demeure une constante ; c’est la manifestation de ce que Paul Ricœur appelle "une intelligence narrative " nécessaire à la constitution de "l'identité narrative" d'une communauté donnée.

Si l’on se réfère à la distinction faite par E. Benveniste (1966), et G. Genette (1966), la narration est l’acte fictif ou réel produisant un récit. Ce dernier est la représentation finale d’une suite d’actions ou d’événements constituant une histoire racontée par un narrateur.  De là, la narration au théâtre peut s’apparenter à la représentation d’une histoire selon une succession logique ou chronologique des faits comme le préconise la conception classique du genre. Elle peut également nous orienter vers le mode épique comme narration inscrite dans un passé et recherchant beaucoup plus un effet de distanciation comme le stipule Brecht. Et finalement, narrer au théâtre peut être saisi dans le sens de produire une histoire relatée avec plus ou moins de liberté dans l’agencement de faits sans se soumettre à une quelconque linéarité sous tendant un rapport de causalité entre les évènements relatés.

C’est ce qui est confirmé à travers la conception que Antoine Vitez se fait du théâtre : «il y a une histoire à raconter, un rêve, une fiction, quelque chose, un mythe qu'il faut lancer à des gens, à un groupe de gens, le public, et il y a un autre groupe de gens, les acteurs, qui doivent raconter, montrer cette histoire » (1995, p. 216). Compte tenu des esthétiques qui l’ont marquée, l’Histoire du théâtre est ainsi le tressage des histoires qu’il a su raconter et représenter depuis le fonds mythologique jusqu'au théâtre moderne en passant par les péripéties bibliques caractérisant le drame liturgique, les exaltantes histoires d’amour et de passion qui ont marqué le drame pour ne citer que cela. La présence de concepts tels qu'intrigue, action, muthos, fable en est la parfaite illustration. Étudier la généalogie du récit au théâtre, synonyme d’une reconstitution de fait au sens archéologique du terme, nous impose, à cet effet, de voir ses origines son développement et son devenir.

Le constat formulé par Ionesco « Toutes les pièces sont des pièces à énigme » est très révélateur, il témoigne d’un certain mécontentement vis-à-vis d’un théâtre envahi par l’anecdote et par le souci de raconter dans le but de démêler l’intrigue. Un tel constat était à cette époque un tournant décisif dans l’Histoire du genre puisqu’il sera annonciateur de toute l’esthétique du nouveau théâtre qui va instituer une remise en cause voire une déconstruction de toute l’esthétique classique du théâtre entre autres l’histoire contenue dans la fable représentée.

L'interrogation fédératrice de notre argumentaire est le comment du fonctionnement de ce théâtre qui ne raconte rien, un théâtre où rien ne se passe à l’image du témoignage de Beckett commentant son œuvre En attendant Godot. De là, nous nous interrogeons sur un théâtre qui s'allie avec des genres non narratifs, comme l'essai à titre d’exemple, pour rendre la scène un lieu de réflexion critique et ses dramaturges les chantres de réflexion voire des théories où l’analyse, la critique, l’argumentation le disputent à la narration et au souci de raconter. L'histoire du théâtre retient quelques exemples phares de cette rencontre combien prometteuse entre le quatrième art et la réflexion critique :

Fragments d'un discours amoureux, Arnaud Churin, 2011 (d'après Barthes)

Le Capital et son Singe, Sylvain Creuzevault, 2014 (à partir du Capital de Karl Marx), 

L'âme humaine sous le socialisme, Geoffroy Rondeau, 2018 (d'après Oscar Wilde)

Désordre du discours, Fanny de Chaillé, 2019 (d'après Foucault)

Le Théâtre et son double, Gwenaël Morin, 2020 (d’après Artaud)

Dans le même esprit d'un théâtre qui renie ses origines narratives, nous ne pouvons passer sous silence toute la position qui revendiquait un retour aux origines festives du théâtre et de renoncer à ce théâtre littéraire, bâti autour et à partir du verbe, ce théâtre textocentrique contre qui Gaston Bathy a annoncé qu’il était temps de détrôner sire le mot. Nous supposons à juste titre ici que le texte demeure le plus perméable à l’acte de raconter, sans négliger l’importance d’autres rencontres assez fécondes avec des formes d'expression, peinture, photographie, collage, danse, etc, où le narré est destitué par le montré, et où la logique événementielle se trouve beaucoup plus inhérente à la richesse plastique et à l’iconicité du spectacle qu’à la consistance de la fable racontée. Donc l'opposition permanente entre les partisans du texte et les adeptes du spectacle nous conduit à chercher où se situe le « non-narratif » par rapport à cette dialectique.

Quant au metteur en scène, nous pouvons déjà nous interroger sur ses nouvelles fonctions quand il s’agit de présenter en déjouant le récit, en s’inscrivant dans la monstration sans pour autant céder à l’envie de recourir à l’événementiel source de toute narration. Quel souci homogénéisant peut-il fournir à une présentation en l’absence de cette trame narrative constituant la toile de fond du spectacle ?

En ce qui concerne le travail du dramaturge à l'aune de cette tendance anti-narrative, nous pouvons d'ores et déjà signaler un premier souci lié à cette tentation d’écrire pour le théâtre et non d’écrire du théâtre tel que le stipule Enzo Cormann, quels effets une telle posture peut avoir sur ce lien, jusque-là, très intime entre le dramaturge et son récit, une posture qui impose ses règles de jeu et qui, à grand-peine, dicte au dramaturge, ce fin producteur de subjectivité de se mettre à la lisière de la songerie, du fantasme, de la préméditation et de la raison sans pour autant négliger les contraintes de plateau et celles du genre, ce que S. I. Witkiewicz reconnaissait comme la « logique interne du devenir scénique »

Nous pouvons également, réfléchir sur les enjeux liés à l'édition, le circuit de la légitimation éditoriale et leurs impacts sur certains choix esthétiques de cette tendance anti-narrative. Ainsi, les résidences d’écritures, les mises en espaces ou les mises en voix, les versions radiophoniques et les éditions théâtrales spécialisées. Tout le poids de cette machinerie de diffusion assure une certaine visibilité qui permet d’attirer certains et d’influencer des autres. L’instance traditionnelle de l’anecdote se trouve fortement concernée.

À titre illustratif, et non exhaustif, nous proposons les pistes de réflexion suivantes :

-La place et la fonction de l’essai dans la dramaturgie moderne

-Des critiques de théâtre/ dramaturges quelles interférences ? Quels effets ?

-La théâtralité et le théâtralisable au prisme de la réflexion critique

-Théâtralité/littérarité/dramaticité 

-Exemples de textes théoriques mis en scène.

-Non narratif, hybridité et intersemiosité dans le théâtre

-Le lecteur/spectateur face à l’absence d’histoire

-Dramatique / épique ou épicisation selon Peter Szondi : redéfinition / devenir  

-Théâtre rhapsodique selon Jean Pierre Sarrazac et le devenir du drame

- Les théâtres du jeu

-Le théâtre des écriteaux ou théâtre de foire

-Narration et performances

- Vers un théâtre post-narratif où la narration devient objet d’analyse.

-Enonciation théâtrale : le monologue et ses nouvelles fonctions

-Le théâtre d'objet

-Le théâtre d'images

-Le théâtre peint

-Le théâtre de situation

-Le théâtre de la parole  

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                Responsable

Prof. M. AZOUINE Abdelmajid

               Comité scientifique

AZOUINE Abdelmajid, flsh, Université Mohammed V, Rabat, Maroc

EL HANI Jamal Eddine, flsh, Université Mohammed V, Rabat, Maroc

CHEIKH MOUSSA Ijjou, flsh, Université Mohammed V, Rabat, Maroc

FERTAT Omar, Omar Fertat Université Bordeaux-Montaigne, France

BELHAJ Laila, fse, Université Mohammed V, Rabat, Maroc

MEKAYSSI Abdelmajid, flsh, université Mohammed V, Rabat, Maroc

LANGONE Angela Daiana , Université de Cagliari, Italie

SELOM Komlan Gbanou, université de Calgary, Canada

BELHAJ Hicham, FLSH, Dhar El Mahraz Université Sidi Mohamed Ben Abdellah, Fès, Maroc             

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                 Modalité de soumission

Les articles doivent être envoyés à l’adresse suivante abdelmajid.azouine@um5.ac.ma au plus tard le 25 mars 2021.

              Calendrier :

- Réception d'articles jusqu'au 30 mars 2021

- Avis du comité scientifique : 20 avril 2021

- Retour des articles définitifs : 20 mai 2021

 - Publication de l’ouvrage :  10 juillet 2021

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