Essai
Nouvelle parution
Dominique Rabaté, Louis-René des Forêts . La voix et le volume (éd. augm.)

Dominique Rabaté, Louis-René des Forêts . La voix et le volume (éd. augm.)

Publié le par Thomas Parisot

 

Compte rendu dans Acta fabula: Les voix de Louis-René Des Forêts, par Baptiste Roux.

 

 

 

 

 

 

Dominique Rabaté

Louis-René des Forêts, la voix et le volume

José Corti, réédition augmentée en 2002. 2O Euros.

208 pages, ISBN : 2-7143-0765, 20 Euros.



     (Paru initialement en 1991, cet essai a été entièrement revu et augmenté par Dominique Rabaté, après le décès de Louis René Des Forêts)

Prière d'insérer:


     Rare et discrète, l'oeuvre de Des Forêts s'est signalée depuis plus de quarante ans comme l'une des entreprises les plus exigeantes de notre littérature contemporaine. Son importance a déjà été soulignée par d'autres écrivains, et non des moindres puisqu'il s'agit entre autres de Blanchot et de Bonnefoy, qui lui reconnaissent cette place ; il manquait pourtant encore une étude d'ensemble du trajet dessiné depuis Les Mendiants jusqu'à Ostinato, oeuvre autobiographique toujours reprise.
     Dominique Rabaté suit d'abord dans Le Bavard, récit le plus connu, puis dans le magnifique poème des Mégères de la mer, le cheminement de cette voix en quête de son origine. Le commentaire détaillé de ces deux textes éclaire la dramatisation du discours livré à la passion de sa profération. Tournée vers la cause de son énonciation, la voix cherche, avec une rigueur inouïe, à donner forme et présence à l'aventure d'une parole singulière. Ces lectures déploient les tours et les détours, les ruses et les victoires d'un narrateur conscient des pièges que lui tend le langage, qui est par essence puissance de séparation et d'absence. Le récit ou le poème est ainsi hanté par le mirage du silence que l'écriture ne peut atteindre qu'en bout de parcours, par l'excès et la rage.
     On peut alors prendre la mesure de l'ensemble de l'oeuvre : il semble qu'elle doive répondre, par un surcroît de fiction, à cette question que posent les Poèmes de Samuel Wood : « Est-ce bien ta voix que j'entends ? » Au plus près de sa source, la voix veut s'entendre, éprouver son volume. C'est ce paradoxe que les nouvelles explorent, ouvrant l'espace d'un dialogue intérieur où la réalité et son simulacre se confondent. Attentif à déjouer les mensonges de la mémoire et du beau langage, l'écrivain lutte pour retrouver en lui l'enfant rayonnant et majestueux qu'il fut autrefois. Cette entreprise est donc, comme le souligne Dominique Rabaté, hautement romanesque. Elle y trouve cet accent si particulier, cet imaginaire dramatique qui font d'elle une uvre pleine de bruit et de fureur. Écriture de la catastrophe : telle pourrait être enfin la formule de la stylistique propre à Louis-René des Forêts. Le centre qui l'attire est toujours bouleversant et dangereux. Mais la rencontre que l'écriture prépare, à laquelle elle ne se dérobe jamais, promet à son lecteur la réémergence d'un monde et d'une voix plus purs. Épiphanie tragique de l'être parlant, l'oeuvre de des Forêts découvre un champ primordial des possibilités de la littérature aujourd'hui.