Questions de société

"Des filières d'excellence pour les enseignants-chercheurs", par C. Rollot (Le Monde, 9/10/8).

Publié le par Marc Escola

Enquête
Des filières d'excellence pour les enseignants-chercheurs
LE MONDE | 09.10.08 | 15h29  •  Mis à jour le 09.10.08 | 15h29


"Ils se nomment les "soutiers" de l'université, mais les maîtres de conférences, pivots de l'enseignement supérieur, devraient voir leur situation radicalement changer. Le Monde a pris connaissance des mesures que Valérie Pécresse doit, dans les prochains jours, dévoiler en faveur de ces jeunes enseignants-chercheurs. Objectifs affichés par la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche : revaloriser les débuts de carrière, offrir de meilleurs salaires et conditions de travail aux plus prometteurs, rapprocher les statuts des chercheurs et des universitaires.

REPÈRES
Effectifs. 58 000 enseignants-chercheurs dont 20 000 professeurs d'université et 38 000 maîtres de conférences. 17 000 chercheurs.

Recrutement. Les organismes de recherche recrutent 400 à 500 chercheurs par an ; les universités engagent, elles, 2 000 maîtres de conférences et 1 000 professeurs.


Au début de leur carrière, les maîtres de conférences seront mieux payés grâce à la prise en compte, dans le calcul de leur ancienneté, des années de doctorat et de post-doctorat. Actuellement, la rémunération d'un jeune maître de conférences s'établit sur la base de sa dernière activité, et le doctorat n'est pas considéré comme une expérience professionnelle. Un système injuste : beaucoup de jeunes doctorants poursuivent leurs études après leur thèse et sont recrutés par les universités en contrat à durée déterminée pour un ou deux ans, avant d'obtenir un poste de maître de conférences.

A partir de septembre 2009, le doctorat comptera comme deux années d'ancienneté, et toute activité scientifique ou pédagogique antérieure à la nomination comme maître de conférences sera additionnée. La rémunération minimum d'un maître de conférences (recruté tout de suite après son doctorat) s'élèvera à 2 328,60 euros bruts par mois contre 2 068,85 euros actuellement.

En fonction des situations, le gain salarial sera de l'ordre de 260 à 510 euros bruts mensuels. Cette revalorisation devrait concerner environ 2 000 maîtres de conférences. Elle coûtera, sur trois ans, 56,2 millions d'euros, dont 20,4 millions sont d'ores et déjà inscrits au budget 2009. "Cette mesure a trois vertus, indique Mme Pécresse au Monde. Elle reconnaît au doctorat une valeur d'expérience professionnelle, elle augmente l'attractivité des carrières à l'université et enfin elle harmonise les situations des universitaires et des chercheurs."

Le second volet de la réforme devrait susciter des critiques. La ministre a décidé d'encourager les jeunes chercheurs les plus prometteurs en créant des "chaires université/organismes de recherche" qui seront dotées d'un certain nombre d'avantages. A partir de 2009, dans ce cadre, 130 postes seront proposés chaque année sur concours à des maîtres de conférences, chercheurs ou jeunes doctorants. Les recrutés auront le statut de maître de conférences, mais ils seront déchargés d'une partie de leur obligation d'enseignement auprès des étudiants (64 heures au lieu de 192 heures annuelles) pour se consacrer à la recherche. Ils recevront en plus de leur traitement une prime annuelle de 500 à 1 200 euros par mois et une dotation de 50 000 à 100 000 euros pour cinq ans. Ils pourront utiliser ce capital pour améliorer leurs conditions de travail (voyages d'étude, équipements...)

Ce statut "privilégié" sera accordé pendant cinq ans, renouvelable une fois. Il s'inspire du modèle mis en place à l'Institut universitaire de France (IUF), un établissement "sans murs" créé en 1991. Ses membres poursuivent leur recherche dans leurs universités, mais bénéficient de conditions très favorables pendant cinq ans. "Tout le monde sera gagnant. Les jeunes chercheurs, mais aussi les universités, qui pourront offrir par ce biais des carrières aussi attractives que celles proposées par les organismes de recherche. Quant à ces derniers, ils bénéficieront tous les cinq ans d'un apport de sang neuf", assure Mme Pécresse.

Il n'est pas certain que cette argumentation passe bien auprès des représentants des chercheurs. Car le projet se fait à budget constant et sans création de postes. En outre, si les chercheurs veulent rejoindre les emplois offerts dans les 130 chaires, ils devront changer de statut. Les organismes de recherche y verront sans doute la perte d'une partie de leurs postes statutaires, au profit des universités.

La réforme constitue la première étape concrète d'un rapprochement entre organismes de recherche et universités. Cette direction, assumée par la ministre, suscite encore beaucoup de réticences."