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De l’esthésiologie. La réappropriation du sensible et du sensoriel dans la littérature et les arts des XXe et XXIe s. (Louvain-la-Neuve, Belgique)

De l’esthésiologie. La réappropriation du sensible et du sensoriel dans la littérature et les arts des XXe et XXIe s. (Louvain-la-Neuve, Belgique)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Corentin Lahouste)

Université catholique de Louvain

15-16 mars 2018

Salle du Conseil du Collège Erasme

Place Blaise Pascal 1 – 1348 Louvain-la-Neuve (Belgique)

 

« Tout commence par la sensation. Aucune idée innée, aucun sens intime, aucune conscience morale ne préexistent dans l’être à l’assaut des choses », note Jean-Pierre Richard dans Littérature et sensation, tandis que Rousseau alléguait dans ses Confessions :  « Les climats, les saisons, les sons, les couleurs, l’obscurité, la lumière, les éléments, les aliments, le bruit, le silence, le mouvement, le repos, tout agit sur notre machine et sur notre âme par conséquent ». Rarement pris en compte dans les études littéraires en raison d’un contexte où le cartésianisme et l’idéalisme prédominaient, le sensible et la sensorialité connaissent actuellement un regain d’intérêt.

Provenant du grec αἴσθησις (aísthesis) - « sensation » - associé à λόγος (logos) - « parole, discours » -, l’esthésiologie se rapporte à ce qui traite des sensations ou des sentiments, à ce qui se réfère au vécu sensible et à sa mise en discours. Elle constitue dès lors le point de rencontre entre l’intime et l’extime, ces deux pôles majeurs du sensible. En effet, ce dernier peut être compris autant comme le monde extérieur, le dehors, dans sa pluralité : animal, végétal, mais aussi objectural et inorganique, que comme ce qui concerne la dimension affective et perceptive de l’être humain.

L’objectif poursuivi par le colloque ne vise pas une délimitation du terme sensible. Toute tentative de sa circonscription semble vouée à l’échec : ses frontières sont mouvantes, difficiles, voire impossibles à borner. Comme l’écrit Rilke (Elégies de Duino, quatrième élégie, trad. Lorand Gaspar), « Nous ne connaissons pas le contour du sensible : seulement ce qui du dehors le façonne ». Il s’agira dès lors plutôt de :

- creuser l’enjeu politique qui peut être rattaché au sensible, dans la lignée des réflexions de Rancière (Le partage du sensible. esthétique et politique ; La chair des mots. Politique de l’écriture), d’Agamben (Moyens sans fins ; L'Usage des corps ; La Puissance de la pensée ; L’ouvert) et d’Esposito (Catégories de l’impolitique ; Communauté, immunité, biopolitique) notamment ;

- investiguer différentes « esthétiques du sentir » (Maldiney) et philosophies de la perception sensorielle (lien par exemple aux situations-limites telles que la surdité, la cécité, etc.), afin de voir dans quelle mesure une telle approche permet de toucher aux limites de concepts tels que, par exemple, la synesthésie ;

- questionner les modalités de la création du sensible, observer comment l’art et la littérature ont pu approcher et se confronter au sensible, comment ils ont pu donner une voix, une parole, à ce « monde muet » (Ponge) qu’il constitue, soit en s’y cognant - car il est brut -, soit en le déployant - à partir de sa modalité informe ;

- saisir comment, par le truchement du sensible, l’art et la littérature permettent non seulement d’ouvrir l’existence humaine, en faisant « vibrer quelque aspect privilégié ou inaperçu de l’expérience » (Dewitte), mais aussi d’aiguiser les mécanismes d’appréhension sensorielle du monde.

Autour d’une logique et d’une dynamique de la rencontre - car suivant la perspective développée par Deleuze ou Maldiney entre autres, sentir est avant tout rencontrer - qui peut s’opérer soit sur le mode du dialogue, d’une certaine aménité, soit sur celui de la confrontation, du dissensus (Rancière), on mettra en lumière la manière dont les mises en forme littéraires et artistiques, qui valorisent une appréhension du monde investie et singulière, permettent de se réapproprier le sensible et, à l’avenant, la sensorialité, dans un monde régi par l’économique et les discours dits “d’efficacité” (médiatiques, technocratiques, administratifs, publicitaires, etc.) qui canalisent, normatisent, contrôlent.

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PROGRAMME :
 

Jeudi 15 mars

9h00-9h30 : Accueil des participants

9h30-9h45 : Mot d’ouverture par Charline Lambert et Corentin Lahouste

[Session I : Déployer le sentir]

9h45-10h30 : Conférence d’ouverture :

« Fortune et nouveau souffle du "sentiment océanique". De Romain Rolland et Sigmund Freud jusqu’à Jean-Philippe Toussaint » – Christophe Meurée (Archives et Musée de la littérature)

10h30-11h30 :

° L’unité du sentant et du senti dans l’expérience de l’art – Oleg Lebedev (Université catholique de Louvain)

° Déterrer le sensible dans Patmos et autres poèmes de Lorand Gaspar – Charline Lambert (FNRS, Université catholique de Louvain)

11h30-11h45 : Pause café

[Session II : Sensibilité de l’objet-livre]

11h45-12h45 :

° Pour une heuristique du pli : penser l’expérience esthétique des livres d’artistes altérés – Barbara Bourchenin (Université Bordeaux-Montaigne)

° Le livre et son informatique – Sébastien Wit (Université Paris Nanterre)

12h45-14h15 : Temps de midi

[Session III : Horizons écopoétiques]

14h15-15h45 :

° L'herbier imaginaire de Samuel Beckett – Clément Willer (Université de Strasbourg / Université du Québec à Montréal)

° Réenchanter le monde par les sens. Pour une poétique de la sensualité par Jean Giono – Charlotte Ladevèze (Université d’Augsburg / Université de Lorraine)

° L’occupation performative d’un terrain vague comme tactique d’émancipation – Communication-performance de Laurence Beaudoin-Morin (Université du Québec à Montréal)

15h45-16h00 : Pause café

[Session IV : Corporéités littéraires]

16h-17h :

° Déluge d’Henry Bauchau : l’image au service d’une corporalité aux multiples facettes – Maude Déry (Université Laval)

° Entre images au corps et images des corps : l’écriture sensible de Marie Darrieussecq – Valérie Cavallo (Université Paris 8)

17h00-19h30 : Temps libre et diner libre

20h-22h : Projection du film Certain Women (107’) de Kelly Reichardt (Cinescope)

 

Vendredi 16 mars

9h-9h30 : Accueil

[Session V : Ténuité, hypersensibilité, vulnérabilité]

9h30-11h :

° Miroitements de surface. Le minimalisme éthique du cinéma de Kelly Reichardt – Matthias De Jonghe (ESA Saint-Luc)

° Le roman contemporain à fleur de peau : pour un réalisme hypersensible – Morgane Kieffer (Université Paris Nanterre)

° Pensée sensible, critique vulnérable – Marion Sénat (Université Paris 3 / Université du Québec à Montréal)

11h00-11h15 : Pause café

[Session VI : Altérité et intimité]

11h15-12h45 :

° Distance et proximité dans l’œuvre écrite de Henri Michaux – Elise Tourte (Université de Strasbourg)

° La description de la vie selon Michel Henry, l’exemple de Philippe Katerine – Boris du Boullay (Université d’Aix-Marseille)

° Theatlasgroup.org de Walid Raad : une archive sensible des guerres du Liban – Lisa Tronca (Université du Québec à Montréal)

12h45-14h : Temps de midi

[Session VII : Pulsions, hybris]

14h00-15h00 :

° Le corps chez Romeo Castellucci : le médium d’un sensible radical – Chloé Dubost (Université de Strasbourg)

° Régénérer pulsionnellement le réel : Bannière de bave de Marcel Moreau – Corentin Lahouste (FNRS, Université catholique de Louvain)

15h00-15h15 : Pause café

[Session VIII : Esthésique de la bande-dessinée]

15h15-16h15 :

° Esthésiologie de l’ondulation : une navigation immersive à travers Phallaina – Hélène Crombet (Université Bordeaux-Montaigne)

° Sensorialité et bande dessinée : la jubilation du dessin proliférant – Erwin Dejasse (Université de Liège)

16h15-17h30 : Discussions conclusives collectives