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"Contre la poésie, les formes" (Formes Poétiques Contemporaines, n° 22)

Publié le par Aurelien Maignant (Source : Stéphane Cunescu)

Formes Poétiques Contemporaines, n° 22

Dossier « Contre la poésie, les formes »

Date limite d'envoi : 15 octobre 2021

 

PRÉSENTATION

La revue Formes poétiques contemporaines (Presses universitaires de Liège) a pour but d’étudier la poésie dans sa dimension formelle, en se consacrant à l’époque contemporaine, conçue comme s’étendant à la totalité des 20e et 21e siècles, avec une priorité non exclusive aux poètes vivants. Elle consacre des dossiers thématiques à des questions formelles, générales ou plus techniques. Elle accueille des articles de réflexions, d’analyse scientifique et des contributions, créatives ou non, des poètes eux-mêmes.

Depuis la seconde moitié du 20e siècle et jusqu’à aujourd’hui, nombreux sont les poètes qui s’érigent contre une certaine façon de concevoir et de faire de la poésie. Contre le haut lyrisme, contre la poésie sentimentale et le « ron-ron » qu’elle produit, contre la prééminence accordée à l’image et à la métaphore, contre l’« esthétisme vague », etc. Autant de raisons différentes qui s’accordent toutes sur la nécessité d’une refondation du geste poétique. Malgré cela, force est de constater que les prises de positions critiques — parfois virulentes, voire radicales — ne se traduisent pas par un éloignement vis-à-vis de l’objet qu’est le poème. Elles convergent au contraire vers une préoccupation commune, à savoir celle de sa fabrication, qui implique le recours aux formes et une conscience de sa « technicité » (Paul-Louis Rossi). Les débats autour du vers et de la prose, suscités notamment par Henri Deluy dans la revue Action Poétique, de même que la publication en 1995 de la Revue de littérature générale (dont le premier numéro s’intitulait « Mécanique lyrique »), constituent des évènements de l’histoire littéraire contemporaine prouvant à quel point la volonté de réformer la poésie passe par une attention accrue envers les aspects formels qui la constituent.

Le thème de ce nouveau numéro de la revue Formes poétiques contemporaines (n°22) souhaite précisément étudier l’invention formelle des poètes pourtant déclarés contre la poésie. 

L’idée de ce numéro fait suite au colloque « Contre la poésie, la poésie », organisé en juin dernier par l’Université de Liège et l’Université Paris 8. Les communications prononcées lors de cet évènement scientifique ont pu mettre en lumière la façon dont le sentiment — diversement formulé — de haine de la poésie, parvenait à être dépassé, pour donner lieu à de nouvelles pratiques, qu’elles se situent à l’intérieur ou en dehors des marges du livre. Aux analyses souvent menées à partir des discours théoriques, réflexifs et métapoétiques, doit à présent faire pendant l’étude formelle, exclusivement concentrée sur l’analyse des textes.  

Paradoxalement, une des tendances partagée par certains auteurs qui, au sein de la poésie contemporaine, nourrissent des griefs envers la « poésie-poésie », consiste à poursuivre un travail sur le vers à partir de formes anciennes. La référence au sonnet, par exemple, peut ainsi prendre différentes tournures chez des auteurs tels que Jude Stéfan (Épodes), Jacques Roubaud (), Emmanuel Hocquard (Un test de solitude) ; si le mètre fixe, les strophes et les rimes en sont absents, il peut toutefois garder son trait structurel fondamental, à savoir être composé de quatorze vers (ou lignes). Loin d’être un simple renvoi amusé à la tradition, cette volonté de conférer un cadre formel au poème (qu’il relève de la contrainte ou du jeu) révèle un besoin de modernisation des formes poétiques. 

Outre la reprise ou l’invention de nouvelles prosodies, il faut considérer une autre voie, suivie par ceux pour qui la poésie est « inadmissible ». Cette voie, marquée par le sceau de la négativité, semble demander comment « continuer la poésie après la poésie » (Jean-Marie Gleize) ? Des auteurs tels que Denis Roche ou Christian Prigent amorcent en effet un nouveau rapport à l’écriture du poème, favorisant une poétique de la rupture — enjambement, syncope, recours au blanc — qui fait usage des ressources typographiques ; le rythme et la syntaxe s’en trouvent profondément modifiés, bouleversant de la même façon les frontières entre le « vers » et la phrase de « prose » (songeons aux recueils de J. Stéfan que sont PrOsÈMES ou Prosopées). Cette pratique de l’hybridité formelle se retrouve également récemment illustrée chez Liliane Giraudon (Le travail de la viande) et Nathalie Quintane (Tomates). Elle nous invite par ailleurs à poser la question suivante : pourquoi est-ce que ces « anti-poètes » s'obstinent à nommer « poésie » ce qu'ils ou elles tentent de faire ? 

Contre l’héritage trop pesant de siècles de poésie, d’autres auteurs vont forger leur pratique formelle en puisant des ressources auprès de régimes esthétiques sortant de l’espace livresque. Certaines spécificités des arts plastiques et visuels font ainsi irruption dans l’œuvre de Dominique Fourcade ou de Franck Venaille. Elles infléchissent de façon déterminante leurs expérimentations typographiques et leur façon d’inscrire le poème au sein de la page. L’expression de « lyrisme formel » (Yves di Manno) permet d’ailleurs de qualifier leurs productions respectives tant elles tendent vers une invention renouvelée de la forme, constamment adaptée au fond. Le lyrisme tant décrié et remis en question reprend ainsi un nouveau souffle dès lors qu’il prend appui sur des formes « nettoyées de tout poétisme », pour reprendre l’expression utilisée par Laurent Fourcaut à propos de Dominique Fourcade.

Au vu de ces différentes perspectives, il est légitime d’interroger les moyens par lesquels de telles réappropriations et inventions ont lieu ; recours aux expérimentations visuelles ? travail sur le mètre ? recherches rythmiques ? Comment, en définitive, parvient-on à créer de nouvelles formes poétiques, et ce à partir de « versions épuisées de formes » (J. Roubaud) ? Comment l’invention formelle parvient-elle à sublimer les reproches et les accusations formulés contre la poésie 

 

AXES DE RECHERCHE

Cette question pourra être abordée à propos du domaine littéraire francophone, et à partir d’axes de recherche variés, parmi lesquels :

 - Sur le plan métrique et prosodique, la référence à des formes anciennes (sonnet,    élégie, stances, etc.) donnant lieu à des réinterprétations originales et critiques.

- La question de l’hétérométrie, ainsi que la réappropriation ou l’invention de nouveaux mètres.

- La déstructuration syntaxique à l’œuvre dans le vers libre contemporain.

- L’hybridation du vers et de la prose en tant que phénomène créateur de formes inédites.

- L’étude des effets visuels et rythmiques obtenus par l’usage de la typographie et l’inscription du poème sur la page.

 Nous accueillons les contributions qui tentent de répondre à ces questions dans une perspective globale ainsi que les études de cas consacrées à des poètes individuels, les micro-lectures étant les bienvenues.

 

CALENDRIER

Date limite pour les propositions (500 mots maximum) :  15 octobre 2021.

Une réponse sera apportée par le comité scientifique le 1er novembre. 

Les articles rédigés devront être envoyés pour le 1er février 2022. 

Contact : scunescu@uliege.be

 

Comitié scientifique éditorial : 

Gérald Purnelle (ULG)

Michel Delville (ULG)

Vera Viehöver ( ULG)

Jan Baetens (KUL)

Laurent Demoulin (ULG)

 

Bibliographie : 

Baetens, Jan : «  Crise du vers, crise de la poésie, crise du poème : pour une approche sémiotique » in Revue Balises  n° 3 /4,« Crise de vers », Didier Devillez, 2004.

Boulanger, Pascal : Une « Action poétique » de 1950 à aujourd'hui, Paris, Poésie/Flammarion, 1998.

di Manno, Yves : « Un lyrisme formel », in Revue Catastrophes (n°27), URL :https://revuecatastrophes.wordpress.com/2020/11/17/choses-qui-gagnent-a-etre-lues-2/

Fourcaut, Laurent : L’Œuvre poétique de Dominique Fourcade. Un lyrisme lessivé à mort du réel, Paris, coll. Classiques Garnier, 2019.

Purnelle, Gérald : — « Rénovation de rites : de la critique du vers au vers critique. » in Revue Balises 3 /4 « Crise de vers », Didier Devillez, 2004 

      — « Le vers contemporain : recherches et innovations en France dans les années 80 et 90 », in Formes poétiques contemporaines n°1, Les Impressions nouvelles, 2003.

Rossi, Paul-Louis : Faïences, Paris, Flammarion, 1995.

Roubaud, Jacques : Poétique. Remarques. Poésie, mémoire, nombre, temps, rythme, contrainte, forme, etc., Paris, Seuil, 2016.

Formes poétiques contemporaines n°4 : « Prose », Les Impressions nouvelles, 2004.

Formes poétiques contemporaines n°13 : « La phrase », Presses universitaires de Liège, 2018.   

Prose/Poésie, circulations ?, collection Biennale Internationale des Poètes en Val-de-Marne (dir. Henri Deluy), Paris, Fourbis, 1998. 

Revue de littérature générale 95/1 (sous la direction de Pierre Alferi et d’Olivier Cadiot) : « La Mécanique lyrique », Paris, POL, 1995.