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Congrès 2022 de l’AFEA :

Congrès 2022 de l’AFEA : "Légitimité, Autorités, Canons". Atelier Cultures Populaires: "Les destinées historiques comme fondement de la légitimité : le genre biographique dans la culture populaire des États-Unis d’Amérique"

Publié le par Marc Escola (Source : Danièle André)

Congrès 2022 de l’AFEA (Association Française d'Études Américaines USA) : « Légitimité, Autorités, Canons »

31 Mai- 3 Juin 2022, Université Bordeaux Montaigne (France)

Atelier Cultures Populaires des États-Unis d'Amérique

Les destinées historiques comme fondement de la légitimité : le genre biographique dans la culture populaire des États-Unis d’Amérique

Entre 2000 et 2021, onze des lauréats de l’Oscar du meilleur acteur ont été récompensés pour leur incarnation d’un personnage historique, dont sept pour des films clairement identifiés comme biographiques. Sur la même période, quatre des films récompensés par un Oscar du meilleur film, et trente-trois des cent cinquante et un candidats à la statuette, étaient des biopics. Depuis 2017, la série biographique de Netflix The Crown a été nommée quatre fois pour le Golden Globe et l’Emmy Award de la meilleure série dramatique, et a raflé quatre de ces prix.

Le genre biographique, en associant la pseudo-légitimité historique du film d’époque au goût du grand public pour les récits de destinées exceptionnelles, occupe une place de choix à Hollywood et dans la culture populaire au sens large : films et séries, mais aussi romans traditionnels ou graphiques, musique (on pensera par exemple aux chansons « Hurricane » et « Joey », de Bob Dylan, ou à « Candle in the Wind » d’Elton John), comédies musicales (telles qu’Evita, Beautiful: The Carole King Musical, ou plus récemment Hamilton) et même jeu vidéo (des jeux autobiographiques tels que That Dragon, Cancer de Ryan Green ou les jeux de Nina Freeman Cibele, How Do You Do It ou We Met in May, se basent sur la vie de leurs programmeur.se.s pour explorer des thématiques universelles).

Le genre en lui-même est fondé sur la réécriture et la romantisation des faits, qui permettent aux fictions biographiques de transformer le récit historique en un récit accessible au grand public, mais aussi bankable. Tout comme la fiction historique, il se rapproche parfois d’une forme de vulgarisation, mais en se focalisant sur un individu en particulier, il favorise l’identification et permet ainsi plus aisément au public de s’investir émotionnellement dans le récit qu’il déploie. Or on peut s’interroger sur les grandes figures qui sont ainsi mises en avant et, dans une certaine mesure, mythifiées. Des personnalités de différents milieux (arts, politique, sciences…) se voient ainsi transformées en héros et héroïnes de la fiction. Les récits biographiques explorent et reconstruisent leur passé afin de comprendre comment ils et elles sont devenu.e.s des « grands noms », appartenant même à la culture générale, mais s’attaquent aussi au côté sombre de la société américaine en se penchant sur des tueur.se.s en série (Jeffrey Dahmer, Ted Bundy, Aileen Wuornos...) ou sur d’autres figures criminelles (on pensera ainsi à la popularité du genre du true crime dans la littérature, les émissions de télévision ou de radio et les podcasts, ou aux séries Netflix Narcos ou Mindhunter). Dès lors, on peut se demander quel est l’objectif du genre biographique dans la culture populaire : s’il semble souvent chercher à construire des modèles, qui viendront par exemple nourrir la valeur fondatrice du self-made (wo)man, comment penser dans ce cadre les nombreuses fictions biographiques sur les tueur.se.s en série, et inversement le nombre restreint de fictions portant sur des personnalités appartenant au monde de la science (et dont la plupart propagent le stéréotype du « génie solitaire » qui peine à s’intégrer à la société) ?

On pourrait également s’interroger sur les individus qui ne sont pas représentés, ou qui l’ont été tardivement. La question des femmes dans le genre biographique se pose par exemple : sont-elles autant représentées que les grandes figures masculines, et le sont-elles de la même manière (une interrogation abordée par Raphaëlle Moine dans Vies héroïques : biopics masculins, biopics féminins) ? Qu’en est-il des minorités de manière générale ? On pourrait par exemple s’intéresser à des films tels que Les Figures de l’ombre, Nina ou Harriet, qui se focalisent sur des figures de femmes noires tout en dénonçant les discriminations raciales historiques aux États-Unis, et se demander si la représentation de figures historiques de femmes noires, et de personnes afro-américaines plus généralement, ne serait pas, pour le cinéma hollywoodien, une manière de dépasser les critiques du mouvement #OscarsSoWhite, tout en  n’offrant la représentation qu’à des figures consensuelles (on pensera par exemple au nombre important de biopics hollywoodiens portant sur des figures noires de sportifs ou de musicien .ne.s, déjà connues du grand public). On pourra également s’interroger sur la représentation limitée qui est offerte à certaines minorités, notamment les personnes asio-américaines, ou les personnes LGBTQI+.

Enfin, la fiction biographique est un genre qui entretient le lien très fort entre littérature et cinéma : le récit biographique passe souvent de la page à l’écran, ou se focalise sur des grands noms de la littérature, mettant souvent l’accent sur ce qui, dans leur vie, a pu inspirer l’écriture de leurs textes les plus célèbres (une thématique explorée par Hilda Shachar dans Screening the author: The Literary Biopic). Au-delà des nombreuses biographies littéraires adaptées en film, on peut également mentionner des romans graphiques et bandes-dessinées telles que American Splendor ou encore My Friend Dahmer. L’ancrage du genre dans la littérature pourrait être une manière de revendiquer sa propre légitimité, de s’appuyer sur une base solide, plus respectée que d’autres média, et qui donnerait ainsi une dimension « sérieuse » au récit proposé. La question qui se pose alors est celle du canon : comment la fiction biographique met-elle de côté la réalité historique stricte afin de s’adapter aux codes des différentes formes qu’elle adopte ? Certains aspects de la réalité historique sont-ils systématiquement effacés dans la construction du récit biographique, et pourquoi ? Dans Time Out, le critique de cinéma Dave Calhoun a ainsi résumé Bohemian Rhapsody à « an act of brazen myth-making. Facts and chronology are tossed aside in favor of a messianic storyline... », une critique acerbe qui souligne le rapport complexe qu’entretient la fiction biographique avec ses propres codes.

Les pistes de réflexion suivantes, non-exhaustives, pourront être explorées :

- Quelles sont les formes que prend la fiction biographique ? Comment s’adapte-t-elle aux différents média dans lesquels elle s’incarne ?

- La fiction biographique se penche-t-elle sur des figures qui font autorité dans leur secteur, ou permet-elle de créer de nouvelles figures d’autorité en permettant au public de s’approprier leurs parcours de vie au travers de la fiction populaire ?

- Dans quelle mesure la fiction biographique, en mettant en avant des faits historiques et des grandes figures du roman national, permet-elle à la culture populaire de revendiquer sa légitimité ?

- Quel rapport entretient-elle avec la chronologie ? Comment la réorganisation, voire la réécriture, de faits historiques favorise-t-elle la construction de grandes figures mythifiées ?

- Inversement, la fiction biographique a-t-elle évolué au fil du temps, à la fois dans son écriture et dans les figures qu’elle met en valeur ? Existe-t-il des biopics oubliés, qui promouvaient des figures aujourd’hui reconnues comme étant dangereuses pour la société ?

- Comment la fiction biographique portant sur des figures d’artistes souligne-t-elle, ou accentue-t-elle les liens entre la biographie de l’artiste et son œuvre ? Quelle place occupent les jukebox musicals tels que Beautiful: A Carol King Musical ou Rocketman dans cette catégorie ?

- Le genre biographique est-il compatible avec le média du jeu vidéo ? Pourquoi existe-t-il si peu de jeux vidéos biographiques et pourquoi la plupart d’entre eux relèvent-ils davantage de l’autobiographie des programmeur.se.s ? Comment le gameplay permet-il aux joueur.se.s de s’impliquer pleinement dans un récit qui appartient d’office à quelqu’un d’autre ?

- De manière plus générale, la fiction biographique parvient-elle à se faire une place dans d’autres formes de jeux (jeux de rôle, GN…) ?

- Quelle place occupent les minorités dans les fictions biographiques ? Sont-elles un moyen d’offrir de la visibilité à des groupes sociaux longtemps peu représentées, ou une façon, notamment pour le cinéma hollywoodien, de se prétendre inclusif tout en s’assurant de n’offrir de la visibilité qu’à des figures faisant consensus ?

- Qu’en est-il des biopics fictionnels, ces œuvres qui racontent la vie de personnages qui n’ont existé que dans des œuvres de fiction en s’appuyant sur le canon d’un genre installé ?

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Dans une perspective transdisciplinaire, l’atelier est ouvert à toutes les approches qui permettront de comprendre les questions soulevées. Les propositions (300 à 500 mots environ) pourront mettre en avant conjointement différents champs d’études, de cadres théoriques et d’approches. Elles sont à envoyer, avec une courte biographie,  conjointement à Jeanne Ferrier (ferrierjeanne@gmail.com) et à Danièle André (daniele.andre.univ.larochelle@gmail.com) pour le 17 janvier 2022 au plus tard.

Veuillez noter s’il vous plait, que pour pouvoir présenter une communication, vous devez être membre de l’AFEA (Association Française d’Études Américaines) ; et donc être à jour de la cotisation (environ 60 euros en fonction de votre statut), ainsi qu’avoir réglé les frais d’inscription au colloque (environ 60 euros).

Les présentations peuvent se faire en français ou en anglais.