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"L’historien d’art, faiseur de temps". Conf. d'Audrey Rieber (Lausanne)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Carole Maigné )

Audrey Rieber, MCF à l’ENS de Lyon / IHRIM UMR 5317

Conférence à l'invitation de Mme Carole Maigné 

Mercredi 6 octobre 2021, 16h15-18h / Anthropole 5196

L’historien d’art, faiseur de temps


L’historien aux prises avec l’art procède à un ordonnancement de son matériel : il sépare l’art de ce qui n’en est pas, discrimine les œuvres significatives de celles qui le sont moins, distingue des formes, des styles, des écoles et procède à des attributions. Mais sa tâche la plus importante est d’organiser les œuvres dans l’histoire, c’est-à-dire non de les épingler sur un axe chronologique (de les dater), mais de concevoir le type de temporalité qui permet de les appréhender. Telle est la position forte de George Kubler (1912-1996) qui, dans son ouvrage-manifeste de 1962, The Shape of Time. Remarks on the History of Things, soutient que « la contribution spécifique de l’historien est de découvrir les diverses formes du temps » ou que « le sujet de l’histoire est le temps ». 

La conférence exposera les problèmes spécifiques auxquels est confronté G. Kubler en tant que spécialiste des arts précolombiens et ibéro-américains, c’est-à-dire de cultures pour lesquelles les données sont définitivement et dramatiquement lacunaires – raison pour laquelle il est conduit à faire jouer l’anthropologie contre l’iconologie d’un Erwin Panofsky. Américain, mais formé par Henri Focillon à Yale et connaisseur de la tradition allemande de la Kunstgeschichte, Kubler donne aussi l’occasion de voir comment s’interconnectent plusieurs conceptions de l’art et de l’histoire.

Parmi les différents modèles temporels qu’il propose pour penser le devenir culturel, il vaut d’insister sur un étonnant modèle mathématique : celui de la théorie des graphes. 

L’enjeu de cette réflexion sur les formes temporelles instaurées par l’historien de l’art est épistémologique puisqu’il s’agit de penser une cohérence historique des artefacts et de les assembler en un tout signifiant. L’enjeu est aussi pratique car l’ordonnancement des objets culturels engage la façon dont nous construisons un passé. La préhistoire constitue, de ce point de vue aussi, un cas particulièrement délicat. 

Crédits illustration : Henry Moore, Ideas for Sculpture (1929). Art Gallery of Ontario, Toronto © The Henry Moore Foundation. All Rights Reserved