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Appels à contributions

"Comme une espèce de nécessité physique". Geste, mouvement, déplacement chez Jean Echenoz (Tartu, Estonie)

Publié le par Marc Escola (Source : Sara Bédard-Goulet )

Appel à communication au colloque 

« Comme une espèce de nécessité physique ». 

Geste, mouvement, déplacement chez Jean Echenoz

4-5 mai 2020, Université de Tartu

 

Identifiée comme « géographique », l’œuvre de l’auteur contemporain français Jean Echenoz, quoique comportant maintenant des ouvrages plus historiques, s’élabore sans aucun doute autour des lieux, qui y tiendraient une place aussi importante que les personnages. Ces lieux, qu’on a pu concevoir comme vides, multiplient dans tous les cas les opportunités de déplacement, comme en témoignent les nombreux personnages voyageurs qui peuplent cette œuvre. Néanmoins, peu d’attention a été portée jusqu’à maintenant à l’évolution des corps dans les récits échenoziens et à leur gestuelle. Or, mouvements, déplacements, gestes en constituent un élément essentiel, tels qu’ils apparaissent sous forme de rythmes, poursuites, itinéraires, pratiques, etc. Des gestes concrets posés par les musiciens dans Au piano (2003) et Ravel (2006) à « l’esquive ontologique » que constitue les disparitions de Gloire dans Les Grandes blondes (1995) et de Victoire dans Un an (1997), les personnages présentent une variété de manières d’être et de se mouvoir.

Aussi, souhaitons-nous interroger le geste, le mouvement et le déplacement dans l’œuvre d’Echenoz, dans leur représentation, permettant de penser une époque et sa théâtralité, mais aussi, plus largement, dans le processus d’élaboration des textes, de leur production (écriture, édition, traduction, etc.) à leur réception (lecture, critique, adaptation, etc.). On peut ainsi s’attarder au geste de l’écrivain, dans sa retenue comme dans son affirmation, dans son remploi du cinéma, son détournement de genres considérés comme mineurs, qui créent un style singulier, marqué par l’ironie et le jazz. Les gestes posés dans le contexte de réception de cette œuvre présentent également un intérêt propre : ceux des lecteurs, par exemple, comme la forme de déplacement opérée par ses traducteurs ou ses éditeurs – Jérôme Lindon (2001) constitue en cela un témoignage unique.

Pour ce colloque, les pistes de recherche (non exhaustives) suivantes peuvent être envisagées :

1. Geste, style, rythme

Bien que considéré comme « un mouvement pour lequel il n’y a pas d’explication causale satisfaisante » par Vilém Flusser, le geste n’en est pas moins essentiel et serait, au même titre que le style, déjà une idée selon Marielle Macé, partie prenante d’une « invention de soi ». Qu’il s’agisse de lire, de se déplacer ou de mourir, le geste est politique : il opère au sein des dispositifs de pouvoir foucaldiens, parfois pour les détourner et se réapproprier les espaces disciplinés. Prenant naissance dans le corps, le geste s’entend aussi au figuré ; aussi peut-on considérer le roman comme un geste critique, d’engagement, s’intéresser, par exemple, aux gestes que posent les théoriciens de la littérature vis-à-vis de leurs objets.

2. Mouvement, pratiques corporelles, kinésie

Objet d’étude privilégié de l’anthropologie depuis les travaux fondateurs de Marcel Mauss, les pratiques corporelles renvoient à des manières d’être spécifiques, la forme qualifiant l’existence, mettant en jeu la singularité du sujet. L’étude de la corpographèse, de « l’inscription du sens sur le corps autant que l’inscription du corps comme sens », insiste sur la nécessité et l’importance de s’intéresser aux écritures du corps et de ses mouvements. De même, l’analyse de la corporéité dans le récit littéraire montre qu’elle donne un accès essentiel à l’œuvre, les informations kinésiques de celle-ci étant liées à sa problématique centrale. En effet, le geste ayant valeur d’énonciation, son sens peut être perçu par le corps du lecteur.

3. Déplacement, transit, transformation

L’individu contemporain appareillé, qui ne fait pas un pas sans ses prolongements technologiques, souligne la relation étroite de l’humain à la technique, ce qui ne va pas sans affecter sa manière de se mouvoir. Cette relation dessine un certain rapport de l’individu au monde, dont la portée rejoint celle des « arts de faire » décrits par Michel de Certeau dans son enquête des pratiques quotidiennes. Notre époque est aussi celle des transits en tout genre : des personnes, des marchandises, des images, de l’information, lesquels ne vont pas sans une certaine transformation, une forme d’adaptation, visible notamment dans les représentations littéraires du voyage et dans leurs traductions.

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Cet appel à communication s’adresse principalement aux professeurs, chercheurs et étudiants des cycles supérieurs en études littéraires. Les présentations, d’une durée de 20 minutes, pourront être faites en français ou en anglais. Les propositions seront reçues jusqu’au 15 novembre 2019, par courriel, à l’adresse suivante : sara.bedard-goulet@ut.ee.

Elles devront être composées du titre de la conférence, d’un descriptif de 10 à 20 lignes, du nom du conférencier ou de la conférencière, de son affiliation institutionnelle et de son statut, ainsi que de son adresse courriel. Une réponse sera rendue avant le 1er décembre 2019. Les frais de déplacement et de séjour devront être pris en charge par les participants.

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Cet événement est jumelé au festival de littérature étrangère de Tartu (Prima Vista : https://kirjandusfestival.tartu.ee/et), où une rencontre avec Jean Echenoz est prévue le 5 mai 2020 et à laquelle seront conviés les participants au colloque.