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La fabrique journalistique des célébrités. Vedettariat, presse et culture médiatique dans la francophonie nord-atlantique

La fabrique journalistique des célébrités. Vedettariat, presse et culture médiatique dans la francophonie nord-atlantique

Publié le par Marc Escola (Source : Mélodie Simard-Houde)

Appel à communications (colloque)

La fabrique journalistique des célébrités
Vedettariat, presse et culture médiatique dans la francophonie nord-atlantique 
(XVIIIe-XXIe siècles)

Université de Toronto, Canada
27 et 28 avril 2023

Comité organisateur
Adrien Rannaud, Université de Toronto
Mélodie Simard-Houde, Université du Québec à Trois-Rivières

Comité scientifique
Olivier Bara, Université Lumière Lyon 2
Stéfany Boisvert, Université du Québec à Montréal
André Gunthert, École des hautes études en sciences sociales
Marie-Pier Luneau, Université de Sherbrooke
Will Straw, Université McGill

Selon Antoine Lilti, la culture de la célébrité moderne apparaîtrait en Europe dès la seconde moitié du XVIIIe siècle sous le coup d’une « première révolution médiatique[1] ». Dans cette perspective, l’histoire de la célébrité serait indissociable de celle de la presse, plus encore à partir du XIXe siècle, qui constitue le cadre de réalisation de ce qu’on nomme la « civilisation du journal[2] ». On sait que les quotidiens, revues et autres périodiques alimentent dès la décennie 1830 un régime de l’actualité fondé sur la chose vue et sur la récurrence de signatures, de noms et de figures publiques[3]. Au cours de la deuxième moitié du siècle, plusieurs mutations médiatiques déterminantes influent sur les représentations de la célébrité en accentuant « la place accordée à l’individu dans les discours d’information[4] », telle l’invention du reportage et de l’interview, qui fait suite au développement du portrait comme genre journalistique. C’est aussi la naissance de la presse mondaine française (Figaro, Gil Blas) et, du côté nord-américain, au croisement de la presse mondaine et du news magazine, d’une presse people qui nourrit l’intérêt des lecteurs·trices pour les vedettes artistiques, culturelles, littéraires, sportives et politiques. Au XXe siècle et plus particulièrement à partir de l’entre-deux-guerres, l’image photographique y est reine : elle s’accompagne de rubriques et de textes qui empruntent au potin ou au récit biographique, lorsqu’il ne s’agit pas de confidences et d’entretiens avec les stars. Fourmillant de scripts, de postures et de figures topiques (métaphores de la lumière et de l’ombre, analyse de la mystique du lien entre fans et vedettes, scénographie du true success), le journalisme du vedettariat mise désormais sur la porosité entre l’intime, le notoire et le spectaculaire, dans un rapport à la fois conflictuel et complémentaire avec les médias audiovisuels et radiophoniques. Aujourd’hui, on peut supposer que la presse écrite et, dans une mesure similaire mais dont les contours resteraient à étudier, les médias numériques (comme les tabloïds en ligne), offrent un relais et un espace de concrétisation du capital symbolique des vedettes d’Internet et des réseaux sociaux (influenceur·seuses, Youtubeur·euses), en permettant aux individus connus d’accéder à une autre communauté d’interprétation que garantirait la sphère, spécialisée ou généraliste, des médias journalistiques. En ce sens, et en tablant sur le large terrain d’enquête que constitue l’aire francophone nord-atlantique, le colloque entend inviter les chercheur·euses à raffiner notre compréhension des rapports qu’entretiennent la presse, la culture médiatique et la célébrité, depuis la seconde moitié du XVIIIe siècle jusqu’à nos jours.

L’histoire des périodiques et de la culture médiatique francophones nord-atlantiques bénéficie depuis plusieurs années d’un regain d’intérêt, que ce soit en France, en Belgique, en Suisse ou au Québec. Notamment, les développements de l’histoire littéraire et culturelle de la presse, informés par l’histoire de la communication et l’étude de la vie culturelle[5], ont contribué à un renouvellement historiographique d’une grande ampleur. De la même façon, l’étude de la culture de la célébrité et des mécanismes de construction et de pérennisation d’un capital de visibilité[6] connaît un engouement certain. Le colloque croisera ces deux courants de recherche actuels, en cherchant à tisser des liens entre notre connaissance des poétiques journalistiques, les représentations écrites et visuelles des figures publiques, et les pratiques de consommation à l’œuvre dans les médiascultures. On interrogera également la coprésence, la synergie ou l’opposition des divers imaginaires médiatiques[7] de la célébrité, en privilégiant une approche comparative permettant, notamment, de mettre en regard plusieurs pratiques, supports et discours sur un même sujet célèbre[8], et en confrontant les différents espaces géographiques qui constituent la francophonie nord-atlantique sur les plans médiatique, culturel et linguistique. On pourra en ce sens interroger la circulation et la viralité des représentations de certaines célébrités, qui traversent l’Atlantique et les frontières ou, inversement, les résistances et obstacles à leur exportation et appropriation à l’étranger. L’approche résolument interdisciplinaire permettra quant à elle de réunir plusieurs champs d’expertise dans la perspective d’une histoire intégrée de la célébrité dans la presse : études littéraires et culturelles, histoire, études de l’imprimé et de la culture visuelle, communication, sociologie de la culture, études féministes et sur le genre. 

S’il renvoie d’abord et avant tout au petit monde des people, le terme « vedettariat » est ici employé dans un sens large afin de considérer toutes les facettes et sphères d’activité publique couvertes par les figures connues : aussi s’intéressera-t-on tout autant aux mondes littéraire, artistique et culturel, mais également aux processus médiatiques de « starification » des individus sportifs de haut niveau, des figures criminelles ou encore des personnalités politiques.

En abordant la culture de la célébrité par le prisme des imprimés périodiques et des pratiques d’écriture et de lecture qui marquent la culture médiatique, le colloque poursuit trois objectifs principaux : 

1) Éclairer les différents espaces journalistiques (supports, rubriques, genres, etc.) de production, de médiation et de réception de la célébrité à partir de la presse;
2) Mettre en évidence des stratégies d'écriture, des thèmes et des figures propres à la culture de la célébrité en vue d’approfondir notre compréhension des dynamiques de modélisation à l’œuvre dans un espace journalistique francophone mondialisé[9];
3) Identifier des lignes de fracture, des configurations plus larges et des spécificités géographiques, politiques et culturelles en vue de bâtir une histoire francophone nord-atlantique de la célébrité à partir des journaux, revues et magazines.

En faisant dialoguer les études de cas et les analyses plus systématiques, on cherchera à répondre notamment aux questions suivantes :

– Quels sont les pratiques, les poétiques et les supports journalistiques qui sont investis par les journalistes du vedettariat afin de mettre en scène et de raconter les célébrités ?
– Quels scripts ou motifs jalonnent la vedettarisation des individus dans les écritures de presse ?
– Comment fiction et non-fiction s’entrelacent-elles dans les représentations médiatiques de la célébrité ?
– Comment les journaux et magazines favorisent-ils la circulation, l’agrégation ou la confrontation de plusieurs représentations et discours critiques sur le phénomène de la célébrité ?
– Existe-t-il un imaginaire médiatique de la célébrité distinct en France ? Au Québec ainsi que dans les autres espaces francophones états-uniens et canadiens ? En Belgique ? En Suisse ?
– De quelle manière la culture de la célébrité dans l’aire francophone nord-atlantique se différencie-t-elle de celle qui régit le monde anglophone, particulièrement aux États-Unis, au Canada et au Royaume-Uni ?

Les propositions de communication (de 250 mots maximum), de même qu’une notice biographique (100 mots environ) doivent être envoyées avant le 1er juin 2022 à l’adresse suivante : Adrien.Rannaud@utoronto.ca.

Une réponse sera rendue avant la fin de juin 2022.

Notes :
 
[1] Lilti, Antoine, Figures publiques. L’invention de la célébrité, 1750-1850, Paris, Fayard, 2014, p. 75 et suivantes.
[2] Kalifa, Dominique et al. [dir.], La civilisation du journal. Histoire culturelle et littéraire de la presse française au XIXe siècle, Paris, Nouveau monde, 2011.
[3] Thérenty, Marie-Ève, La littérature au quotidien. Poétiques journalistiques au XIXe siècle, Paris, Seuil, coll. « Poétique », 2007.
[4] Wrona, Adeline, Face au portrait. De Sainte-Beuve à Facebook, Paris, Hermann Éditeurs, 2012, p. 20.
[5] Cambron, Micheline [dir.], dossier « L’indiscipline de la culture », Globe. Revue internationale d’études québécoises, vol. 15, n° 1-2, 2012, p. 13-382; Cambron, Micheline [dir.], dossier « Pour une médiapoétique du fait divers. Le cas de l’affaire Lindbergh », COnTEXTES, n° 24, 2019, [en ligne] https://journals.openedition.org/contextes/7961; Blandin, Claire [dir.], Manuel d’analyse de la presse magazine, Paris, Armand Colin, 2018.
[6] Heinich, Nathalie, De la visibilité. Excellence et singularité en régime médiatique, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des sciences humaines », 2012.
[7] Pinson, Guillaume, L’imaginaire médiatique. Histoire et fiction du journal au XIXe siècle, Paris, Classiques Garnier, coll. « Études romantiques et dix-neuvièmistes », 2012.
[8] Pensons, en plus du dossier dirigé par Cambron et mentionné précédemment, au livre rédigé par un collectif interuniversitaire sur l’enlèvement du bébé Lindbergh : Roy Pinker, Faire sensation. De l’enlèvement du bébé Lindbergh au barnum médiatique, Marseille, éditions Agone, coll. « Contre-feux », 2017. 
[9] Pinson, Guillaume, La culture médiatique francophone en Europe et en Amérique du Nord : de 1760 à la veille de la Seconde Guerre mondiale, Québec, Presses de l’Université Laval, coll. « Cultures québécoises », 2016.