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Perspectives dix-neuviémistes : Chine-France et retour 从十九世纪的视野出发:中法之间 Perspectives on and from the 19th Century: from China to France and back (Univ. Fudan, Shangai)

Perspectives dix-neuviémistes : Chine-France et retour 从十九世纪的视野出发:中法之间 Perspectives on and from the 19th Century: from China to France and back (Univ. Fudan, Shangai)

Publié le par Marc Escola (Source : Gaultier Roux)

Chine-France et retour 从十九世纪的视野出发:中法之间

Perspectives on and from the 19th Century: from China to France and back

Université Fudan, Shanghai, 18-20 novembre 2021, 

 

Ce colloque a pour point de départ un constat : il existe un double champ d’études dix-neuviémistes, en Chine pour le domaine français, et en France pour le domaine chinois ; or ceux-ci communiquent peu et ne sont pas organisés en réseaux ou groupes de travail. En outre, comme le prouve le nombre croissant d’étudiants chinois effectuant en France leurs études de deuxième et de troisième cycle, il existe un véritable foyer d’études sur le XIXe siècle dans le contexte de l’interculturalité sino-française.

La période considérée pour ce colloque sera le « grand XIXe siècle », de la Révolution française à la Première Guerre mondiale, autrement dit de la fin du règne de l’empereur Qianlong (乾隆, mort en 1799) au contexte de l’avènement de la République de Chine (中華民國, proclamée en 1912).

Les études chinoises sur XIXe siècle français et réciproquement, ainsi que l’étude des transferts culturels, se sont considérablement développées ces dix dernières années. Si on a pu parler d’« Europe chinoise [1] », c’est principalement en raison de phénomènes qui sont initiés au siècle des Lumières. C’est cependant bien au XIXe siècle que Chine et France se rencontrent véritablement, au travers de l’intensification de leurs contacts et échanges, mais aussi par leurs conflits (seconde guerre de l’opium, 1856-1860, guerre franco-chinoise, 1881-1885, révolte des Boxers, 1899-1901) et les traités qui en sont la conséquence. À l’enthousiasme d’un Leibniz et d’un Voltaire pour une Chine commençant à se dépouiller de son caractère merveilleux, succède une Chine qui deviendra « le pays du réel » de Victor Segalen [2]. La dissolution de la Compagnie de Jésus en 1773, puis sa restauration, mais encore les deux Révolutions industrielles, ainsi que le mouvement de concurrence impérialiste des puissances occidentales, sont autant de causes directes de la modification des rapports entre France et Chine, au niveau diplomatique et commercial en premier lieu, puis au niveau des échanges intellectuels et artistiques.

La signature du Traité de Huangpu (黄埔条约) le 24 octobre 1844 marque un pivot dans les relations sino-françaises. Par ce traité inégal, la Chine octroie à la France des privilèges analogues à ceux déjà accordés au Royaume-Uni par le traité de Nanjing deux ans plus tôt. L’ère des concessions est née : la Chine ouvre cinq ports au commerce français (Canton, Fuzhou, Ningbo, Shanghai et Xiamen), garantit des droits de douanes fixes, protège les postes consulaires et les missionnaires français. En parallèle, le « mouvement d’auto-renforcement » (自强運動, 1861-1895) met en œuvre aussi bien des réformes commerciales que des transferts de technologie : la construction et l’organisation des arsenaux de Ningbo et Fuzhou sont ainsi confiées à des administrateurs français. Si la concession de Shanghaï, créée en 1849, demeure dans les mémoires à travers de nombreuses œuvres littéraires et cinématographiques, la France en établit également trois autres : Shamian (à Canton) en 1859, puis Tianjin et Hankou (Wuhan) en 1861. Ces avant-postes de la France sont, en un sens, complétés par la légation à Beijing, mais aussi par les réseaux missionnaires catholiques, jésuite comme lazariste. D’Évariste Huc (古伯察, 1813-1860) à Séraphin Couvreur (顾赛芬, 1835-1919), certains missionnaires accomplissent une œuvre sinologique de premier plan.

En France, on voit plusieurs générations de sinologues majeurs se succéder : Jean-Pierre Abel-Rémusat (1788-1832), Stanislas Julien (1799-1873), Léon d’Hervey de Saint-Denys (1822-1892), Édouard Chavannes (1865-1918) enfin, instituant une présence continue de la langue et de la civilisation chinoises au Collège de France. En Chine, la Réforme des Cent Jours (戊戌变法, 11 juin 21 – septembre 1898) initiée par l’empereur Guangxu (光绪, 1871-1908) et menée par Kang Youwei (康有为, 1858-1927) illustre à la fois le désir d’une élite minoritaire de réformer un régime politique anachronique et la porosité des idées occidentales en Chine. C’est d’ailleurs au même moment que Lin Shu (林紓, 1852-1924) traduit, à l’aide de collaborateurs, la première œuvre littéraire française diffusée en chinois : La Dame aux Camélias, d’Alexandre Dumas fils (1848).

Ainsi, au XIXe siècle, émergent successivement une approche économique, diplomatique voire militaire, puis scientifique, et enfin littéraire de la Chine par la France : en 1895, Paul Claudel est nommé au consulat de Shanghai [3] ; en 1900, Pierre Loti est témoin de la guerre des Boxers [4] ; bientôt, Segalen découvrira la Chine (1909). Il n’est d’ailleurs pas anodin que ces premiers écrivains français en Chine soient militaires ou fonctionnaires. Simultanément, Chen Jitong (陈季同, 1851-1907), ayant étudié le français à l’école du port ouvert de Fuzhou sous la férule de Prosper Gicquel (日意格, 1835-1886), accompagne Shen Baozhen (沈葆祯, 1829-1879) dans son voyage en Europe en 1896, puis revient en France où il sera étudiant à l’Institut des Sciences politiques, avant de devenir diplomate à l’ambassade de Chine en France de 1884 à 1891.

Personnes, textes et objets circulent ainsi de plus en plus abondamment, en parallèle des flux de marchandises [5] ; les savoirs s’affirment, la connaissance mutuelle se précise mais en même temps l’imaginaire connaît également un nouveau développement, notamment dans sa dimension la plus caricaturale. Alors que le XIXe siècle français redécouvre son passé, les intellectuels et artistes, de Théophile Gautier [6] (1811-1872) à Louis-Hyacinthe Bouilhet [7] (1821-1869) ou encore Théodore Hannon (1851-1916) pour le domaine belge [8], se réapproprient et réinventent la chinoiserie du siècle précédent, tandis que dans la population française, l’alphabétisation croissante et le développement du journal illustré contribuent à cristalliser des représentations stéréotypées de la Chine [9].

Le colloque se situera donc en premier lieu dans la lignée d’ouvrages récents qui étudient le contexte et ses phénomènes singuliers, dans les différents domaines des sciences humaines. On pense à Littérature française et Culture chinoise [10], par Yvan Daniel, à Idées de la Chine au XIXe siècle : entre France et Allemagne, dirigé par Marie Dollé et Geneviève Espagne [11], ou encore aux approches de la poésie chinoise en France [12], ou encore à la présence du référent chinois sur la scène théâtrale française [13]. L’approche historique ne sera pas en reste, qu’elle adopte une posture à la croisée de la géographie [14] ou de l’histoire de l’art [15]. Par ailleurs, le XIXe siècle se prolonge dans le XXe siècle : la réception des auteurs français en Chine a influencé, diversement, la littérature chinoise moderne et contemporaine : ce sont Balzac [16], Stendhal [17], ou encore Baudelaire [18], pour n’en citer que quelques-uns. L’actualité éditoriale de l’année 2021 n’est pas sans prouver cet intérêt, en Chine, pour la littérature, les arts et les idées du XIXe siècle [19]. La traduction n’est d’ailleurs pas en reste [20]. Le champ est donc dynamique, large aussi bien qu’ouvert.

L’objectif de ce colloque est donc de réunir autour de leurs travaux respectifs des dix-neuviémistes sinophones comme francophones, et en particulier les dix-neuviémistes chinois travaillant sur le domaine français ou inversement, ainsi que toute chercheuse, tout chercheur ayant une approche transversale de ces espaces culturels et géographiques dans les sciences humaines.

L’appel à communications est ouvert, sans restriction, à des propositions ressortissant aux littératures française et chinoise, à la littérature comparée, aux études de réception et à la traductologie, mais encore à l’histoire, à la philosophie, à l’histoire des arts et à la musicologie. Notre but est en premier lieu d’établir une cartographie de la recherche croisée entre Chine et France sur le dix-neuvième siècle. Les organisateurs de ce colloque espèrent, ce faisant, créer un réseau de chercheurs dix-neuviémistes francophones basés en Chine, non sans interconnexions avec la France et les pays francophones. Notre large spectre au sein des Humanités cherche enfin à susciter des approches transversales et originales, tout en conservant un intérêt profond pour les recherches à caractère monographique.

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Comité scientifique :

Véronique Bui, Maîtresse de Conférences, Littérature française, Université du Havre

Yvan Daniel, Professeur, Littérature comparée, Université Clermont-Auvergne

Jin Siyan, Professeure, Sinologie, Université d’Artois

Li Hongtu, Professeur, Histoire moderne et contemporaine, Université Fudan

Jacques Neefs, Professeur émérite, Littérature française, Université Paris-VIII & Johns Hopkins University.

Zhang Yinde, Professeur, Littérature chinoise et comparée, Université Paris-III Sorbonne-Nouvelle

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Organisateur :

Gaultier Roux (鲁高杰), Maître de Conférences, Littérature française, Université Fudan

Correspondant pour la Chine de la Société des Études Romantiques et Dix-Neuviémistes

200433 上海市杨浦区国年路299号复旦大学外文学院文科楼311室

Fudan University College of Foreign Studies, Humanities Building 311, Guonian Road 299, Yangpu District, Shanghai 200433, People’s Republic of China

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Calendrier :

Les propositions de communication (300-500 mots), pourvues d’un titre provisoire et accompagnées d’une brève notice biobibliographique, sont à envoyer avant le 31 juillet 2021 à l’adresse suivante : gaultierroux@fudan.edu.cn

31 juillet 2021 : date limite pour la réception des propositions de communication.

15 septembre 2021 : après évaluation par le comité scientifique, les personnes ayant proposé une communication sont informées de leur participation.

15 octobre 2021 : les participants remettent un résumé de leur communication de deux pages, en français ou en chinois, qui figurera dans la brochure du colloque.

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Modalités d’organisation :

Le colloque se déroulera en ligne pour des raisons indépendantes de notre volonté. L’organisation privilégiera le recours à Zoom et à Tencent Meeting dans des modalités qui seront exposées aux participants en octobre 2021.

Le colloque se déroulera en trois sessions, réparties sur autant de journées : les jeudi 18, vendredi 19 et samedi 20 novembre 2021. Compte tenu du décalage horaire, les différentes séances se dérouleront entre 16 et 18 heures puis 20 et 22 heures environ (heure de Beijing), c’est-à-dire entre 9 et 11 heures puis 13 et 15 heures (heure de Paris). Autant que possible, les séances seront organisées selon une unité thématique et non strictement disciplinaire.

Les participants remettront avant le 15 octobre 2021 un résumé de deux pages (Times New 12, interligne simple, soit 1000 à 1500 mots), en français ou en chinois. Ils confirmeront également le titre définitif de leur communication. Le résumé fourni sera traduit dans l’autre langue par nos soins et figurera dans la brochure du colloque mise à la disposition de tous les participants ainsi que du public. Il sera également communiqué par avance aux modérateurs et répondants de chaque séance.

Les propositions de communications de doctorants sont les bienvenues. Dans le cas où ces propositions seraient particulièrement abondantes, un atelier spécifique pourra être organisé.

Les communications auront lieu en français ou en chinois. Les échanges pourront avoir lieu en français, anglais ou chinois. Toutefois, la langue française sera privilégiée en raison de la nature du colloque et de la moindre proportion de Français sinophones vis-à-vis des Chinois francophones.

 

 

Références :

[1] Étiemble. L’Europe chinoise (I). De l’Empire romain à Leibniz. Paris : Gallimard, « Bibliothèque des idées », 1988, 448 p. ; L’Europe chinoise (II). De la sinophilie à la sinophobie. Paris : Gallimard, « Bibliothèque des idées », 1989, 408 p.

[2] Segalen, Victor. Équipée. Voyage au Pays du Réel [1929], Paris : Gallimard, « L’Imaginaire », 1983, 154 p.

[3] Claudel, Paul. Connaissance de l’Est [1900, 1907] suivi de L’Oiseau noir dans le soleil levant, Paris : Gallimard, « Poésie », 2010, 336 p.

[4] Loti, Pierre. Les Derniers jours de Pékin [1902], édition critique par G. Roux, préface de G. Roux et A. Quella-Villéger, Paris, Magellan & Cie, 2021, 320 p.

[5] Boothroyd, Ninette ; Détrie, Muriel (éd.). Le voyage en Chine. Anthologie des voyageurs occidentaux du moyen âge à la chute de l'empire chinois [1992]. Paris : Robert Laffont, « Bouquins », 2020, 1536 p.

[6] Théophile Gautier illustre la « chinoiserie » par la poésie comme par le conte : « Chinoiserie », La Comédie de la mort, Paris : Desessart, 1838, p. 335 ; « Le pavillon sur l’eau », in Le Musée des familles, septembre 1846 ; repris dans La Peau de Tigre, Paris : H. Souverain, 1852, 3 vol. (307, 307, 312-[12] p.). Gautier, Théophile. Œuvres complètes, Contes et nouvelles, vol. 7, Honoré Champion, 2018, p.472-509.

[7] Bouilhet, Louis-Hyacinthe. Festons et astragales [1859], Paris : Alphonse Lemerre, 1880 : « Tou-Tsong », p. 68-69, « Le Barbier de Pékin », p. 69-72, « Le Dieu de la Porcelaine », p. 72-74 ; Dernières chansons, Paris : Michel Lévy Frères, 1872 (posthume) : « Le Tung-whang-fung » p. 267-268, « Vers Paï-lui-chi », p. 271-276, « L’Héritier de Yang-ti », p. 279, « Le vieillard libre », p. 283., « La Pluie venue du mont Ki-Chan », p. 287-288.

[8] Hannon, Théodore. Rimes de joie, Paris : Gay et Doucé, 1881 : « Chinoiserie », p. 27-29.

[9] V. la thèse soutenue par Marion Decome : La Formation du discours conventionnel français sur les Chinois : une approche littéraire, 1840-1945, sous la direction de Patrick Doan, Université Paul-Valéry Montpellier-III, novembre 2014.

[10] Daniel, Yvan. Littérature française et culture chinoise, Paris : Les Indes savantes, 2011, 274 p. ;  岱旺, 法国文学与中国文化 (1846-2005), 北京, 中央编译出版社社, 2019 。

[11] Dollé, Marie ; Espagne, Geneviève (dir.). Idées de la Chine au XIXe siècle : entre France et Allemagne. Paris : Les Indes savantes, 2014, 410 p.

[12] Wang, Yu. La Réception des anthologies de poésie chinoise classique par les poètes français. Paris : Classiques Garnier, 2017, 779 p.

[13] Lo, Shih-Lung. La Chine sur la scène française au XIXe siècle. Rennes : Presses Universitaires de Rennes, 2015, 212 p.

[14] Singaravelou, Pierre. Tianjin Cosmopolis, Paris : Le Seuil, « L’Univers historique », 2017, 384 p.

[15] Saint-Raymond, Léa, « La création sémantique de la valeur : le cas des ventes aux enchères d’objets chinois à Paris (1858- 1939) », in  Espagne, Michel et Li, Hongtu (dir.). Chine France – Europe Asie. Itinéraires de concepts, Paris : Éditions Rue d’Ulm, 2018, p. 217-239 ; « Les collectionneurs d’art asiatique à Paris (1858-1939) : une analyse socio-économique » in Laureillard, Marie et Patin, Cléa (dir.), À la croisée des collections d’art entre Asie et Occident, du xixe siècle à nos jours, Paris : Hémisphères, 2019, p. 229-247.

[16] Bui, Véronique ; Le Huenen, Roland. Balzac et la Chine. La Chine et Balzac. Rouen : Publications de l’Université de Rouen et du Havre, 2017, 240 p.

[17] Kong, Qian. La traduction et la réception de Stendhal en Chine 1922-2013. Paris : Honoré Champion, 2019, 356 p.

[18] 《波德莱尔与中国》,杨振主编,上海,华东师范大学出版社,2021。

[19] 《欧洲浪漫主义文学导论》,包慧怡、陈杰、姜林静,复旦出版社,2021(待出版)。

[20] Ainsi l’année 2020 a-t-elle été assez riche en publications nouvelles ou rééditions de traductions. Notons Eugénie Grandet par Fu Lei (1908-1966), mais aussi pas moins de six volumes (Hugo, Mérimée, Stendhal) traduits par Zheng Kelu. On note encore, parmi ces éditions et rééditions, un phénomène singulier de concurrence : Les Fleurs du mal ont été rééditées dans deux éditions rivales, Les Trois mousquetaires également, avec deux versions sensiblement divergentes par la méthode et le résultat ; Le Comte de Monte-Cristo est à nouveau disponible dans pas moins de trois traductions différentes, ainsi que Madame Bovary et Le Rouge et le Noir. Enfin, la publication en 2020 de huit volumes de Jules Verne témoigne également de l’engouement pour l’auteur.

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