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Le XIXe siècle et le latin  

Le XIXe siècle et le latin

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Christophe Bertiau)

Colloque international

« Le XIXe siècle et le latin »  
 

Des chercheurs, tels que Françoise Waquet, Jürgen Leonhardt, Wilfried Stroh, Manfred Fuhrmann, Tore Janson ou encore Nicholas Ostler, ont mis en évidence, ces dernières décennies, le rôle prépondérant – souvent méconnu – que le latin a été appelé à jouer en Europe de l'Antiquité à nos jours. En renversant la perspective habituelle, qui consistait à présenter l'histoire des langues nationales comme une longue et difficile conquête par ces dernières des domaines traditionnellement réservés au latin, ils ont aidé à comprendre combien le latin, quoiqu'il ait perdu peu à peu du terrain au fil de l'histoire, a conservé malgré tout une place de choix dans des sociétés au sein desquelles il n'était plus la langue maternelle de personne.

Dans cette perspective, le XIXe siècle constitue un tournant. Certes, contester les fonctions encore attribuées au latin n'était en aucune façon un acte novateur à l'époque. Pensons, pour n'évoquer que cet exemple, aux débats sur la langue des inscriptions qui ont eu lieu en France dès le XVIIe siècle. Mais la Révolution industrielle et la montée des nationalismes en Europe, peut-être aussi le désir souvent exprimé au Siècle des Lumières de mettre la littérature et les sciences à la disposition du plus grand nombre, ont porté un coup au latin dont il semble ne jamais pouvoir se relever. Dans l'enseignement, les « humanités » se voient concurrencées par un enseignement « professionnel » ou « professionnalisant » ; à l'intérieur même d'un enseignement « général », le nombre d'heures dévolues à l'étude du latin se réduira peu à peu jusqu'à n'être plus, de nos jours, qu'une option. Il s'agit sans doute là, indépendamment de l'évolution des mentalités, du facteur le plus déterminant pour le déclassement vertigineux dont la langue de Cicéron a fait l'objet au cours de ces deux derniers siècles.

Il serait toutefois exagéré de conclure à une rupture radicale entre le XVIIIe et le XIXe siècle dans les usages linguistiques. D'une part, comme nous l'avons signalé, la pertinence de l'usage du latin avait déjà été questionnée pour plus d'un domaine depuis plusieurs siècles. D'autre part, le latin et, plus largement, l'Antiquité classique, reste encore la base de l'enseignement au XIXe siècle et conserve un prestige tel qu'on réserve longtemps aux latinistes les places élevées dans la hiérarchie sociale.

Cette permanence du latin n'a pu manquer de laisser des traces dans la littérature. D'abord, l'Antiquité classique a influencé les littératures en langues « modernes ». Ainsi, Romain Vignest a pu montrer dernièrement l'importance de l'intertexte avec la poésie latine antique dans la production littéraire de Victor Hugo durant l'exil (Victor Hugo et les poètes latins. Poésie et réécriture pendant l'exil, Paris, Classiques Garnier, 2011). Citons encore les travaux de Marie-France David-de Palacio, qui a étudié la place centrale de l'Antiquité romaine dans la littérature fin-de-siècle. On sait aussi, par ailleurs, qu'un pan de l'activité littéraire continuait de se faire en latin (usage qui a persisté jusqu'à aujourd'hui). Les cas assez connus des travaux scolaires de Rimbaud et de Baudelaire, des Franciscae meae laudes ou des poésies latines de Giovanni Pascoli ne représentent qu'une petite partie de cette activité. Dirk Sacré et Romain Jalabert ont dressé une « Bibliographie intermédiaire des poètes et versificateurs latins en France au XIXe siècle » qui ne compte pas moins de quatre-vingt-deux pages. Le site internet Pantoia (http://www.pantoia.de) recense (et fournit) de nombreuses traductions en latin et en grec ancien de textes littéraires allemands, dont la plupart datent du XIXe siècle. Vito R. Giustiniani, quant à lui, a proposé un aperçu de la situation en Italie entre 1850 et 1950, qui prouve encore une fois combien la tradition néo-latine est restée vivace en Europe pendant et après le romantisme.

Le présent colloque entend interroger les liens qui unissent le XIXe siècle et la langue latine selon trois axes :

1. Langue latine et société « moderne »

Il s'agira de questionner les usages respectifs qui sont faits du latin et des langues nationales ou plus généralement la place conférée au latin dans la société ainsi que les débats qui s'y rapportent. La question est d'autant plus intéressante qu'elle engage, comme on peut l'imaginer, des enjeux symboliques considérables, au-delà du côté « pratique », « efficient » de telle ou telle langue.

2. Littérature latine et littérature nationale

On pourra par ailleurs se pencher sur les rapports qui unissent littérature (néo-)latine et littérature en langue nationale au XIXe siècle. Les communications interrogeront la manière dont la littérature écrite en latin a été reçue (intégrée, assimilée, rejetée voire vilipendée) par les écrivains en langue moderne du XIXe siècle.

3. Littérature néo-latine

Enfin, le colloque a également pour objectif de donner à connaître des productions très largement oubliées du public contemporain (et sans doute, pour la plupart, peu connues déjà en leur temps). En effet, les études néo-latines, qui ont connu un développement considérable ces dernières décennies, ont fort peu pris en compte jusqu'à présent les œuvres postérieures au XVIIIe siècle. Les communications pourront aborder aussi bien la question de la (non-)réception de ces textes que celle des modalités et enjeux de l'écriture néo-latine au XIXe siècle.

Le colloque se tiendra à l'Academia Belgica à Rome les 17, 18 et 19 septembre 2014. Une durée de trente minutes sera attribuée à chaque communication. Les propositions de communication (+- 350 mots), pourvues d'un titre, devront nous parvenir pour le 10 mai 2014 au plus tard, aux deux adresses Dirk.Sacre@arts.kuleuven.be et cbertiau@ulb.ac.be. Le comité scientifique donnera sa réponse avant le 10 juin 2014.

Les langues du colloque sont l'italien, l'anglais et le français.

Comité scientifique :

Paul Aron (Université libre de Bruxelles, F.R.S.-FNRS), Christophe Bertiau (Université libre de Bruxelles, F.R.S.-FNRS), Wouter Bracke (Université libre de Bruxelles), Romain Jalabert (Université Paris IV ‒ Sorbonne), Dirk Sacré (Katholieke Universiteit Leuven)

Comité organisateur :

Paul Aron, Christophe Bertiau, Dirk Sacré