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La performativité à la croisée de l'énoncé et de l'énonciation. Hommage au Prof. Othman Ben Taleb (Tunis)

La performativité à la croisée de l'énoncé et de l'énonciation. Hommage au Prof. Othman Ben Taleb (Tunis)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Sfaxi Hafedh)

La performativité à la croisée de l’énoncé et de l’énonciation

Colloque international en hommage à feu le professeur Othman Ben Taleb

18-19 novembre 2021

 

Depuis Ferdinand de Saussure jusqu’aux pragmaticiens actuels, la linguistique moderne exige la nécessité d’articuler différents paliers d’analyse. Une articulation qui s’exprime de diverses manières selon les paradigmes théoriques : entre syntaxe et pragmatique, entre propriétés structurelles de la langue et ses usages en société, entre contraintes formelles et fonctionnelles.

Le langage et, partant, les échanges langagiers ne sont plus ainsi étudiés en soi, seulement comme des productions de significations, mais dans leurs fonctions sociales, comme l’acte d’un individu en situation, c’est-à-dire comme des comportements observables.

Cette évolution linguistique dans l’analyse du fait langagier, qui prend de plus en plus en compte les contraintes pragmatiques, discursives et interactionnelles, a permis à plusieurs courants de jouer un rôle fondamental dans le développement de ces interfaces : le fonctionnalisme d’A. Martinet, en France, la philosophie analytique anglaise de B. Russel et G.E Moore, connue sous le nom d’Ecole d’Oxford qui s’appuie sur les travaux de Wittgenstein et de Strawson, la théorie des actes de langage (speech acts), de J.L Austin, J.R Searle, H.P Grice et, en France, O. Ducrot, la linguistique de l’énonciation développée en particulier par C. Kerbrat-Orecchioni (1970).

Dans ce contexte épistémologique, les travaux de recherche qu’Othman Ben Taleb a consacrés à la pragmatique et à l’analyse du discours visent à aborder le langage comme action et comme interaction. Sans réductionnisme linguistique ni social, il voit dans l'acte de langage de multiples aspects, du fait de la pluralité des séries dans lesquelles il est pris.

Le discours n'est pas la « face langagière » de l'acte, mais l'interdépendance de la face langagière et de la face pratique. Si un acte discursif peut parfois comporter une « injonction à faire » (perlocutoire), l'interpellation des acteurs-locuteurs à des places catégorisées est un acte performatif.

La performativité et la valeur de l’acte performatif occupent chez O. Ben Taleb une place importante dans ses recherches. Dans sa démarche, il situe l’analyse de la performativité à la croisée du produit et de l’acte de production, une perspective théorique double qui relève ainsi de l’énoncé et de l’énonciation.

Fondés scientifiquement, ses travaux de recherche posent une question épineuse : les possibilités et les limitations mêmes de la pragmatique. Tout le travail de conceptualisation relatif aux « échelles de performativité » dont il est le premier à avoir pensé la configuration, appelle une possible et nécessaire redéfinition de la pragmatique, à travers la réévaluation de son objet comme de ses buts. Il l’envisage, non pas comme une discipline ou un champ de la linguistique, mais plutôt comme une approche méthodologique en sciences du langage à travers la notion de communication et le code de rapports humains que comporte la langue. Le langage ainsi considéré ne peut être séparé de ce avec quoi il est tissé.

À l’encontre d’une conception techniciste et « technocratique » du langage et de la communication, il s’agit ici de mettre l’accent sur la puissance d’action du langage, sa performativité. Et s’il relève de la catégorie des performatifs, il ne se voit de mot, écrit Pascal Durand, doté d’un pouvoir intrinsèque. Les mots n’ont de pouvoir, poursuit-il, que celui que leur est prêté par l’instance –le pouvoir- qui les profère :

« Pas plus que le mot chien ne mord, le baptême par un laïc ne baptise personne […] Mots de langage commun, dont le sens se trouve infléchi ; mots dont l’aire d’emploi se trouve étendue, restreinte ou déplacée […] les uns et les autres réimplantés ou greffés à neuf dans la communauté de la langue telle qu’elle est parlée ».

Les divers travaux des pragmaticiens du langage, quelles qu’en soient l’obédience et l’inspiration : linguistique de l’énonciation, pragmatique intégrée, théorie des actes illocutionnaires ou pragmatique psychosociale, écartent le modèle classique du code en s’ouvrant, à des degrés divers, à la notion désormais centrale de contexte. Celui-ci contribue sans doute aussi à expliquer l’hétérogénéité des travaux déclinés sous l’appellation générique de pragmatique, ainsi que l’inflation que connaît le terme lui-même.

Quelques axes de réflexions :

- La performativité dans les sciences sociales : la part langagière de l’acte et la nature pragmatique du langage, c’est-à-dire les actes de langage eux-mêmes, les débats menés autour de cette notion entre sciences sociales et linguistique.

- Extraite de son cadre intellectuel et scientifique, la philosophie et la linguistique, la notion de performativité est confrontée à des objets et des traditions disciplinaires très différents. Problématiser certaines de ces confrontations permettrait de mettre en jeu les définitions mêmes du langage, de l’action et de leurs relations.

- La performativité à la croisée de la communication et de l’action : ses intérêts concrets, ses limites, sa portée heuristique, ce que « performer » veut dire.

- Les concepts de performativité et d’action performative se déploient avec vitalité dans d’autres recherches (anthropologie, ethnographie, littérature, etc.) et dans de multiples autres sphères qui tendent à se rapprocher d’une approche performative de la vie sociale :

L’action performative artistique comme l’art de l’image ou certaines formes de théâtre.

L’action performative identitaire, juridique, politique, rituelle (formes ritualisées des actions comme le fameux « Dégage ! » du « printemps arabe », etc.

L’ancrage littéraire de l’action performative : le pouvoir du texte et de sa perception ; ce que la littérature fait quand elle dit.

L’ancrage discursif : le pouvoir des mots, la manipulation, etc.

Le développement de l’utilisation des approches performatives dans la formation des enseignants et dans la recherche en didactique du français : l’impact d’une pédagogie performative par exemple.

- La part de la performativité dans les pratiques ludiques du langage.

Ce qui importe dans ces quelques modestes pistes de réflexion, c’est moins l’apport de la notion de performativité aux situations et domaines étudiés que le nouvel éclairage de la première par les seconds.

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Les modalités de soumission des propositions :

- Un texte de 500 mots sous format Word ou PDF.

- L’identité de l’auteur ou des auteurs (prénom, nom, statut et institution de rattachement, e-mail, téléphone).

- Durée de la communication : 20 minutes.

- E-mail d’envoi : colloque.issht.2021@gmail.com

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Dates à retenir :

- Réception des propositions :  31 JUILLET 2021.

- Dates du colloque : 18-19 NOVEMBRE 2021.

- Publications des actes du colloque : les articles sélectionnés par le comité scientifique feront l’objet d’une publication conforme aux normes académiques internationales.

- Frais d’inscription : 50 euros (couvrent le kit du colloque, les pauses-café, les déjeuners et une soirée culturelle). Les frais de voyage et de séjour sont à la charge du participant.

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Responsable : SFAXI Hafedh

Le comité scientifique :

Kamel Gaha (ISSH, Tunis), Philippe Monneret (Paris-Sorbonne), Salah Mejri (Sorbonne Paris Nord), Zouhour Ben Aziza (ISSH, Tunis), Nathalie Garric (Université de Nantes), Monia Kallel (ISSH, Tunis), Houda Ben Hammadi (ISL, Tunis), Lichao Zhu (Sorbonne Paris Nord), Luis Meneses Lerin (Université d’Artois), Giovanni Dotoli (Université de Bari), Pierre-André Buvet (Sorbonne Paris Nord), Mohamed Chagraoui (ISSH, Tunis), Mansour M’Henni (ISSH, Tunis), Arselène Ben Farhat (Université de Sfax).

Le comité organisateur :

Sabeh Ayadi, Safa Chebil, Raja Chenoufi, Sabeh Boulares, Ghada Nechi, Hanen Salhi, Olfa Rihani, Jamil Gouaidia.

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Bibliographie indicative :

-Allouche. V :

  • Connaitre et pratiquer les actes et stratégies de discours, Paris, L’Harmattan, 2013.
  • Une didactique des actes de discours et des séquences, Paris, L’Harmattan, 2012.

-Anscombre. J-C ; Rodriguez Somolinos. A ; Gomez- Jordana Ferary. S, Voix et marqueurs du discours : des connecteurs à l’argument d’autorité, Lyon, ENS Editions, 2012.

-Austin. J-L, Quand dire c'est faire, Éditions du Seuil, Paris, 1970.

-Ben Taleb. O :

  • Actes de discours et performativité en français. De la syntaxe à la pragmatique, Publications de l’Université de Tunis, 1984.
  • Analyse du discours romanesque : Aragon, pragmatique d’un tournant discursif, Tunis, ISSHT, 2014.
  • La discursivité à la croisée des sciences du langage. Parcours énonciatifs et modèles interprétatifs, Tunis, Coédition ISSHT et Dar Al-ittihad, 2018.

-Boix. C, Argumentation, manipulation, persuasion, Paris, l’Harmattan, 2007.

-Bourdieu. P, Ce que parler veut dire : l'économie des échanges linguistiques, Paris, Fayard, 1982.

-Bracops. M, Introduction à la pragmatique : les théories fondatrices : actes de langage, pragmatique intégré, Bruxelles, De Boeck, 2005.

 

-Delbecque. N, Linguistique cognitive, Bruxelles, De Boeck Supérieur « Champs linguistiques », 2006.

-Dostie. G, Pragmatisation et marqueurs discursifs, Analyse sémantique et traitement  lexicographique, Bruxelles, De Boeck, 2004.

-Doury. M, Argumentation, Analyser textes et discours, Paris, Armand Colin, 2016.

-Durand. P « Avant-propos : de quelques mots dont on nous paie », in Quaderni, n°36, 2007, Nouveaux mots du pouvoir : fragments d’un abécédaire.

-Garric. N et Calas. F, Initiation à la pragmatique, Hachette Supérieur, 2007.

-Gouvard. J-M, La pragmatique, outils pour l’analyse littéraire, Paris, Armand Colin, 1998.

-Kerbrat-Orecchioni. C, L'énonciation. De la subjectivité dans le langage, A. Colin, 1970.

-Kerbrat-Orecchioni. C, Les actes de langage dans le discours. Théorie et fonctionnement. « Quand dire, c’est faire » : un travail de synthèse sur la pragmatique conversationnelle, Paris, Nathan Université, 2001.

-Reboul. A et Moescheler. J, La pragmatique aujourd’hui : une nouvelle science de la communication, Paris, Seuil, 1998.

-Sarfati. G-E, Dire, agir, définir. Dictionnaire et Langage ordinaire, Paris, L’Harmattan, 1995.

-Searle. J-R., Sens et expression : Etudes de théorie des actes de langage, Paris, Broché,  1982.

-Vandeloise. C, Langage et cognition, Paris,  Lavoissier, 2003.