Actualité
Appels à contributions
 Accueillir l’Autre dans sa langue. La traduction comme dispositif de médiation (Tchernivtsi, Ukraine)

Accueillir l’Autre dans sa langue. La traduction comme dispositif de médiation (Tchernivtsi, Ukraine)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Galyna Dranenko)

Accueillir l’Autre dans sa langue. La traduction comme dispositif de médiation

Tchernivtsi (Ukraine), les 2 & 3 décembre 2020

Colloque international organisé par

le Département d’études romanes et de traduction de l’Université Nationale de Tchernivtsi

 

« La langue de l’Europe, c’est la traduction » (U. Eco). En effet, on peut considérer la traduction comme une des conditions nécessaires de la sauvegarde de la multiplicité des identités européennes et de leur existence transculturelle. Cette idée a été exemplairement incarnée en particulier par des écrivains originaires de la ville de Tchernivtsi (alias Czernowitz et Cernăuți), tels que Paul Celan, Aharon Appelfeld ou Gregor von Rezzori, pour ne citer que les plus connus dans cette Weltliteratur que Goethe appelait de ses vœux. Mais elle a été aussi celle de tous ceux (écrivains, intellectuels, acteurs culturels, etc.), moins connus parfois, qui ont été sensibles, dans leurs formes de vie et dans leurs œuvres, à la multiplicité des langues et des cultures de leur Umwelt, de leur « milieu propre ». En effet, nombreux sont ceux qui ont œuvré pour devenir des passeurs, des médiateurs entre des langues et des cultures diverses. Et ainsi inventer à la fois une langue singulière, originale, ancrée dans leur sol et une langue pour tous, universelle, au-delà des frontières. C’est pourquoi ce travail sur et dans les langues affecte non seulement les champs linguistique et littéraire, mais aussi irrigue – est irrigué également par – le cours de l’Histoire, les structures du social, bref la définition de ce qu’est l’humain, même comprise dans sa dimension idéelle et asymptotique.

Il n’est pas étonnant de constater que, aujourd’hui, la traduction est devenue un objet d’étude interdisciplinaire privilégié pour de nombreux chercheurs en sciences humaines attachés à étudier les diverses formes que prennent les processus de médiation, et, plus particulièrement, ceux qui ont trait aux définitions, aux descriptions et aux institutions des multiples identités culturelles. Les travaux et les réflexions de nombreux intellectuels francophones contemporains (Paul Ricœur, Jacques Derrida, Antoine Berman, Barbara Cassin, Nathalie Heinich, etc.) en témoignent incontestablement.

Cela s’explique d’autant mieux que, la réflexion sur la traduction, envisagée comme  un dispositif singulier et multidimensionnel des diverses pratiques de médiation, permet d’envisager, à la fois et en tension, des phénomènes linguistiques, culturels, sociaux et historiques. Car s’interroger sur la traduction c’est contribuer d’une certaine façon au renouvellement des paradigmes scientifiques existants (re)pensés nécessairement dans une perspective interdisciplinaire. En effet, « [la] théorie et les pratiques de la traduction font partie de la pensée du langage. […] Alors l’enjeu du traduire est de transformer toute la théorie du langage » (Meschonnic H., « Traduire au XXIe siècle »,  Quaderns, n° 15, 2008, p. 55-56).

On rappellera qu’une des fonction importantes de la traduction est ce qu’Antoine Berman appelle  « une éducation à l’étrangeté » (La Traduction et la lettre ou L’Auberge du lointain, Paris, Ed. du Seuil, 1999, p. 73). En effet, pour lui, est inhérente à toute traduction, digne de ce nom, une visée éthique qui se révèle aussi importante que les visées poétique et philosophique. Car l’« acte éthique consiste à reconnaître et à recevoir l’Autre en tant qu’Autre. […] Сette nature de l’acte éthique est implicitement contenue dans les sagesses grecque et hébraïque, pour lesquelles, sous la figure de l’Étranger […], l’homme rencontre Dieu ou le Divin. Accueillir l’Autre, l’Étranger, au lieu de le repousser ou de chercher à le dominer, n’est pas un impératif. Rien ne nous y oblige. […] Ce choix éthique, certes, est le plus difficile qui soit. Mais une culture (au sens anthropologique) ne devient vraiment une culture (au sens de l’humanisme d’un Goethe, de la Bildung) que si elle est régie – au moins en partie – par ce choix » (p. 74-75). L’éthique de la traduction a donc à voir avec une valeur comme l’est celle de l’hospitalité : le « traducteur s’invite en langue étrangère et s’installe dans l’œuvre qui s’apprête à traduire, avant de l’accueillir à son tour au sein de sa propre culture » (Ost F., Traduire. Défense et illustration du multilinguisme, Paris, Fayard, 2009, p. 293).

Dans un tel contexte épistémologique, la notion d’hospitalité langagière sise au cœur de la traduction, proposée par Paul Ricœur,  n’a en rien perdu de son actualité et de son efficace pour penser les implications linguistiques, éthiques, anthropologiques et philosophiques qu’engage toute communication entre les langues et les cultures. En effet, l’« hospitalité langagière » peut être comprise comme un processus de médiation où « le plaisir d’habiter la langue de l’autre est compensé par le plaisir de recevoir chez soi […] la parole de l’étranger » (Ricœur P., Sur la traduction, Paris, Bayard, 2004, p. 20). Cependant,  si le geste d’« accueillir l’autre dans sa langue » est certes un acte d’hospitalité, il est aussi, parce que tout étranger qui arrive est un « intrus » (cf. Jean-Luc Nancy, L’Intrus, Paris, Galilée, 2010), un corps étranger qui déplace l’agencement établi des choses et des perspectives, un facteur de transformation de la langue et de la culture cibles.

L’objectif du colloque est de problématiser de tels processus tensionnels inhérents à toute traduction, trop souvent réduite à une simple transposition linguistique qu’étudierait et régulerait une traductologie appliquée. Il s’agira ici, donc,  d’interroger la traduction en tant que médiation, en centrant son attention sur ce qu’implique dans la traduction une « hospitalité langagière » où l’hôte est à la fois celui qui accueille et celui qui est accueilli, où le don a pour envers le contre-don, aussi inséparables que les deux faces d’un ruban de Möbius.

Il sera porté donc, dans ce colloque, une attention particulière sur la traduction conçue comme un facteur d’enrichissement et de développement de la langue et de la culture maternelles du récepteur d’une œuvre littéraire étrangère. Dit autrement, on examinera quelle est la possibilité de l’existence et de la portée de la « fonction créative » de la traduction (Tcherednytchenko O., « Les fonctions de la traduction dans le monde contemporain », dans Sur la langue et la traduction, Kyïv, Lybid, 2007, р. 167).

La problématique de ce colloque pourra s’articuler autour de quatre axes :

Axe 1 : Traduction et pratique philosophique

  • La traduction comme geste herméneutique : problème de la compréhension/interprétation.
  • La traduction comme concept  métaphorique de la médiation dans la réflexion  philosophique.
  • La dimension éthique de la traduction : le Propre et l’Étranger, “l’hospitalité langagière”.

Axe 2 : Traduction et pratique linguistique

  • Dimensions anthropologique, historique et linguistique de la traduction.
  • Dispositifs de (re)création de la langue cible par la traduction.
  • Médiation de l’acte de traduire comme force et facteur de renouvellement des paradigmes théoriques de la linguistique.

Axe 3 : Traduction et pratique littéraire

  • La traduction comme facteur d’enrichissement et de développement de la langue et de la culture maternelles du récepteur d’une œuvre littéraire étrangère. 
  • La traduction d’une œuvre littéraire comme processus transculturel d’adaptation à l’étrangeté de l’Autre.
  • La traduction littéraire : faire entendre dans sa propre langue la langue de l’Autre (langue majeure VS langue mineure).

Axe 4 : Traduction et pratique didactique

  • La composante comparative dans la méthodologie de l’enseignement d’une langue étrangère comme un moyen de sensibilisation à l’Autre.
  • Les fonctions sociales et culturelles des transpositions interlinguistiques dans l’apprentissage d’une langue étrangère.
  • Les dimensions linguistique et culturelle de la traduction dans les didactiques contemporaines (enseignement secondaire/supérieur).

*

Mots-clés du projet : traduction, médiation, Étranger, « hospitalité langagière », l’Autre, éthique de la traduction.

Langues des communications : français et ukrainien.

*

Adresser aux organisateurs du colloque avant le 1er septembre 2020 un résumé de 3000 à 4000 signes espaces compris (indiquer dans quel axe thématique du colloque s’inscrit le sujet de la communication), accompagné d’une bio-bibliographie et des coordonnées du participant. Le fichier envoyé sera désigné par le nom de son auteur.

Les propositions seront examinées par un comité scientifique. Ses décisions seront communiquées avant le 15 septembre 2020.

La durée de la communication : 25 minutes.

 

Comité d’organisation

Mykhaïlo POPOVYTCH, responsable du colloque, professeur des universités en linguistique, directeur du Département d’études romanes et de traduction à l’Université de Tchernivtsi ;

Galyna DRANENKO, coordinatrice scientifique du colloque, maîtresse de conférences, HDR en littérature au Département d’études romanes et de traduction à l’Université de Tchernivtsi ;

Diana ROUSNAK, secrétaire responsable du colloque, maîtresse de conférences en didactique au Département d’études romanes et de traduction à l’Université de Tchernivtsi.

 

Comité scientifique

AJA SÁNCHEZ José Luis, professeur de traduction (Departamento de Traducción e Interpretación y Comunicación Multilingüe, Universidad Pontificia Comillas, ESPAGNE) ;

BADIOU Bertrand, traducteur, professeur des universités, responsable du groupe « Paul Celan » (Département Littérature et Langages, École Normale Supérieure, Paris, FRANCE) ;

CHERVINSKA Olha,  professeure des universités, directrice du Département de littérature étrangère, de théorie littéraire et d’études slaves (Université de Tchernivtsi, UKRAINE) ;

DRANENKO Galyna, maîtresse de conférences, HDR au Département d’études romanes et de traduction (Université de Tchernivtsi, UKRAINE) ;

FABIANI Daniela, professeure de traduction (Dipartemento di Studi umanistici, Università di Macerata, ITALIE) ;

FERNANDEZ Thaïs, professeure de traduction (Libera Università Internazionale degli Studi Sociali, Roma ; Scuola Superiore per Mediatori Linguistici, Perugia, ITALIE) ;

GARFITT Toby, professeur émérite (Faculty of Medieval and Modern Languages,  Magdalen College, University of Oxford, GRANDE BRETAGNE) ;

KRAVETS Yarema, traducteur, maître de conférences (Université de Lviv, UKRAINE) ;

LECLERC Yvan, professeur des universités, responsable du groupe « Flaubert sans frontières » (Université de Rouen, FRANCE) ;

LIIV Rolf, traducteur assermenté (Tehnilise Tõlke Keskus, Tallinn, ESTONIE) ;

POPOVYTCH Mykhaïlo, professeur des universités, directeur du Département d’études romanes et de traduction (Université de Tchernivtsi, UKRAINE) ;

PRATI Patrizia, interprète, professeure de musique (Universidad Pontificia Comillas, ESPAGNE) ;

ROUSNAK Diana, maîtresse de conférences au Département d’études romanes et de traduction (Université de Tchernivtsi, UKRAINE) ;

RYKHLO Petro, traducteur, professeur des universités (Université de Tchernivtsi, UKRAINE) ;

TCHEREDNYTCHENKO Oleksandr, traductologue, professeur des universités au Département de théorie et de pratique de la traduction des langues romanes M. Zerov (Institut de philologie, Université de Kyïv, UKRAINE).

WALTER Jacques, professeur des universités, directeur du Centre de Recherche sur les Médiations (Université de Lorraine, FRANCE).

 

Les communications donneront lieu à une publication.

 

Propositions de communication à adresser par courriel à :

Galyna DRANENKO galynadranenko@yahoo.fr

                 et             colloquetchernivtsi@ukr.net