Actualité
Appels à contributions
Cosmologie, un besoin (de) métaphysique ? (Lille)

Cosmologie, un besoin (de) métaphysique ? (Lille)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Colloque Cosmos)

Cosmologies : un besoin (de) métaphysique ?

Conférence de jeunes chercheurs - Université de Lille - Jeudi 8 – vendredi 9 avril 2021

« Keynote speakers » :

Isabelle Stengers – Professeure émérite, Université Libre de Bruxelles

Jean-Jacques Szczeciniarz Professeur, Université Paris VII – SHERE

 

Date limite d’envoi des propositions : jeudi 30 avril 2020

*

On considère souvent qu’avec la publication des Principia Mathematica de Newton, la cosmologie a été débarrassée des spéculations métaphysiques qui la viciaient par le passé : qu’on a enfin « rejeté les formes substantielles et les qualités occultes » (Principia, préface), de sorte que la cosmologie peut enfin se concentrer sur les seuls faits naturels. Cette conception d’une cosmologie neutralisée, devenue strictement scientifique, a été renforcée par la suite avec le tournant positiviste des sciences naturelles au XIXème siècle, au point que de nos jours, la cosmologie n’est plus rattachée à la philosophie mais à la physique – et encore, est-elle alors souvent rebaptisée « astrophysique ».

Une telle approche revient à disqualifier toute entreprise cosmologique qui chercherait à proposer une interprétation des faits leur assignant une certaine valeur. On oppose la cosmologie scientifique, présentée comme l’articulation neutre des faits au sein d’un système cohérent, à l’ensemble des systèmes incluant une spéculation sur le sens de ces faits, lesquels se voient renvoyés dos à dos, comme autant de simples productions poétiques. Un exemple important de ce rejet de la métaphysique est l’abandon du finalisme dans les systèmes du monde. Selon la cosmologie moderne héritée de Newton, la nature ne poursuit pas de fins, et ce ne peut être que l’esprit humain qui vient a posteriori apporter une interprétation finaliste, sans que cette qualification ait valeur de vérité en dehors de ce jugement subjectif.

Pourtant, cette disqualification de la métaphysique en cosmologie n’a pas empêché la philosophie du XXème siècle de poursuivre son travail spéculatif, comme en témoigne l’œuvre de Bergson ou encore de Whitehead. Il est d’ailleurs remarquable que ce retour de la spéculation métaphysique ait justement été nourri par la science, du côté cette fois-ci de la biologie et non de la physique. Des philosophes comme Raymond Ruyer iront ainsi jusqu’à se fonder sur les sciences de la vie (étude de l’embryogénèse, etc.) pour construire des cosmologies explicitement finalistes, en opposition avec le mécanisme de la physique classique. Par ailleurs, même au sein des sciences physiques, on assiste à un retour croissant des spéculations métaphysiques qui en semblaient définitivement exclues : qu’on pense à la controverse Einstein-Bohr au moment de l’élaboration de la théorie quantique ; ou encore, plus récemment, aux interrogations métaphysiques suscitées par les trous noirs, la matière noire, ou par la théorie du Big-Bang, des cordes, des multivers, etc.

Une telle permanence de ce type de spéculation met à mal l’idée que l’avènement de la science moderne ait vraiment constitué un abandon de la métaphysique, laquelle aurait été définitivement reléguée au rang d’une vieille illusion. Au contraire, il semble bien que la métaphysique n’ait jamais vraiment disparu du travail cosmologique, mais qu’elle ait plutôt été simplement dissimulée (cette dissimulation opérée par la science moderne relèverait alors elle-même d’un certain parti-pris métaphysique). Cette journée d’étude se propose donc d’interroger la cosmologie dans sa dimension proprement métaphysique : la cosmologie ne vise pas qu’à donner de la cohérence à des faits neutres, elle exprime également la valeur de ces faits, l’importance que nous leur accordons, et la manière dont nous les interprétons (y compris lorsqu’il s’agit d’affirmer leur neutralité). Ainsi, il semble bien que la cosmologie réponde, sinon à un besoin, du moins à un désir proprement métaphysique.

En outre, ce questionnement métaphysique à l’œuvre en cosmologie est lui-même inséparable de certaines considérations pratiques : par exemple, Leibniz a composé son système du monde en songeant aussi bien à l’élucidation scientifique de la matière qu’à des questions directement morales et religieuses. De même, à partir du moment où l’on conçoit la neutralité propre à la science moderne comme relevant d’une prise de position métaphysique, il devient possible de la rattacher à des enjeux déterminés : dès lors « qu’elle a cessé d’être porteuse de sens pour l’existence humaine », la nature peut se prêter exclusivement à l’expérimentation scientifique, en vue de son exploitation (E. Weil, « De la nature », § 39-40). L’histoire des idées manifeste ainsi l’importance pratique que peut avoir la métaphysique, et nous invite de la sorte à interroger des phénomènes contemporains où les questions cosmologiques s’ancrent dans une situation sociale et politique précise : on pensera à la demande croissante d’un changement de paradigme cosmologique, en vue d’exprimer une vision plus écologique de notre rapport à la nature – ou encore lorsqu’il d’exprimer, face à la crise écologique actuelle, l’expérience de la catastrophe (I. Stengers, Au Temps des catastrophes, ch. 4).

Enfin, si la cosmologie répond bel et bien à un besoin humain de donner sens à l’existence, alors la marginalisation de la cosmologie métaphysique à l’époque moderne a privé la pensée humaine d’un mode d’expression important. Faute d’être pris au sérieux et à force d’être relégué dans la sphère du privé et de l’intime, ce besoin est satisfait dans les marges et l’obscurité, via la superstition, le fanatisme, ou encore l’industrie florissante du « développement personnel ». Réévaluer l’importance cosmologique de la métaphysique invite au contraire à réintégrer la quête du sens dans le domaine de la rationalité et à la réinstaller sur la place publique.

Le but de cette journée d’étude sera donc de rendre compte de la valeur propre d’une approche métaphysique de la cosmologie.

Sont proposées les pistes suivantes :

On interrogera le statut de la métaphysique dans la cosmologie et la philosophie de la nature :

Quelles sont les implications proprement métaphysiques des entreprises cosmologiques (y compris celles qui caractérisent la science moderne) ?

Quels sont les arguments en faveur d’une réintroduction du questionnement métaphysique en cosmologie ; ou au contraire, en faveur de la neutralisation de la cosmologie et du rejet du questionnement métaphysique opéré par la science moderne ?

Comment les questions métaphysiques à l’œuvre dans le travail cosmologique font-elles écho à des questions pratiques : sociales, politiques, morales, religieuses, etc. ?

On pourra également se poser ces questions au sujet d’un système cosmologique en particulier.

On considèrera particulièrement :

Les cosmologies antiques, qui expriment un rapport de l’homme à la nature bien différent du paradigme moderne.

Les cosmologies qui apparaissent au moment de l’avènement de la science moderne, que ce soit en accord ou en opposition avec elle.

Les cosmologies contemporaines, qui travaillent en lien avec la science de leur époque, tout en réintroduisant une interrogation métaphysique.

Enfin, on s’intéressera à la manière dont la métaphysique refait son apparition dans le domaine scientifique lui-même à l’époque contemporaine : en quoi de nouvelles avancées dans certains domaines scientifiques (sciences du vivant, notamment) ont-elles apporté un nouveau souffle à la réflexion métaphysique en cosmologie ? en quoi les cosmologies physiques modernes, dans leur diversité et dans leur travail spéculatif, sont-elles inséparables d’une réflexion proprement métaphysique ?

*

Consignes de soumission d’abstract :

- Cet appel s’adresse aux jeunes chercheurs : doctorant.e.s et néo-docteur.e.s (ayant soutenu leur thèse au plus tôt en 2014).

- Longueur maximale : 500 mots

- Les abstracts devront être anonymisés en vue d’une double relecture

- Joindre un document séparé avec les informations de l’auteur (occupation, établissement, sujet de recherche, etc.)

- Les propositions sont à envoyer au plus tard le jeudi 30 avril 2020, à l’adresse suivante : colloque.cosmos.2021@gmail.com

*

Organisateurs :

Clémence Sadaillan – Doctorante de l’Université de Lille, laboratoire STL

Ulysse Gadiou – Doctorant de l’Université de Lille, laboratoire STL

*

Supervision du projet pour le laboratoire STL: 

Eléonore Le Jallé – Professeure, Université de Lille

*

Comité scientifique :

Clémence Sadaillan – Doctorante de l’Université de Lille, laboratoire STL

Ulysse Gadiou – Doctorant de l’Université de Lille, laboratoire STL

Vincent Ardourel – Chargé de recherches, IHPST

Bernard Joly – Professeur émérite, Université de Lille

Delphine Bellis – Maîtresse de conférences, Université de Montpellier

Jean Seidengart – Professeur émérite, Paris 10