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Bienvenue dans les limbes : horizon des attentes et manifestations littéraires du temps suspendu (Montréal, en ligne)

Bienvenue dans les limbes : horizon des attentes et manifestations littéraires du temps suspendu (Montréal, en ligne)

Publié le par Université de Lausanne (Source : AECSEL-UQAM)

Bienvenue dans les limbes : horizon des attentes et manifestations littéraires du temps suspendu

Journée d’étude annuelle de l’AECSEL

Appel à contributions

9 avril 2021, Université du Québec à Montréal (visioconférence)

 

« Tout vient à point à qui sait attendre », dit l’adage. Depuis mars, comme nous avons attendu! L’année 2020 a momentanément restreint le champ des possibles et déjoué toutes nos attentes. Elle a modifié notre rapport au temps et nous a plongé·e·s dans une perpétuelle expectative : les projets, les célébrations, les sorties, les voyages ont été indéfiniment reportés, tandis que les exigences de productivité et d’implication, autrement dit les attentes du monde, n’ont bien souvent pas changé. Mais derrière la porte close sur un extérieur inaccessible, la bibliothèque a retrouvé tout son charme, les livres se présentant comme le meilleur allié pour nourrir et tromper l’attente. N’est-ce pas le propre de tout récit que de manipuler le temps? Faisons contre mauvaise fortune bon cœur et saisissons cette occasion pour réfléchir à notre rapport à ce temps ralenti ou projeté. Inspiré·e·s par nos méditations confinées, nous proposons d'explorer les diverses facettes de la notion d’attente et ses manifestations littéraires lors de cette journée d’étude. Les nombreux aspects de ce thème pourront être problématisés en fonction de différents axes de recherche (liste non exhaustive) : 

1. Axe narratologique

L’attente soulève des questions relatives à la gestion du temps dans le récit. Pour reprendre certains concepts narratologiques (voir Gérard Genette), il serait possible de mettre en relation le temps du récit (TR) et le temps de l’histoire racontée (TH). Nous pouvons concevoir l’attente à la fois comme objet du récit (raconter un moment d’attente vécu par un ou des personnages) ou comme ralentissement du rythme de la narration (fausses pistes, digressions). Quels rôles jouent les temps d’attente, la pause narrative, la description, la parenthèse, dans le déroulement de l’action?

2. Axe poétique

Dans les récits de voyage anciens, la traversée de l’océan est le moment d’attente par excellence où se cristallisent les craintes et les espoirs. Ce temps mort devient prétexte à l’effusion narrative, comme si le degré de poétisation était inversement proportionnel à la quantité d’action représentée. En élargissant cette observation à tous les genres littéraires, nous souhaitons encourager une réflexion sur la poétique de l’attente, conçue comme une relation étroite entre l’attente physique et le développement de l’écriture stylisée.

Prenons également en considération l’espace (quai de métro, gare, arrêt d’autobus, file d’attente, maison, prison) afin d’ouvrir à une réflexion géopoétique, géocritique, etc. mettant en lumière le rapport humain aux lieux de l’attente. On sait combien la littérature poétise le paradis et l’enfer; ne serait-il pas temps de s’interroger sur la poétique du purgatoire et sur les manières d’esthétiser l’attente? Qu’en est-il aussi des personnages qui incarnent l’attente, de Pénélope au chien d’Ulysse, ou de ces figures absurdes qui, dans le théâtre de Beckett, attendent inlassablement Godot?

3. Axe générique

Dans Les Genres du discours, Tzvetan Todorov soutient la thèse selon laquelle chaque genre reposerait sur un acte de parole fondamental. Ceci nous amène à remarquer que l’attente est au cœur de plusieurs genres et sous-genres littéraires selon des modes très différents. Pensons à la tragédie, qui expose dès le prologue le dénouement de l’action, mais qui se doit, selon la Poétique d’Aristote, de susciter crainte et pitié, des « sentiments [qui] naissent surtout lorsque [l]es évènements, tout en découlant les uns des autres, ont lieu contre notre attente » (1990, 100). Ouvrons la réflexion à d’autres genres: quel rôle joue l’attente dans les romans d’anticipation, qui explorent les formes hypothétiques du futur? N’est-ce pas le propre des romans policiers que de combler, peu à peu, le mystère du crime à résoudre, quitte à tromper parfois les attentes du lectorat? 

L’axe générique ouvre par ailleurs la réflexion à l’étude du paratexte (préfaces, exordes, dédicaces, quatrième de couverture). En effet, tout ce cortège textuel (bien que soumis à l’impératif de ne jamais « divulgâcher ») élabore avant même la lecture un horizon d’attente qui oriente le travail interprétatif du lectorat. Le texte demeure toutefois libre de correspondre à ces attentes, ou au contraire, de les subvertir.

4. Axe de la réception

Qui dit création d’un horizon d’attente dit aussi réception de l'œuvre, car ces deux aspects composent les facettes d’une même médaille. Interrogeons-nous sur l’« après » du texte, considéré, à son tour, comme un moment d’attente. Pensons par exemple à ces livres, tels Les Chants de Maldoror d’Isidor Ducasse (Lautréamont), qui ont dû patienter de longues années sur des rayons de bibliothèque avant de connaître le succès. Pensons aussi aux œuvres composées sous forme de série, de saga ou de cycle : l’attente qui sépare la parution de chaque opus n’a-t-elle pas un impact sur l’écriture elle-même? La clôture de chaque ouvrage ne contient-elle pas déjà, en germe, le suivant? Et qu’en est-il des fanfictions, qui s’insèrent justement dans le vide entre deux parutions? Au carrefour des pratiques d’édition, de la bibliographie et de la poétique, cet axe de la réception vise à interroger l’inscription du livre au sein d’un temps historique qui le précède et le suit.

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Modalités de soumission :

Tou·te·s les étudiant·e·s des cycles supérieurs en études littéraires (en création comme en recherche) sont invité.e.s à présenter une communication lors de cette journée d’études, quelle que soit leur spécialisation en ce qui concerne le corpus, l’approche théorique ou le genre littéraire pratiqué (en création). 

L'événement aura lieu le vendredi 9 avril 2021, par visioconférence. S’il est sécuritaire de le faire, un rassemblement en personne sera tenu à l’Université du Québec à Montréal dans le respect des consignes sanitaires qui seront alors en vigueur. Dans ce cas, les communicant·e·s qui préfèreraient tout de même donner leur présentation à distance auront cette possibilité. 

Les communications devront être inédites et en français. La durée variera entre 15 et 20 minutes en fonction du nombre de propositions retenues. Les propositions de communication (titre et résumé de 250 mots), avec une courte bio-bibliographie (mentionnant l’université d’attache, le sujet des recherches et les publications, s’il y a lieu) devront être envoyées avant le lundi 14 février 2021 à 23h59 à l’adresse suivante : aecsel2021@gmail.com.

Merci d’indiquer en objet : Nom, prénom, titre de la proposition.

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Bibliographie et sources : 

Aristote (trad. Michel Magnien), Poétique, Paris, Le livre de poche, coll. « Classiques », 1990, 216 p.

Genette, Gérard, Figures III, Paris, Seuil, coll. « Poétique », 1972, 286 p. 

Todorov, Tzvetan, Les Genres du discours, Paris, Seuil, 2016, 309 p.

 

Association étudiante des cycles supérieurs en études littéraires (AECSEL)

Florence Brassard, UQAM

Maxime Leblond, UQAM

Rosemarie Savignac, UQAM.