Collectif
Nouvelle parution
B. Teyssandier (dir.), Fables d’Esope Phrygien de Jean Ballesdens

B. Teyssandier (dir.), Fables d’Esope Phrygien de Jean Ballesdens

Publié le par Matthieu Vernet (Source : Bernard TEYSSANDIER)

Fables d’Esope Phrygien de Jean Ballesdens

Sous la direction de Bernard Teyssandier.

Reims : Epure, coll. "Héritages critiques", 2011.

EAN 978291527148.

Présentation de l'éditeur :

Héritages critiques, nouvelle collection dirigée par Jean-Louis Haquette et Bernard Teyssandier, CRIMEL (Centre de Recherche Interdisciplinaire sur les Modèles Esthétiques et Littéraires, EA 3311), Université de Reims Champagne-Ardenne.

Le premier numéro de la collection, sous la direction de Bernard Teyssandier, sera consacré aux Fables d’Esope Phrygien de Jean Ballesdens (Paris, Guillaume Le Bé, 1645, in-8°).

Sous l’Ancien Régime, il était d’usage que le prince héritier quitte les bras des femmes dans sa septième année pour apprendre son dur métier de roi. En 1645, l’année de son « passage aux hommes », Jean Ballesdens (1595-1675) dédie à Louis XIV Les Fables d’Esope Phrygien. C’est ce livre élégant que reproduit le présent volume. Livre plaisant à l’évidence, agrémenté de très nombreuses gravures. Mais livre utile aussi puisqu’à l’instruction éthique et politique vient s’ajouter un enseignement linguistique. Longtemps ignoré, ce recueil rassemble un cycle unique et inédit de gravures sur bois et constitue un jalon singulier dans l’histoire monumentale du corpus ésopique. Cette oeuvre de circonstance dont on ne connaît aujourd’hui que de très rares exemplaires offre un éclairage nouveau sur les choix poétiques et sur l’inflexion pédagogique opérés par La Fontaine lorsqu’en 1668 il dédie au fils du Roi Soleil ses Fables choisies mises en vers.

En réalité, l’oeuvre de La Fontaine a rendu aux apologues d’Ésope l’hommage paradoxal d’une transfiguration dégradante, confinant le « père » des fables au statut d’inventeur génial, certes, mais aussi de piètre devancier. On ne sait en somme s’il faut considérer le poète français comme l’enfant prodige ayant fait fructifier l’héritage ou comme le fils prodigue dilapidant avec ivresse un legs dont il ne fut que le dépositaire infidèle. Père des fables et piètre devancier, Ésope fut en réalité beaucoup plus et beaucoup moins. Beaucoup moins d’abord, car si tant est même qu’il ait réellement existé, la seule chose que nous puissions vraiment dire de cet auteur « primitif » c’est qu’il n’a pas inventé le genre qui demeure indissociablement lié à son nom. Les fables en prose grecque attribuées à Ésope sont en réalité un conglomérat hétérogène de canevas narratifs allégoriques rédigés par des rédacteurs anonymes à des époques variées. Mais beaucoup plus aussi : la mention de son nom au seuil de tout fablier n’est pas sans rappeler l’épiclèse rituelle de l’épopée, c’est-à-dire l’invocation à la Muse tutélaire détentrice de la mémoire immortelle. Demeuré malgré le temps le protagoniste flamboyant d’une forme de roman d’apprentissage, la Vie d’Ésope, l’esclave de Phrygie est bien la seule muse, hideuse et contrefaite, dont l’apologue puisse se prévaloir : il en est même la caution, l’auctoritas. Si historiquement Ésope n’est rien – ou si peu ! – littérairement il demeure donc une figure fictionnelle d’une incroyable richesse.

Le recueil de Jean Ballesdens paru en 1645 en témoigne à l’évidence. Ésope y apparaît encore comme le véritable inventeur de la fable et même comme son hiéroglyphe. Sa « mauvaise mine » est à la hauteur de l’étendue de son esprit. Dans ces conditions, rien d’étonnant à ce que le genre auquel il a donné son nom ne soit pas ce qu’il paraît : comme Ésope l’apologue est double, la partie extérieure, visible par l’oeil de chair, peut rebuter, mais la partie cachée, accessible à l’oeil de l’esprit, est un trésor. Rompu à la lecture allégorique, le diligent lecteur, et au premier chef le prince appelé à régner, se gardera bien de dédaigner la perle trouvée sur le fumier des fables sous le prétexte que la fange de ces contes faits à plaisir lui sert d’écrin.

Jean Ballesdens exerce ici ses talents d’éditeur en se faisant le maître d’oeuvre d’une entreprise originale. Ami du grand collectionneur d’estampes Michel de Marolles et lui-même amateur de livres rares, il accomplit un travail subtil de marqueterie à partir de plusieurs fabliers et s’applique à l’éducation morale en inventant pour chacune des cent vingt-huit historiettes une double maxime. Son recueil qui procède à la fois de l’imitation, de l’adaptation et de l’innovation témoigne de la prégnance de l’esprit humaniste dans la constitution des lettres françaises du XVIIe siècle en même temps qu’il contribue à l’affirmation d’un goût nouveau appelé bientôt à devenir le goût classique.

Liste des participants et titre des articles :

Bernard Teyssandier: postface

Yannick Nexon, « Jean Ballesdens, un curieux au service de Pierre Séguier »

Antoine Biscéré, « Le fablier de Ballesdens : piraterie éditoriale ou translatio studiorum ?»

Paul-J. Smith, « Genèse et herméneutique d’un livre rare : pour une approche intermédiale du fablier de Ballesdens ».

Paola Cifarelli, « D’un usage politique de la fable au XVIIe siècle : Jean Ballesdens et Emanuele Tesauro »