Essai
Nouvelle parution
B. Karsenti, D'une philosophie à l'autre. Les sciences sociales et la politique des Modernes

B. Karsenti, D'une philosophie à l'autre. Les sciences sociales et la politique des Modernes

Publié le par Matthieu Vernet

Compte rendu publié dans Acta fabula (Mai 2014, vol. 15, n° 5) : "La philosophie politique à l’épreuve des sciences sociales" par Federico Tarragoni.

 

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Bruno Karsenti, D'une philosophie à l'autre - Les sciences sociales et la politique des Modernes
Paris : Gallimard, coll. "NRf Essais", 2013.

EAN 9782070771189

368 p.

Présentation de l'éditeur :
À l'origine, avec Socrate, la philosophie est une forme singulière de discours par lequel, selon les termes de Max Weber, on "coince quelqu'un dans un étau logique ". Acte politique de résistance à un certain dévoiement de la parole publique et politique, le dialogue philosophique exige de ses interlocuteurs non plus qu'ils se conforment à un type de vérité susceptible d'exposition doctrinale, mais qu'ils entrent dans sa recherche commune - que la vie commune se reconfigure à travers le type d'expérience dont la philosophie voudrait dégager le socle.

Or, avec l'émergence des sciences sociales au XIXe siècle, la situation change du tout au tout. La sociologie et les autres sciences sociales s'emparent, à l'âge démocratique, de la connaissance relative au gouvernement des hommes, aux groupements qu'ils forment, aux liens qui les rassemblent, aux régimes de pensée et d'action qu'on peut y rattacher. Auguste Comte appelle à passer de la philosophie métaphysique à une autre philosophie, positive, dont la seule fonction, ancillaire et résiduelle, est d'aider à la clarification et à l'articulation méthodologiques des travaux scientifiques.

L'enfermement des disciplines institutionnalisées dans leur champ respectif a fait le reste et convaincu chacune d'entre elle que la philosophie était seconde par rapport à leur rationalité propre. Assurément, les sciences sociales ont réalisé à leur tour quelque chose d'analogue à ce qui s'était passé dans la Grèce ancienne : elles tentaient d'imposer un nouvel " étau logique " au discours public, opposaient leur résistance mentale et normative à une conjonction délétère entre parole et pouvoir politique, et en définitive, n'ont depuis lors cessé de vouloir modifier la perception que les individus ont de leur existence dans la situation sociale et politique qui est la leur, en même temps que de trouver une manière d'agir sur et dans cette situation.

C'est justement à l'articulation de ces disciplines et ambitions, montre Bruno Karsenti, que la philosophie doit se déployer : si le discours des sciences sociales est bel et bien requis par le développement des sociétés modernes en ce qu'elles sont vraiment démocratiques, la philosophie se doit, elle, d'interroger cette exigence par delà toute contrainte imposée par la division en disciplines particulières.

Sociologue et philosophe, Bruno Karsenti est né en 1966. Directeur d'étude à l'EHESS, ses travaux se situent au croisement de la philosophie politique et des sciences sociales. Ses études portent en particulier sur Emile Durkheim, Marcel Mauss, Lucien Lévy-Bruhl, Gabriel Tarde ou Auguste Comte.