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Postures, 2022, 36 :

Postures, 2022, 36 : "De l’étude du vivant : la littérature au prisme des écologies"

Publié le par Vincent Ferré (Source : Rosemarie Savignac)

1.       Étude des milieux où vivent les êtres vivants, ainsi que des rapports de ces êtres avec le milieu. 

2.       Doctrine visant à un meilleur équilibre entre [l’être humain] et son environnement naturel ainsi qu’à la protection de ce dernier1

Le Petit Robert 

Le premier sens du mot écologie a aujourd’hui largement été éclipsé dans l’espace médiatique par son acceptation plus scientifique, celle qui renvoie à la protection de l’environnement. Pourtant, les deux définitions du terme concernent le monde du vivant, celui des relations entre les êtres qui partagent un même habitat : un « environnement culturel » chez Pierre Nepveu dans L’Écologie du réel (1999) ou même une planète entière, selon le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, qui désigne la Terre comme « la seule maison que nous ayons » (Nations Unies 2022, n.p.). Quels moyens la littérature offre-t-elle pour décrire, pour comprendre, pour reconcevoir cette maison? Que peut l’écriture à l’heure des changements climatiques et des conséquences sociales et environnementales catastrophiques qu’ils engendrent?

Pour le groupe de recherche « L'imaginaire botanique », dirigé par Rachel Bouvet et par Stephanie Posthumus, la représentation littéraire du végétal nous « invite à dépasser une vision anthropocentrée » (2020, n.p.) du monde dans laquelle la nature ne se comprend qu’en relation subalterne avec l’être humain. Pour susciter un « éveil écologique » et « réfléchir à une autre conception du temps » (Bouvet et al. 2020, n.p.), la littérature appelle à quitter le domaine du scientifique et à investir le monde du vivant en tant que phénomène poétique, où le végétal est sur le même pied que la conscience humaine.  

La littérature permet aussi le partage de connaissances par la vulgarisation scientifique. Pensons notamment à la biologiste marine Rachel Carson et à son célèbre essai Un printemps silencieux qui participa, dans les années 1960, à l’interdiction du pesticide DDT. Si Un printemps silencieux n’est pas, à proprement parler, un objet littéraire, il se réapproprie des stratégies littéraires telles que la fable, rendant ainsi le texte scientifique accessible à un lectorat plus large.



En outre, il y a lieu de s’intéresser aux « écofictions », genre littéraire et cinématographique étudié notamment par Christian Chelebourg dans son ouvrage Les Écofictions. Mythologies de la fin du monde. Ces dernières mettent en scène des représentations de la fin du monde, exploitant les peurs contemporaines à propos des conséquences de la pollution (tels que les changements climatiques), des désastres naturels ou des pandémies. D’autres genres, comme la dystopie et la science-fiction (notamment la science-fiction post-apocalyptique), exploitent aussi les enjeux du présent pour imaginer des futurs hypothétiques par le biais de la littérature. 



Les rapports entre écologie et littérature sont donc multiples. Ils donnent lieu à des réflexions qui dépassent la simple question environnementale et qui les lient à des problématiques politiques. Au sein du mouvement écoféministe, l’être humain et son exploitation sont au centre des préoccupations. Les écoféministes, de par la subordination qu’elles vivent dans leur rapport aux hommes, sont à même de saisir les logiques de la crise environnementale causée par la société capitaliste et patriarcale. « Féministes parce que les valeurs capitalistes et patriarcales de domination continuent de maintenir les conditions de destruction de la planète; écologistes notamment pour des raisons de justice » (2017, 11), déclarent Marie-Anne Casselot et Valérie Lefebvre-Faucher en introduction de l’ouvrage collectif Faire partie du monde : réflexions écoféministes. Sur le plan littéraire, cette mouvance trouve des échos notamment dans l’essai Pompières et pyromanes de Martine Delvaux (2021), qui s’applique à penser l’actualité politique au prisme de l’écoféminisme. Soulignons que celui-ci se décline sous plusieurs typologies (écoféminisme spirituel, antispéciste, décolonial, etc.) (Collectif 2017). 



Du côté des études décoloniales, le plus récent numéro de la revue Spirale « Écologies (dé)coloniales » lie la colonisation et la crise environnementale, rappelant, en introduction de son dossier, que les êtres humains ne sont pas les seules victimes du colonialisme : l’environnement et les territoires le sont aussi (Rodriguez-Lefebvre 2022, 10). Il lance aussi un avertissement au lectorat : plaquer la crise environnementale à tous les êtres humains relève « d’une forme d’universalisme pressé, qui insiste sur le fait que toute l’espèce humaine souffrira et que les différences – de genre comme de racialisation – seront ignorées par la nature déchaînée » (10). Malcom Ferdinand rappelle d’ailleurs, dans Une écologie décoloniale (qui fait s’entrecroiser récits historiques et théories), que « l’antiracisme et la critique décoloniale sont les clés de la lutte écologique » (Ferdinand cité dans Almeida 2022, 17). 

Pour ce trente-sixième numéro, Postures vous invite à étudier les liens que le texte littéraire tient avec son environnement, les façons par lesquelles il traduit les crises qui secouent notre monde à l’heure de l’anthropocène, et les manières par lesquelles il rend sensible l’«autre-qu’humain» (Hope 2019).

La thématique de ce numéro ouvre la porte à une multiplicité d’axes et d’approches : 

·       Écoféminisme;
·       Spécisme, antispécisme;
·       Géopoétique, géocritique;
·       Mise en fiction des crises environnementales;
·       Nature writing, écriture de l’autre-qu’humain;
·       etc. 

Les textes proposés, d’une longueur de 12 à 20 pages à double interligne, doivent être inédits et soumis en utilisant le formulaire conçu à cet effet, sous l’onglet « Protocole de rédaction » de notre page web (Protocole de rédaction // Soumission d’un texte), avant le 1er août 2022. La revue Postures offre également un espace hors dossier pour accueillir des textes de qualité qui ne suivent pas la thématique suggérée.

Veuillez accompagner votre article d’une courte notice biobibliographique qui précise votre université d’attache. Les auteur·rice·s des textes retenus — obligatoirement des étudiant·e·s universitaires, tous cycles confondus — devront participer à un processus de réécriture guidé par un comité de rédaction, avant leur publication.

Afin de favoriser la représentation d’une pluralité de voix dans les pages de Postures, le processus de sélection de textes de la revue comporte à présent des mesures d’inclusion. Les personnes racisées et les personnes issues des minorités de genre qui le souhaitent peuvent mentionner dans la notice biobibliographique qui accompagne leur soumission qu’elles veulent bénéficier de ces mesures (les informations que contiennent ces notices demeureront strictement confidentielles).


 
[1] Le Robert. s.d. « Écologie », Le Robert. Dico en ligne, s.d. https://dictionnaire.lerobert.com/definition/ecologie (Page consultée le 10 mai 2022)

Bibliographie

Almeida, Jade. 2022. « L’écologie depuis la Caraïbe : une approche lyrique de la décolonisation. Une écologie décoloniale. Penser l’écologie depuis le monde caribéen de Malcolm Ferdinand ». Spirale, no 278 : 17-19. 

Bouvet, Rachel, Marine Bochaton et Roxane Maiorana (dir.). 2020. Paroles d'arbres. Histoires de jardins. Université du Québec à Montréal : Figura, le Centre de recherche sur le texte et l'imaginaire.

Carson, Rachel. 2009. Un printemps silencieux. France : Wildproject.

Casselot, Marie-Anne et Valérie Lefebvre-Faucher (dir.). 2017. Faire partie du monde : réflexions écoféministes. Montréal : Remue-ménage.

Chelebourg, Christian. 2012. Les Écofictions. Mythologies de la fin du monde. Bruxelles : Les impressions nouvelles.

Collectif. 2017. Faire partie du monde : réflexions écoféministes. Montréal : Les éditions du remue-ménage.

Delvaux, Martine. 2021. Pompières et pyromanes. Montréal : Héliotrope.

Ferdinand, Malcom. 2019. Une écologie décoloniale. Penser l’écologie depuis le monde caribéen. Paris : Seuil.

Hope, Jonathan. 2019. « Qui vient manger? Sémiotique alimentaire humaine et autre-qu’humaine ». Cuizine 10, no 1. https://www-erudit-org.proxy.bibliotheques.uqam.ca/en/journals/cuizine/1900-v1-n1-cuizine04600/1059909ar/ (Page consultée le 10 mai 2022)

Nations Unies. 2022. « Climat : s’adapter ou disparaitre ». Centre régional d’information des Nations Unies pour l’Europe Occidentale, 28 février. https://unric.org/fr/climat-sadapter-ou-disparaitre/ (Page consultée le 10 mai 2022).

Nepveu, Pierre. 1999. L'Écologie du réel. Mort et naissance de la littérature québécoise contemporaine. Montréal : Boréal.

Le Robert. s.d. « Écologie », Le Robert. Dico en ligne, s.d. https://dictionnaire.lerobert.com/definition/ecologie (Page consultée le 10 mai 2022) 

Rodriguez-Lefebvre, Renato. 2022. « Écologies (dé)coloniales : présentation ». Spirale, no 278 : 10-12.