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Numéro spécial de Jeunesse : Young People, Texts, Cultures sur

Numéro spécial de Jeunesse : Young People, Texts, Cultures sur "le rire"

Publié le par Université de Lausanne (Source : Lauren Bosc)

Jeunesse : Young People, Texts, Cultures vous invite à soumettre un résumé en français ou en anglais sur le rire en relation avec les textes et la culture des jeunes pour un numéro spécial qui sera publié à l’été 2021.

Bien que l’idée même du rire puisse sembler inappropriée lors d’une pandémie, le nombre élevé de mèmes se moquant de la pandémie sur Internet indique que le rire s’est avéré thérapeutique pour plusieurs d’entre nous. Peu importe les difficultés vécues, le rire fait partie de la vie de beaucoup de gens dès l’enfance et tout au long de leur vie. Alors qu’à première vue, il peut sembler être simplement une expression innocente de l’amusement, le rire est en fait une forme d’expression beaucoup plus complexe. Un rire peut être soudain, ambigu, inattendu voire sinistre. Il peut s’agir d’un sursaut involontaire d’émotion ou il peut être stratégique, dérisoire et dédaigneux. Lorsqu’il est partagé, le rire peut favoriser le sentiment d’appartenance à la communauté tout en créant une distinction entre ceux qui y appartiennent et ceux qui n’y appartiennent pas. En effet, un rire déplacé peut être perçu comme une mauvaise interprétation des codes culturels. De plus, ce qui est considéré comique peut changer au fil du temps et est en grande partie déterminé culturellement, même si le rire lui-même est une forme d’expression remarquablement universelle malgré ses nombreuses formes et ses contextes divers. Étant à la fois une vocalisation omniprésente et non verbale exprimant la joie ou la gaieté (Bryant et coll. 1516) ainsi qu’un “multifaceted social signal” qui peut aussi servir de signal de rejet social (Ethofer 353), le rire a posé un défi important aux chercheurs en sciences, sciences sociales et humaines.1 Comme Bakhtine le note dans son introduction à Rabelais and his World, “[l]aughter and its forms represent [...] the least scrutinized sphere of the people’s creation” (4). En dépit du grand nombre de recherches et de réflexions philosophiques sur le rire, il semble que nous avons encore beaucoup à apprendre à ce sujet. Son importance est mise de l’avant par la tendance humaine à vouloir produire des rires en réponse au monde, à l’évoquer et à s’en inspirer sous toutes ses formes et genres, ainsi que dans la pratique culturelle quotidienne. Il s’agit sans doute d’un registre intégral de divertissement qui, comme le souligne Richard Dyer "offers the image of “something better” to escape into, or something we want deeply that our day-to-day lives don’t provide. Alternatives, hopes, wishes—these are the stuff of utopia, the sense that things could be better, that something other than what is can be imagined and maybe realized" (20).

Il ne fait aucun doute que le rire joue un rôle important dans les textes et cultures des jeunes, un rôle qui diffère considérablement de celui qu’il joue chez les adultes, bien qu’autant les adultes que les enfants peuvent rigoler en réponse aux médias pour enfants puisque ceux-ci s’adressent souvent à un double public (Butler 40). Dans les albums jeunesse, une esthétique scatologique indisciplinée et dégoutante peut provoquer des rires hystériques chez les enfants, dont les goûts et les connaissances limitées invitent à des engagements uniques avec le grivois. On pourrait affirmer que l’humour grivois tend à attirer un type de rire différent des enfants que des adultes, faisant de la recherche sur le rire des enfants un complément important et nécessaire à la recherche sur l’humour et la comédie dans la littérature jeunesse.2 Cette orientation peut être particulièrement importante en éducation à la petite enfance puisque, comme le souligne Laura Tallant, les chercheurs ont eu tendance à privilégier le rôle que joue l’humour chez les enfants d’âge scolaire (252). De plus, le rire peut fonctionner comme ressource interactionnelle. La recherche existante se concentre cependant de façon disproportionnée sur les adultes et le rire comme ressource interactionnelle chez les jeunes n’est pas bien compris. Gareth Walker soutient qu’il serait aussi important pour les enfants que pour les adultes de comprendre comment utiliser le rire d’une manière réflexivement responsable (20).

Le côté sombre du rire émerge aussi dans les textes et les cultures des jeunes, notamment dans le contexte de l’intimidation où il fonctionne comme un moyen d’articuler le pouvoir et le contrôle. Les représentations du rire ne servent pas toujours à s’évader, mais peuvent agir comme un déclencheur pour les jeunes lecteurs qui ont été victimes de rires hostiles. Témoignant des effets psychiques du rire malveillant, la peur du rire, appelée« gélotophobie », est un objet d’étude en recherche psychiatrique.3 Rire, ou être celui dont on se moque, peut déterminer la position sociale chez les enfants de la même façon qu’elle le fait chez les adultes. La fonction sociale du rire demeure un site clé de recherche critique pour les chercheurs qui étudient la culture des jeunes. La recherche en sciences sociales est donc aussi importante que la recherche en études littéraires ou culturelles afin de donner un sens au rire comme expression complexe, polyvalente, dynamique et puissante chez les jeunes.4

Afin de tenter de pallier certaines des lacunes dans la recherche sur le rire, nous invitons des articles qui offrent des analyses critiques du rire dans les textes et les cultures des jeunes pour un numéro spécial sur le sujet. Les analyses sociales ainsi que celles qui utilisent des approches historiques, littéraires, théâtrales, médiatiques ou culturelles sont les bienvenues.

Les articles peuvent aborder les sujets suivants, mais ne sont pas limités à ce qui suit :

  • Le rire et l’appartenance à la communauté : inclusion et isolement
  • La satire/parodie dans les médias pour enfants ; double public 
  • L’humour corporel, grivois et carnavalesque 
  • Le rire dérisoire ; le rire cruel ; la moquerie ; la gélotophobie
  • Le rire en tant que récompense, apaisant et/ou exécutant social
  • Le rire comme expression ; le rire et l’affect
  • Le rire à travers les cultures
  • Le rire et le sexe/genre ; l’orientation sexuelle ; les textes queer, les identités et les cultures
  • La sublimation, le rire/ les larmes et le rire qui gêne
  • La comédie, la comédie déjantée, l’horreur : le rire et les genres littéraires
  • La catharsis et l’annihilation
  • Le rire en tant que ressource interactionnelle 
  • Le rire et la contagion
  • Le rire et l’optimisme/pessimisme
  • Les clowns et rire 
  • Les mèmes amusants représentant des enfants et le regard adulte
  • Les bandes dessinées
  • Le rire dans les histoires, les films, la télévision, les jeux vidéo, les vlogs et autres médias conçus pour les jeunes ou créés et/ou consommés par eux 

Calendrier

  • Date de remise des résumés, rédigés en français ou en anglais: 1er juillet 2020
  • Les auteurs des résumés sélectionnés seront avertis vers le 15 juillet 2020
  • Date de remise des manuscrits finaux : 1er octobre 2020
  • Évaluations par les pairs : octobre 2020 à janvier 2021
  • Révision des manuscrits par les auteur.e.s en fonction des commentaires des évaluateur.trice.s : janvier à avril 2021
  • Publication : été 2021

Tous les articles seront soumis à un processus d’évaluation en double aveugle par les pairs et pourront être rédigés en anglais ou en français. Ils doivent compter environ 7000 mots.

Questions 

De plus amples renseignements sur les lignes directrices en matière de soumission sont disponibles à : 

http://jeunessejournal.ca/index.php/yptc/about/submissions#onlineSubmissions

 

Remarques

[1] Adrienne Wood et Paula Niedenthal vont plus loin pour faire valoir que « laughter can function as a social reward that reinforces the behaviour of the recipient as a social soother that conveys nonthreat and affiliation, and as a social enforcer that asserts dominance or superiority » (2).

[2] Dans une étude sur l’utilisation de l’humour scatologique dans les albums jeunesse, John McKenzie souligne que « the bawdy is part of the underground world of children » (82).

[3] Voir, par exemple, l’étude d’Ilona Papousek et coll. qui indique que « the fear of other person’s laughter is associated with a functional configuration of the brain that leaves affected people less protected against social signals of anger and aggression » (66). 

[4] Voir l’étude de Hackley et coll. sur la façon dont le rire fonctionne socialement chez les jeunes au Royaume-Uni.

 

Références bibliographiques

Bakhtin, Mikhail. Rabelais and his World. 1965. Trans. Hélène Iswolsky. Indiana University Press, 1984.

Bryant, Gregory, et al. “The Perception of Spontaneous and Volitional Laughter across 21 Societies.” Psychological Science, vol. 29, no. 9, 2018, pp. 1515-25.

Butler, Francelia. “Children’s Literature: The Bad Seed.” Signposts to Criticism of Children’s Literature, edited by Robert Bator, American Library Association, 1983, pp. 37-49.

Dyer, Richard. Only Entertainment. Routledge, 2002.

Ethofer, Thomas, et al. “Are You Laughing at Me? Neural Correlates of Social Intent Attribution to Auditory and Visual Laughter.” Hum Brain Mapp, vol. 41, 2020, pp. 353-61.

Hackley, Chris, et al. “Young Adults and ‘Binge’ Drinking: A Bakhtinian Analysis.” Journal of Marketing Management, vol. 29, no. 7-8, 2013, pp. 933-49.

McKenzie. “Bums, Poos and Wees: Carnivalesque Spaces in the Picture Books of Early Childhood. Or, Has Literature Gone to the Dogs?” English Teaching: Practice and Critique, vol. 4, no. 1, 2005, pp. 81-94.

Papousek, Ilona, et al. “The Fear of Other Person’s Laughter: Poor Neuronal Protection against Social Signals of Anger and Aggression.” Psychiatry Research, vol. 235, 2016, pp. 61-8.

Tallant, Laura. “Framing Young Children’s Humour and Practitioner Responses to it Using a Bakhtinian Carnivalesque Lens.” International Journal of Early Childhood, vol. 47, no. 2, 2015, pp. 251-66.

Walker, Gareth. “Young Children’s Use of Laughter as a Means of Responding to Questions.” Journal of Pragmatics, vol. 112, 2017, pp. 20-32.

Wood, Adrienne, and Paula Niedenthal. “Developing a Social Functional Account of Laughter.” Personal Psychol Compass, vol. 12, 2018, pp. 1-14.