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La contre-culture et ses marges

La contre-culture et ses marges

Publié le par Marc Escola (Source : Simon-Pier Labelle-Hogue (Université McGill))

Appel de propositions d’articles
La contre-culture et ses marges

Sous la direction de Simon Harel (Département de littératures et de langues du monde, Université de Montréal) et
Simon-Pier Labelle-Hogue (Département et langue et littérature françaises, Université McGill)

La contre-culture, voire les contre-cultures, ont fait l’objet de plusieurs travaux qui exposent à la fois la richesse et l’ambiguïté de ce syntagme (Bennett, 2014). On remarque en effet une concentration des études portant sur les sixties, où la contre-culture devient un élément indissociable des mouvances culturelles et contestataires de l’époque (Roszak, 1969; Rochon, 1979; Heath et Potter, 2005; Dogget, 2007; Larose et Rondeau, 2016). À l’inverse, plusieurs chercheurs traitent de la contre-culture en mettant de l’avant son caractère pluriel.

De ces travaux procèdent deux attitudes, puisque traiter des contre-cultures sous-entend une série de déclinaisons dans l’espace et le temps. Ainsi, plusieurs auteurs adoptent l’usage du pluriel pour rendre compte des interprétations individuelles du processus comme de la multiplicité des pratiques sociales afférentes en raison de son aspect polymorphe (Bourseiller et Penot-Lacassagne, 2013; Lacroix, Landrin, Pailhes, Rolland-Diamond et Landrin, 2015). Déjà en 1978, Jules Duchastel montrait que la contre-culture jouait sur les contrastes pour ainsi permettre à chacun de se forger une identité. D’autres publications, qui ont porté sur les contextes québécois (Warren et Fortin, 2015) et américain (Saint-Jean-Paulin, 1997; Robert, 2012), soutiennent quant à elles avec justesse que les modes d’appropriation de la contre-culture et de plusieurs de ses caractéristiques culturelles (pseudonymes, prénoms, coiffures, vêtements, musique, etc.) découlent, à tout le moins en partie, de l’opposition aux régimes parental et sociétal. Les jeunes issus du baby-boom auraient, dans cette optique, développé un ensemble de codes et pratiques en vue de s’ériger en faux des institutions canoniques, de telle manière que s’opposent le spectacle des grands rassemblements (manifestations, spectacles, événements) et les initiatives régionales (communes); le nomadisme (pèlerinages, road trips) et la sédentarité (sociétés alternatives); les nouvelles technologies et le retour à la terre; le nihilisme yippie et le pacifisme hippie; la culture underground et la culture populaire, de même que de nombreuses autres dyades.

Outre le contexte historique et intergénérationnel, la géographie culturelle et linguistique a eu un impact important sur la théorisation comme la modélisation des contre-cultures. Les écrits de certains penseurs, dont Aldous Huxley, Marshall McLuhan, Abbie Hofmann, Timothy Leary, Tom Wolfe et Wilhelm Reich, n’ont de fait dans plusieurs cas pas été traduits avant le début de la décennie 1970. Bien que plusieurs revues et organisations, par exemple l’Underground Press Syndicate, aient contribué à la traduction et la mise en circulation des textes fondateurs, notamment dans plusieurs espaces francophones, cela signifie que des philosophes ou théoriciens de langue française ont dû être mis à profit. Parallèlement à une « phase de rattrapage qui a consisté […] à assimiler les principales idées élaborées aux États-Unis et ensuite à les adapter » (Moore, 1973 : p. 364), les écrivains, artistes et autres contributeurs s’identifiant à la contre-culture ont ainsi puisé à même leur répertoire personnel, qui inclut tantôt Bataille, Burroughs, Brecht, Foucault, Marx ou Henri Lefebvre, tantôt les paroles des groupes et chanteurs à la mode (Beatles, Jefferson Airplane, Jimi Hendrix, Bob Dylan, The Doors, Frank Zappa) : en d’autres termes, une contre-culture plurielle à l’échelle humaine et en phase avec ses lieux de déploiement.

Une deuxième tendance, en croissance au cours des dernières années, tend à essentialiser le terme contre-culture afin de l’appliquer à des mouvements historiquement distants de la décennie 60. Alors que Roszak (1969), dans la définition qu’il propose du phénomène, met l’accent sur les concepts de technocratie, « un vaste impératif culturel imposant une conception scientifique, technique et industrielle, non seulement à l’organisation de la société, mais à toutes les sphères de la vie » (Rondeau, 2013) et dépeint la contre-culture comme une réponse aux enjeux et débats qui animaient l’Amérique de l’époque, plusieurs déplacent aujourd’hui l’étiquette pour l’apposer à toute attitude de révolte, que ce soit l’hacktivisme, les manifestations, les avant-gardes ou des figures mythiques telles que Prométhée (Jézo-Vannier, 2013). Ils entretiennent, par le fait même, la confusion déjà présente, au début de la décennie 80, et exprimée par Pierre Bourdieu, qui fait s’entrecroiser la contre-culture, les cultures underground et les sous-cultures : « Il faudrait s’entendre sur ce qu’on appelle contre-culture. Ce qui est par définition difficile ou impossible. Il y a des contre-cultures : c’est tout ce qui est en marge, hors de l’establishment, extérieur à la culturelle officielle » (Bourdieu 2002 [1984] : 11).

Comme le suggère cet argumentaire, ce dernier glissement ne sera toutefois pas pris en compte dans ce collectif, qui portera sur la configuration socioculturelle qui a animé les années 1960 et 1970, ainsi que sur ses origines et ses répercussions. Les contributions, qui seront d’une longueur, excluant la bibliographie et les notes, de 5 000 à 7 500; 10 000 à 15 000; 20 000 à 25 000 ou 35 000 à 40 000 caractères, selon la complexité de l’enjeu et la forme choisie, abordent l’un ou plusieurs de ces axes :

  • Les concepts-clés de la contre-culture (dépense, déterritorialisation, antiaméricanisme, performance, praxis, road trip, etc.);
  • Les origines (philosophiques, scientifiques, littéraires, artistiques, esthétiques, sociales, historiques) de la contre-culture;
  • Les pratiques issues de la contre-culture (écoles alternatives, New Age, festivals expérientiels ou transcendantaux, arts), tant dans les décennies 1960 et 1970 que dans les années qui ont suivi;
  • Les définitions, unifiées ou partielles, de la contre-culture, de même que les difficultés entourant sa datation et sa circonscription;
  • Les particularités des contre-cultures non-américaines (rapports entretenus avec la contre-culture américaine; études comparatives; spécificités sociales, politiques, artistiques; sources critiques ou théoriques; pratiques locales);
  • Les liens et pratiques qui unissent sinon clivent  les contre-cultures et les mouvements qui préexistaient ou ont accompagné son évolution (structuralisme, situationnisme, féminisme, droits des minorités ethniques et sexuelles);
  • Les réseaux d’influence locaux et  internationaux, littéraires ou culturels des différentes contre-cultures;
  • Témoignages et récits individuels.

Nous sommes cependant ouverts à toutes les variantes de la contre-culture, les approches comparées comme les réalisations insolites ou originales étant particulièrement les bienvenues. Les sujets de recherche qui n’ont pas été précédemment mentionnés ne sont donc pas exclus.

Les propositions, écrites en français ou en anglais, devront être acheminées avant le 30 avril 2017 à Simon-Pier Labelle-Hogue (simon-pier.labelle-hogue@mail.mcgill.ca) et seront d’une longueur approximative de 250 mots. Elles devront être accompagnées d’une biobibliographie d’environ 150 mots ainsi que d’une bibliographie de cinq à dix titres. Pour faciliter le processus de sélection, il serait d’ailleurs préférable que les propositions suivent ce format :

TITRE DE LA PROPOSITION :

Nom de l’auteur.e :

Affiliation institutionnelle :

Courriel :

Biobibliographie (environ 150 mots) :

Longueur (5 000-7 500; 10 000-15 000; 20 000-25 000; ou 35 000-40 000 caractères :

Résumé de la proposition (environ 250 mots) :

Bibliographie (5 à 10 titres) :

 

En vue d’accélérer le processus éditorial, le collectif et ses collaborateurs seront sujets au calendrier provisoire suivant :

Date limite de l’envoi des propositions : 30 avril 2017
Réponses aux auteur.e.s : 12 mai 2017
Réception de la première version des textes : 18 août 2017
Envoi des réponses définitives et propositions de modifications : 29 septembre 2017
Réception de la version définitive des textes : 3 décembre 2017
Envoi du manuscrit aux Presses de l’Université Laval : 8 janvier 2018
Publication : Automne 2018

Notez de plus que l’acceptation de la proposition ne résulte pas systématiquement en l’acceptation de l’article. Considérant les multiples pistes et la diversité des options, le comité éditorial aura à cœur tant la qualité des contributions que le maintien d’une unité fonctionnelle et d’un point de fuite.

 

Simon Harel
Département de langues et de littératures du monde
Université de Montréal
C.P. 6128, succursale Centre-ville
Montréal (Québec), Canada,  H3C 3J7
simon.harel@umontreal.ca

Simon-Pier Labelle-Hogue
Département de langue et littérature françaises
Université McGill
simon-pier.labelle-hogue@mail.mcgill.ca

 

Références :

Bennett, Andy. « Pour une réévaluation du concept de contre-culture », trad. Jedediah Sklower, Volume!, vol. 9, n° 1, 2012, p. 19-31.
Bourdieu, Pierre. Questions de sociologie, Paris, Éditions de Minuit, coll. « Reprise », 2002 [1984].
Bourseiller, Christophe et Olivier Penot-Lacassagne (dirs). Contre-cultures!, Paris, Éditions du CNRS, 2013.
Dogget, Peter. There’s a Riot Going On. Revolutionaries, Rock Stars and the Rise and Fall of ‘60s Counter-Culture, Edinburgh/New York/Melbourne, Canongate, 2007.
Duchastel, Jules. Théorie ou idéologie de la jeunesse : discours et mouvement social, thèse de doctorat, Montréal, Université de Montréal, 1978.
Heath, Joseph et Andrew Potter. La révolte consommée. Le mythe de la contre-culture,
trad. Michel Saint-Germain et Élise de Bellefeuille, Montréal/Paris, Trécarré/éditions Naïves, coll. « Naïve débats », 2005.
Jézo-Vannier, Steven. Contre-culture(s) : des Anonymous à Prométhée, Marseille, Le Mot et le Reste, coll. «  Attitudes », 2013.
Lacroix, Bernard, Xavier Landrin, Anne-Marie Pailhes et Caroline Rolland-Diamond (dirs). Les contre-cultures. Genèses, circulations, pratiques, Paris, Syllepse, coll. « La politique au scalpel », 2015.
Larose, Karim et Frédéric Rondeau (dirs). La contre-culture au Québec, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, coll. « Nouvelles études québécoises », 2016.
Moore, Marie-France. « Mainmise, version québécoise de la contre-culture », Recherches sociographiques, vol. XIV, n° 3, 1973, p. 363-381.
Reid, Malcolm. Notre parti est pris. Un jeune reporter chez les écrivains révolutionnaires du Québec, Québec, Presses de l’Université Laval, 2009.
Robert, Frédéric. De la contestation en Amérique : approche sociopolitique et contre-culturelle des Sixties, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012.
Rochon, Gaétan. Politique et contre-culture, LaSalle, Hurtubise HMH, 1979.
Rondeau, Frédéric. « Contre-culture », dans Anthony Glinoer et Denis Saint-Amand (dirs), Lexique Socius, 2014, URL : http://ressources-socius.info/index.php/lexique/21-lexique/60-contre-culture.
Roszak, Theodor, The Making of a Counter Culture, New York, Anchor Books, 1969.
Saint-Jean-Paulin, Christiane. La contre-culture. États-Unis, années 60 : la naissance de nouvelles utopies, Paris, Éditions Autrement, coll. « Mémoires », 1997.
Warren, Jean-Philippe et Andrée Fortin. Pratiques et discours de la contreculture au Québec, Québec, éditions du Septentrion, 2015.