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Appels à contributions
Fragments de ville(s) dans la littérature francopohone

Fragments de ville(s) dans la littérature francopohone

Publié le par Justine Brisson (Source : Leila Kerboubi)

Appel à contributions

Colloque international

15-16 octobre 2022 - Université  de Médéa
Faculté des Lettres et des Langues
Laboratoire de didactique de la langue et des textes


De plus en plus de romans appartenant à la francophonie peuvent être regardés comme des « récits d’espace » selon M. de Certeau (1990 : 170-191).  Ils affichent un lien particulier avec leur environnement urbain et des villes donnent leurs noms à des romans. Les villes ne constituent plus seulement une inspiration géographique ou un simple cadre ; c’est une véritable esthétique de la ville qui se met en place.

Selon Christina Horvath, l’écriture urbaine s’est même constituée en genre littéraire à part entière en France et le « roman urbain » doit être regardé comme « un récit de fiction se déroulant dans une ville contemporaine » (Horvath, 2007 : 32). Il « décrit la ville comme une structure urbaine et en fait son point focal, voire son véritable protagoniste ». (Horvath, 2007 : 245). Ce qui vaut pour la France, vaut-il pour la littérature francophone ? Peut-on là aussi parler de roman urbain ?

La ville n’est ni le lieu ni le paysage, M. Collot l’a montré (2011 : 58) : le paysage suppose un face à face et de la distance alors que la ville est un espace dépourvu d’horizon. La ville engloutit l’homme, il est dedans, pris dans son labyrinthe. Aspiré par le tourbillon d’un univers urbain très complexe, l’homme se trouve intégré dans la ville (Collot, 2011 : 69). De ce point de vue, M. de Certeau distingue « la ville- panorama », ce « simulacre théorique », et « la ville habitée » comme un « espace pratiqué » et vécu par ses habitants (1990 : 141). C’est cet aspect de la ville comme pratique et comme vécu, dans sa complexité, sa pluralité et sa profondeur, que nous proposons comme objet de réflexion et de débat.

La ville a  constitué un motif littéraire de prédilection chez les écrivains colonisés.  Ses représentations  sont  liées à l’opposition  ville-campagne, le personnage  principal étant souvent  un jeune   écolier   qui   aspire  à  changer  son   destin de  villageois en intégrant  le  système d’instruction  de  l’autre  dans  une  confrontation  de  deux  milieux culturels et urbains très différents. Dans les textes les plus récents, la ville  est toujours présente  mais s’ouvre sur d’autres   perspectives. Elle est parfois contemplée, rêvée fantasmée,  mais souvent, honnie et présentée comme impure, insalubre et menaçante. De leurs pays d’exil, certains  chantent la nostalgie de la terre  d’origine, de la ville d’enfance ; d’autres rendent la ville responsable de leurs peines et malheurs, ville prison,  grand cimetière où finissent enterrés les espoirs et  les rêves.   La ville c’est le pays, « le bled », on maudit la ville pour le pays, on cherche  à la fuir. Entre deux villes : ville natale et ville d’accueil, le bonheur tant attendu et espéré se trouve suspendu.

Dans les textes, surgissent souvent les fragments d’une mémoire malheureuse et brisée, entre cité, quartier, rue, immeuble ou logement. S’y dessine, en morceaux, le destin souvent cruel d’hommes et de femmes. S’y raconte, avec la ville, le quotidien des citadins dans le langage de la ville, car la ville a aussi son langage, sa musique et ses chansons : « Ma ville est silencieuse, elle tue ceux qui dénoncent. Crie et meurs dans ta cage, dans le silence et le mépris, Ye lmekninne ezzine [1]».

Les récits captent des moments et « des fragments de l’ambiance urbaine» (Cherubini, 95: 82). Défilent alors des  images  à  la  manière de  cartes postales  où  se  cristallise  un  sourire  ou  un regard : le paysage de la ville et de la mémoire. Dans les textes, le passé vient alors peser de tout son poids sur la conscience pour ressusciter des souvenirs dans ces espaces où il faisait autrefois, bon  vivre. La ville,  entre  hier  et  aujourd’hui,  a-t-elle vraiment changé ?
 
La ville est là, présente, envahissante, on se méfie de l’excès de la ville ; les personnages suffoquent, elle les domine et les écrase. Les auteurs en font un personnage avec une voix et un visage, une mémoire et une histoire. C’est une femme, tantôt belle, tantôt laide, elle raconte ses épopées, ses contes et ses légendes. C’est une mère, on la vénère, on finit par revenir toujours vers elle. La ville, parait-il, pervertit les hommes ; elle en fait des monstres ou des fantômes.

En temps de guerre et de sinistre, on pleure les morts, on pleure la ville en ruines. Les yeux hagards, on fuit la mort, la ville n’est plus, mais il reste ces liens qui unissent les hommes que la littérature tend  à re-tisser. Les  écrits  de  l’évènement  extrême,  qu’il  soit  de  cause  humaine  ou  naturelle, prolifèrent ; ils répondent au besoin de témoigner et de mettre en fiction la catastrophe en milieu urbain. Une réflexion  est  souvent  engagée sur le vivre-ensemble et la recréation  collective  de  la  ville :  « Le  temps  humain  venait  de  se  glisser  dans  les soixante secondes qu'ont duré les premières violentes secousses sismiques [2] ».

 La ville, c’est aussi la rue, un lieu de vie et de mouvement.  On y décrit l’ambiance urbaine,  le  vacarme,  la  tension  et  la  discorde.  C’est  un  lieu  de  paradoxes  et d’effervescence sociale. On y trouve « l’âme collective » (Gustave le Bon 2002 :12), le peuple et le public sollicités lors des conflits et des affrontements pour le pouvoir. Mais la rue est pernicieuse car c’est là que se constitue « l’âme de la foule » (Gustave le Bon 2002 :12).  La  foule,  un  phénomène  du  milieu  urbain,  intrigue  surtout  depuis  les printemps arabes. On prend la foule ou c’est elle qui nous prend, c’est le « monstre aux millions de têtes » (Hippolyte Taine, 1986 : 295) :  « La foule appelle la foule, la haine, la curiosité, la peur, l’oisiveté, la conviction, l’erreur, l’attente, la vengeance… [3] ».  

La ville exhibe ses signes et ses enseignes, ses textes et ses images. Elle subit aussi la colère et la révolte de ces « marcheurs » qui la dégradent et la violentent, ils inscrivent sur ses murs leur émoi et désarroi, on y lit et on y déchiffre mille illusions et désillusions. Selon de Certeau, « les marcheurs » sont ceux qui pratiquent la ville, la transforment, « la distordent, fragmentent et détournent de son ordre » (de Certeau, 2011 : p.139- 142), ils écrivent la ville mais ne peuvent la lire ou la saisir dans sa totalité ; par opposition aux « voyeurs » qui, d’un point élevé (le haut d’un immeuble), échappent à l’emprise de la ville » et arrivent à la lire, mais dont ils se sentent exclus. (de Certeau, 2011 : p.139-142).

La ville est ainsi un objet complexe et fuyant situé au carrefour de plusieurs disciplines : géographie,  sociologie,  sociolinguistique  urbaine,  anthropologie,  musicologie,  etc. L’objectif de ce colloque est de comprendre le regain d’intérêt actuel pour la ville en interrogeant ses manifestations et ses représentations dans la littérature francophone. La réflexion reste ouverte à d’autres champs pour questionner, dans le cadre d’une approche transdisciplinaire, le rapport de la ville à l’identité, à la culture, à la langue, etc.

Notes
[1] Samir Toumi, Alger, le cri, barzakh, 2013, p.113.
[2] Dany Lafferière, Tout bouge autour de moi, Paris, Grasset & Fasquelle, 2011, p. 89.
[3] Riyad Girod, Les Yeux de Mansour, barzakh, 2018, p.18.

Axes de réflexion proposés :

L’imaginaire de la ville 
La quotidienneté citadine 
Ambiance urbaine
Les figures de l’urbanité
La ville : l’identité ou la différence ? 
Le roman urbain
La ville "au miroir de la catastrophe"
Les mémoires de la ville La ville et l’exil  
Les musiques urbaines 
La grande ville : la métropole
Les pratiques de la ville
Les écritures dans la ville : slogans, graffitis, tags, etc.
La ville et ses parlers 
La photographie dans l’écriture de la ville

Modalités de participation :

Les propositions de communication en français ou en anglais ne dépassant pas les 300 mots et accompagnées d’une courte bio-bibliographie sont à adresser aux deux adresses électroniques suivantes : maissaleila@hotmail.com et chadli-djqouida@yahoo.fr

Calendrier :

Date butoir de soumission des propositions : 30 juillet 2022
Le colloque se tiendra les 15 et 16 octobre 2022.

Bibliographie indicative :

BACHELARD G., La Poétique de l’espace, Paris, PUF, 1983.  
CHEMAIN R., La Ville dans le roman africain, Paris, L’Harmattan, 1981.
CHEVAIER M., La Littérature dans tous ses espaces, Paris, CNRS, 1992.
CALVET L.-J., Les Voies de la ville. Introduction à la sociolinguistique urbaine, Paris, Payot et Rivages Essais Payot, 1994.
COUSSY D., La Littérature africaine moderne au sud du Sahara, Paris, Éd. Karthala, 2000.
COLLOT M., La Pensée-paysage, Philosophie, Art littérature, Arles/ Versailles : Actes Sud /ENSP, 2011.
COLLOT M., Pour une géographie littéraire, Paris, Corti, 2014.
CERTEAU M (de) [1980]., L’Invention du quotidien, 1 : art de faire, Paris, Gallimard, coll. « Folio Essais », 1990.
CERTEAU M (de) [1980]., L’Invention du quotidien 2 : habiter, cuisiner, Paris, Gallimard, coll. « Folio Essais », 1994.
FONKOUA R., Écriture des villes, Université de Cergy-Pontoise, 1995. HORVATH C., Le Roman urbain contemporain en France, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2007.
KERBAT M.-C., Leçon, littéraire sur la ville, Paris, PUF, 1995.
LEFEBVRE H., Le Droit à la ville suivi d’Espace et politique, Paris, Anthropos, 1972,
(1ère éd. 1968).
LE BON G., Psychologie des foules, Paris, Presses universitaires de France, 2002, (1ère éd. 1895).
MONDADA L., Décrire la ville. La construction des savoirs urbains dans l'interaction et dans le texte, Paris, Anthropos, 2000.
MENELGADO H., Les Imaginaires de la ville, entre littérature et arts, Rennes, PUR, 2007.
ROUDAUT J., Les Villes imaginaires dans la littérature française, Paris, Hatier, 1990.
RONCAYOLO M., La Ville et ses territoires, Paris, Gallimard, 1997.
TAINE H., Les Origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime, La Révolution : L’anarchie-La conquête jacobine, tome I, Paris, Robert Laffont, 1986, (1ère éd.1875).
WEBER M., La Ville, Paris, Aubier Montaigne, 1982.
WESTPHAL B., La Géocritique. Réel, fiction, espace, Paris, Minuit, 2007.

Responsables :

Leila Kerboubi, Djaouida Chadli

Publication des actes :

Les actes de ce colloque paraîtront dans la revue Didactiques du Laboratoire de Didactique de la Langue et des Textes (LDLT) de l'Université de Médéa.

Comité d’organisation :

Kheïra Bentenfif, Université de Médéa
Oum Elkheïr Gaada, Université de Médéa
Abdelazziz Abbas, Université de Médéa
Sahraoui Lafrid, Université de Médéa
Hayet Raissi, Université de Médéa
Nassima Khiatine, Université de Médéa
Sonya Hadidi, doctorante, Université Alger2
Ahmed Mouzgharit, doctorant, Université Alger2

Comité scientifique :

Président du comité : Djamel Kadik,Universitéde Médéa
Catherine Brun, Université Sorbonne Nouvelle
Françoise Simonet-Tenant, Université Sorbonne
Guy Dugas, Université Paul Valery-Montpellier 3
Buata Malela, Université de Mayotte
Mustapha Trabelssi, Université de Sfax
Hélène Celdran, Collège universitaire d’Østfold, Norvège  
Arsène Blé Kain, Université Alassane Ouattara, Côte d'Ivoire
Jędrzej Pawlicki, Poznań, Université AdamMickiewicz
Abdelkrim Kaaboub, ENS Bouzereah, Alger
Kahina Djerroud, ENSV
Assia Kacedali, Université d’Alger2
Abdelkrim Benslim, Université Aïn Témouchent
Mohamed Rafik Benaouda, Université de Médéa
Ludmiya Yaagoub, Université de Médéa
Chafia Ammi, Université de Médéa
Bachir Bouattou, Université de Médéa
Abdelkader RassoulL, Université de Médéa
Abdelkader Kermezli, Université de Médéa
Sid Ahmed Tassist, Université de Médéa
Belkacem Aissani, Université de Médéa
Sarah Kouider Rabah, Université de Blida2
Imène Ouahib, Université de Blida2