
M. Olah, (R)écrire les mythes sous l'oppression. Poétiques et langues croisées:Yannis Ritsos et Sándor Weöres
Myriam Olah,
(R)écrire les mythes sous l'oppression.
Poétiques et langues croisées: Yannis Ritsos et Sándor Weöres,
Lit Verlag, collection "Poethik Polyglott", 2021.
EAN13 : 9783643913388.
Persécuté sous la dictature des colonels, Yannis Ritsos(r)écrit les mythes grecs (Orphée, Médée et Perséphone) pour exprimer sa résistance à l'oppression. Censuré sous le régime communiste hongrois, le poète Sándor Weöres recourt au même procédé pour s'élever contre la voix unique de la propagande et du pouvoir totalitaire. L'étude comparative de leurs poèmes à partir de leurs langues d'origine respectives, étayée par des traductions de travai, démontre la puissance poétique et politique inhérente à la réénonciation des mythes dans le temps présent. La consultation d'archives apporte un éclairage inédit sur les contextes énonciatifs de ces deux oeuvres majeures de la création poétique européenne.
Myriam Olah enseigne la littérature comparée à l'Université de Lausanne.
Table des matières
Introduction
1. Comparer : un exercice de décentrement 1
2. La (re)configuration des mythes 3
3. Les contextes de l’oppression 5
4. L’apport de la traduction pour l’analyse 11
5. Enjeux méthodologiques de la comparaison 15
Première partie
(Re)configurer les mythes dans le contexte de l’oppression politique
1. « Paratopie » de l’écrivain sous l’oppression :
une généricité poétique en décalage 22
2. La poésie de Yannis Ritsos en réponse à l’interdiscours nationaliste
2.1. Mythologisation et historicisation : ancrage dans l’actualité 26
2.2. Des choix génériques marqués par la déportation 33
2.3. Redéfinition du terme « étranger » (ξένος) 39
2.4. Mise en musique 41
3. La poésie de Sándor Weöres en réponse à l’interdiscours communiste
3.1. Abstraction et anthologisation des mythes 44
3.2. Dictat du réalisme versus langage poétique 46
3.3. « Rôles sans position » ? 53
3.4. Le rythme au cœur des choix génériques sous la censure 62
Deuxième partie
Scénographies et voix du poète : Orpheus et A Orphée (Στὸν Ὀρφέα)
1. Composition et traduction
1.1. Sortir du silence : Orpheus dans le recueil La tour du silence
(A hallgatás tornya) 75
1.2. A Orphée (Στὸν Ὀρφέα) et ses variations cotextuelles dans le recueil Pierres Répétitions Barreaux (Πέτρες Ἐπαναλήψεις Κιγκλίδωμα) 98
2. « Scènes de parole »
2.1. Orpheus par Sándor Weöres :
illustration de la « scène de parole » 118
2.2. A Orphée (Στὸν Ὀρφέα) par Yannis Ritsos :
une « scène de parole » dans le silence 126
3. Dialogues intertextuels
3.1. L’impact de l’intertextualité sur les « scènes de parole » 129
3.2. Développement dans la quadrilogie d’Orpheus 131
3.3. A la recherche d’une intertextualité « pré-homérique » 145
3.4. Condensation dans A Orphée (Στὸν Ὀρφέα) 151
3.5. Les indices intertextuels comme marqueurs de mémoire 157
Troisième partie
Divergences énonciatives :
La toison d’or (Τὸ χρυσόμαλλο δέρας) et Medeia
1. La toison d’or (Τὸ χρυσόμαλλο δέρας) de Yannis Ritsos
1.1. Texte, cotextualité et traductions françaises 164
1.2. Une énonciation associée à l’épreuve 171
1.3. L’objet mythologique en tant que matière poétique 178
1.4. Changements énonciatifs et mise en exergue de la guerre :
la poésie en tant que témoignage 189
2. Medeia de Sándor Weöres
2.1. Texte et traduction inédite 196
2.2. Cotextualité et dialogues intratextuels 238
2.3. Traduire la subjectivité kaléidoscopique 243
2.4. Dialogues intertextuels et effacement des voix
au profit du mouvement 248
2.5. L’impact énonciatif sur la généricité : variations génériques 257
3. La toison d’or (Τὸ χρυσόμαλλο δέρας) et Medeia :
comparaison sur le plan énonciatif
3.1. Croisement avec la tragédie d’Euripide 264
3.2. L’épopée d’Apollonios de Rhodes en tant qu’axe de
comparaison 268
3.3. Poèmes ouverts sur le passé et sur le présent
de la mémoire collective 271
3.4. Délégation de voix 279
Quatrième partie
(Re)configurations génériques autour de Perséphone (Περσεφόνη) et
d’Eros pleurant Perséphone (Persephonét sirató Eros)
1. Composition des monologues de la Quatrième dimension (Τέταρτη διάσταση)
autour de Perséphone (Περσεφόνη)
1.1. Le recueil de la Quatrième dimension (Τέταρτη διάσταση) 284
1.2. Mémoires de guerre 289
1.3. Généricités de l’exil 293
1.4. Généricité tragique : l’isotopie du masque 298
1.5. Chrysothémis (Χρυσόθεμις) précédant Perséphone
(Περσεφόνη) dans le recueil 302
2. (Re)configurations poétiques de l’Hymne homérique :
Perséphone (Περσεφόνη) et Eros pleurant Perséphone (Persephonét sirató Eros)
2.1. Perséphone (Περσεφόνη) de Yannis Ritsos 306
2.2. Eros pleurant Perséphone (Persephonét sirató Eros) 319
de Sándor Weöres
2.3. Comparaisons de la trame narrative autour du rapt 323
2.4. Ombres et contrastes : deux (re)configurations génériques du mythe de Perséphone
3. La polyphonie face au pouvoir
3.1. Texte suivant Perséphone (Περσεφόνη) dans le recueil :
Ismène (Ἰσμήνη) 335
3.2. Poétique de la mémoire 341
3.3. Croisement des voix poétiques autour de Tirésias 343
Conclusion
1. Montrer les spécificités 349
2. Lire/comparer aujourd’hui 352
Références bibliographiques
1. Œuvres 355
2. Etudes 361
*
Extrait de l'introduction : "Comparer: un exercice de décentrement"
Croiser deux poètes largement étudiés dans leurs cultures respectives, grecque et hongroise, transmettre au lecteur francophone la portée de leur œuvre nécessite un double décentrement. Qu’apporte la comparaison en langue française de deux auteurs qui ont écrit en grec et en hongrois ? Une évidence : l’éclairage de la langue. C’est pourquoi cette étude analysera les textes à partir de la langue originale, en proposant des traductions inédites. De plus, elle comparera les traductions françaises pour mettre en valeur les différences, en s’inscrivant dans la continuité des recherches effectuées par les spécialistes de Yannis Ritsos et de Sándor Weöres. La bibliographie disponible principalement en grec moderne et en hongrois permettra de les faire connaître auprès du lecteur francophone.
Comme le dit Dominique Grandmont (2015: 56), traduire, c’est « écrire dans sa langue à l’écoute d’une autre ». En plus d’un long travail traductorial, la comparaison entre des poètes soumis à la censure, ayant écrit dans deux contextes différents, apporte un éclairage sur le processus de (r)écriture des mythes déployé par Yannis Ritsos et par Sándor Weöres.