
Isabelle Nières-Chevrel: La littérature d'enfance et de jeunesse entre la voix, l'image et l'écrit (Bibliothèque comparatiste)
Bibliothèque comparatiste
Auteur: Isabelle Nières-Chevrel
Titre: La littérature d'enfance et de jeunesse entre la voix, l'image et l'écrit
Date de publication: 30/01/2011
Publication: Vox Poetica
Adresse originale (URL): http://www.vox-poetica.org/sflgc/biblio/nieres-chevrel.html
Isabelle Nières-Chevrel: La littérature d'enfance et de jeunesse entre la voix, l'image et l'écrit
La représentation la plus courante que les adultes cultivés se font de la littérature d'enfance et de jeunesse est liée à sa mission sociale d'auxiliaire éducatif. Il n'y a là rien d'infondé. Les premiers écrivains pour enfants furent largement des précepteurs et des enseignants ayant pris la plume à l'intention de leurs élèves ; leurs écrits étaient pensés comme un matériau pédagogique1 . Entre le milieu du XVIIIe siècle et la fin du XIXe siècle, tous les grands pays européens ont inventé une littérature de fiction, correspondant aux étapes du développement de l'enfance et de l'adolescence, et susceptible de plaire aux jeunes lecteurs tout en leur transmettant les valeurs du groupe. En France, cette littérature, qui dans un premier temps n'a pas de nom, se voit désignée autour des années 1830 par l'expression Livres d'éducation, avant que ne s'y substitue celle de Livres d'enfants (1843), puis de Littérature enfantine (1865). Ce n'est que dans les années 1980 que s'impose l'expression Littérature d'enfance et de jeunesse2 .
Mais réduire la littérature d'enfance et de jeunesse à la mission que la société lui assigne, c'est courir le risque d'être aveugle à son autre versant, à ce qu'elle peut comporter d'invention littéraire et artistique. On risque de passer à côté de ce qui pourrait constituer les fondements de sa singularité esthétique, encore qu'il me faille préciser que cette singularité me semble plus évidente dans la littérature d'enfance que dans la littérature de jeunesse.
L'enfant "entre en littérature" par l'écoute, par la vue, puis par la lecture. Un tout-petit est endormi par une berceuse. Plus âgé, il apprend des chansons et des comptines, il se fait raconter des histoires, puis il regarde les images de l'album que l'adulte lui lit à voix haute. Lorsqu'il aura appris à lire, il pourra revenir sur l'album découvert auprès d'un adulte, en lire seul le texte, tout en s'arrêtant sur les images. Quand il passera à des lectures de plus grande ampleur, la majorité des recueils et des romans qui lui seront proposés seront accompagnés d'illustrations. C'est par ce second versant, à l'interaction des capacités enfantines et du « matériau » mis en oeuvre, que je voudrais aborder la littérature d'enfance et de jeunesse dans ses conditions de création, dans son esthétique et dans sa circulation internationale3 .
Lire la suite