
Sur le site BibliObs.com, cet article de Laurent Binet sur
Chez un nombre croissant d'écrivains et, semble-t-il, de lecteurs, il n'y a pas de question plus passionnante, brûlante, obsédante, que la question du mal. Pour traiter cette question, la méthode désormais la plus répandue et, dit-on, la plus efficace, consiste à inventer un récit dont le narrateur est un bourreau qui raconte ses souvenirs, nous fait part de ses réflexions et ses exploits. Par le biais de ce subtil procédé littéraire, on peut plonger dans la conscience d'êtres maléfiques (fictifs): SS, guerriers hutus, tortionnaires en Algérie... Ainsi pense-t-on atteindre la vérité profonde du mal. Aux quelques pinailleurs qui objectent que peut-être cette «méthode» n'offre pas toutes les garanties de fiabilité heuristique qu'on serait en droit d'attendre, ou aux rares pisse-froid qui émettent de temps à autre l'idée que le résultat n'est pas forcément très respectueux des victimes, les fervents partisans du recours à la fiction opposent toujours les trois mêmes arguments: la littérature est supérieure à l'histoire pour appréhender le réel; le romancier a tous les droits; on ne fait pas de littérature avec des bons sentiments.
Charlotte Lacoste, dans «Séductions du bourreau», pulvérise ces lieux communs éculés au terme d'une extraordinaire démonstration où elle met toute sa rigueur d'universitaire à démystifier ceux qu'elle appelle les «fictionneurs», avec une opiniâtreté, une fougue, une intelligence et une verve tout à fait réjouissantes. On sait déjà que la jeune femme ne publiera pas d'autres livres: son entreprise de démontage des déclarations imprudentes du gratin des écrivains, journalistes, critiques et historiens ne lui sera pas pardonnée.
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