APPEL À COMMUNICATIONS
(English version below)
La misopédie dans la littérature et les arts contemporains
(Misopédie III)
Université de Limoges, Faculté des Lettres, France
Les 8 et 9 octobre 2026
Colloque international transdisciplinaire organisé par Cécile Kovacshazy, Maîtresse de conférences habilitée en littératures comparées
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La misopédie est la haine des enfants (comme on parle de misogynie, à propos des femmes). C’est le sentiment de mépris – le plus souvent inconscient – qu’on porte aux plus jeunes, le rejet qu’on leur fait subir dans le fonctionnement de la polis. Être ou avoir été un·e enfant est la seule et unique expérience universelle commune à tous les êtres humains de la planète. Et pourtant, de générations en générations se reproduit une incapacité à entrer en lien empathique avec l’enfance, une fois qu’on l’a quittée. Cette misopédie n’est pas universelle mais elle est assez répandue et elle varie bien sûr selon les époques et les lieux.
Les adultes s’autorisent pour la plupart et presque en permanence quantité de faits et gestes sur les enfants que tout adulte en mesure de se défendre refuserait avec véhémence : contraindre à rester assis des heures à un âge où le mouvement physique est un besoin et non un loisir, crier dessus, imposer des heures précises pour uriner, taper des plus faibles que soi, menacer, soumettre à des chantages, punir de ressentir des émotions (rappelons que la colère est l’expression naturelle d’une limite non respectée… l’œuf vient de la poule qui vient de l’œuf), faire de l’humour oppresseur, etc.
Mais précisément, les enfants, dans notre société actuelle, n’ont pas de possibilités de se défendre, parce qu’ils sont physiquement plus faibles, parce qu’ils n’ont aucune autonomie financière, sociale et émotionnelle et, plus grave, parce qu’ils ne sont pas protégés par le droit. À ce jour, les enfants constituent en effet la seule population encore privée de droits fondamentaux, c’est-à-dire cantonnée au statut juridique de « mineur », statut qui était encore celui des femmes en France jusqu’en 1938 voire 1965.
Ces violences constituent un continuum. Et en 2025 les chiffres officiels estiment que rien qu’en France, toutes les 3 minutes un enfant subit une agression sexuelle. Cela est rendu possible parce qu’en amont de cette agression existent des habitus de domination voire d’écrasement très solides, le plus souvent au nom de « l’éducation ». Pourquoi les adultes s’autorisent individuellement et systémiquement tant de violences à l’égard des plus jeunes ? Pourquoi l’équidignité semble-t-elle si peu réalisable ? La misopédie apporte une réponse à ce questionnement.
Jusqu’à présent, de nombreux travaux scientifiques internationaux ont étudié les phénomènes de domination et de discrimination en fonction des appartenances ethniques ou raciales, en fonction du genre, de l’orientation sexuelle, du choix religieux, des populations discriminées et dominées. L’étude de l’âgisme (la discrimination liée à l’âge) se développe, mais elle concerne en général les personnes les plus âgées ou les « jeunes », c’est-à-dire des personnes n’étant plus des enfants. Étonnamment les différents ouvrages consacrés au care, aux États-Unis ou en France, oublient presque systématiquement cette immense partie de la population qui ne peut survivre sans recevoir du care : les enfants.
Un tout premier colloque international et transdisciplinaire a eu lieu en octobre 2024 à l’Université de Limoges, visant à définir la notion de misopédie. Poser les bases académiques de cette recherche permet d’expliquer l’adultisme structurel qui caractérise notre société actuelle. Après avoir analysé le concept et montré que tous les champs disciplinaires sont concernés par ce phénomène, un deuxième colloque en octobre 2025 a permis de continuer la réflexion. Le deuxième colloque s’est consacré à la misopédie dans les institutions. En effet, les institutions, y compris celles qui ont pour objectif de protéger, éduquer ou soigner les jeunes, peuvent activement contribuer à nourrir la misopédie systémique.
Pour ce troisième colloque, nous aborderons un autre aspect socio-culturel essentiel dont toute la population se nourrit : les représentations artistiques des relations d’âge incluant les plus jeunes. Films, téléfilms, romans, pièces de théâtre, musiques populaires, chorégraphies, etc. jouent un rôle fondamental et colossal dans la transmission de repères intersubjectifs et institutionnels misopèdes ou, au contraire, enfantistes. L’imaginaire est un levier puissant pour coloniser l’esprit avec certaines idéologies (la misopédie correspond à l’idéologie selon laquelle les enfants seraient mauvais par nature), ou au contraire pour offrir des représentations alternatives et émancipées.
Pour ce troisième colloque, comme pour les deux précédents, on se concentrera sur la période contemporaine.
Depuis l’organisation du premier colloque il y a deux ans, la société française a beaucoup évolué dans la prise de conscience de sa misopédie structurelle. La nécessité d’une approche intersectionnelle enfantiste et éco-enfantiste est patente pour le monde de la recherche.
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Calendrier :
- 9 février 2026 : date limite pour l’envoi des propositions
entre une demi-page et une page de résumé, un titre, une bibliographie et une courte biographie.
Contact : cecile.kovacshazy@unilim.fr
Les propositions seront considérées en double lecture anonymisée.
- 23 mars 2026 : décision du comité scientifique
- 9-10 octobre 2025 : colloque en présentiel à l’Université de Limoges ainsi qu’en visioconférence uniquement pour les personnes résidant loin de France.
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Comité scientifique :
Laelia Benoit, pédopsychiatrie, Yale University, USA
Tanu Biswas, philosophie de l’éducation, Universitetet i Stavanger, Norvège
Anandini Dar, child studies, BML Munjal University, India
Eleonora Florio, psychologie, Università degli studi di Bergamo, Italie
Cécile Kovacshazy, littératures comparées, Université de Limoges, France
Mathilde Lévêque, littératures françaises, Université de Sorbonne Paris Nord, France
Toby Rollo, sciences politiques, Lakehead University, Canada
John Wall, philosophie, Rutgers University, USA
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Bibliographie :
BELL John, Understanding Adultism: A major obstacle to developing positive youth– adult relationships. YouthBuild USA, 1995.
BENOIT Laelia, Infantisme, Paris, Seuil, 2023.
BISWAS Tanu, « Childist Theory in the Humanities and Social Sciences », Children & Society, 2023.
BONNARDEL Yves, La Domination adulte. L’oppression des mineurs, Méréville, Le Hêtre Myriadis, 2015.
BOURDILLE Claire, Enfantisme, La Mer salée, 2025.
BURMAN Erica, « Child as method and/as Childism: Conceptual-political intersections and tensions », Children & Society, 37 (4), p. 1021-1036, 2023.
BRAUNMÜHL Ekkehard von, Antipédagogie. Études sur l’abolition de l’éducation [1975], Méréville, Le Hêtre Myriadis, 2025.
Collectif, Émanciper l’enfance. Comprendre la domination adulte pour en finir avec la violence éducative, Méréville, Le Hêtre Myriadis, 2024.
COTTON Marc-André, Au nom du père : les années Bush et l’héritage de la violence éducative, Paris, L’Instant présent, 2014.
DELANOË Daniel, Les Châtiments corporels de l’enfant, Toulouse, Érès, 2017.
DELPHY Christine, « L’état d’exception : la dérogation au droit commun comme fondement de la sphère privée », Nouvelles Questions Féministes, vol. 16, n° 4, p. 73-114, novembre 1995 (repris dans L’Ennemi principal).
DUMOUCH Rodolphe-Amaury, « Esquisse d’un tableau géographique des droits-libertés pour les jeunes pré-majeurs en Europe », Revue Géographique de l’Est, vol. 58, Espace Légal, la géographie rencontre le droit, 2018.
DURAND Édouard, 160 000 enfants : violence sexuelle et déni social, Paris, Gallimard, 2024.
DUSSY Dorothée, Le Berceau des dominations. Anthropologie de l’inceste, Marseille, La Discussion, 2013.
FLASHER Jack, « Adultism », Adolescence, 13/51, p. 517-523, 1978.
FLETCHER Adam, Facing adultism, CommonAction Publishing, 2015.
GARNIER Pascale, « L’agency des enfants. Projet scientifique et politique des Childhood studies », Éducation et sociétés, 35/2, p. 159-173, 2015.
GRAY Peter, Libre pour apprendre [Free to learn, 2015], Arles, Actes Sud, 2016.
JUUL Jesper, À qui appartiennent les enfants ? Réflexions sur la petite enfance [Who do children belong to?], traduit de l’anglais par David Dutarte, Paris, Fabert, 2016.
JUUL Jesper, Le Parent chef de meute : l’autorité aujourd'hui au regard de l’histoire [Leader of the pack: Parental leadership of the future on a historical perspective], traduit de l’anglais par David Dutarte, Paris, Fabert, 2019.
KOVACSHAZY Cécile, MILOVANOVIC Daliborka, DELANOË Daniel, ALLEGRET Gabriel, « Les mots pour dire la domination adulte et les violences faites aux enfants », L’Humanité, 12 février 2024.
KOVACSHAZY Cécile (dir.), Misopédie. La domination adulte dans les discours contemporains, Le Hêtre, 2025.
LANCY David F., Anthropologie de l’enfance. Perspectives sur la place et le statut des enfants [2008], Méréville, Le Hêtre Myriadis, 2024.
LEFRANÇOIS, Brenda A., « Adultism », Encyclopedia of Critical Psychology, Thomas Teo (dir.), New York, Springer, p. 47-49, 2014.
LÉVÊQUE Mathilde, « Les Childhood Studies en France : esquisses d’un domaine à construire », Magasin des enfants, 9 février 2017 (en ligne).
LIEBEL Manfred et MEADE Philip, Die Macht der Erwachsenen über die Kinder. Eine kritische Einführung, Berlin, Bertz + Fischer, 2023.
MAUREL Olivier, La Violence éducative, un trou noir dans les sciences humaines, Paris, L’Instant Présent, 2012.
MAUSE Lloyd De, The History of Childhood: The untold Story of Child Abuse, London, Bellew, 1974.
MENDEL Gérard, Pour décoloniser l’enfant : socio-psychanalyse de l’autorité, Paris, Payot, 1971.
MILLER Alice, C’est pour ton bien [Am Anfang war Erziehung, 1980] Paris, Aubier, 1985.
MILOVANOVIC Daliborka, Punk Parenting, Méréville, Le Hêtre Myriadis, 2024.
Mouvements, « Interroger la domination adulte », Vanina Mozziconacci, Juliette Rennes, Nicolas Duval-Valachs, Marie Esclafit, Régis Revenin, Claire Batailler (éd.), Paris, La Découverte, n° 115, 2023.
NOVAT Lucile, De grandes dents. Enquête sur un petit malentendu, Paris, Zones, 2024.
PARDO Thierry, Au nom du pire, Méréville, Le Hêtre Myriadis, 2020.
LEPRI Jean-Pierre, « Éducation » authentique : pourquoi ?, Forges-les-Bains, Myriadis, 2017.
PITERBRAUT-MERX Tal, « Enfance et vulnérabilité. Ce que la politisation de l’enfance fait au concept de vulnérabilité », Éducation et socialisation, n° 57, 2020.
PIETERBRAUT-MERX Tal, La Domination oubliée. Politiser les rapports adulte-enfant, Toulouse, éditions Blast, 2024.
ROMAGNY Vincent (éd.), Politiser l’enfance, Laurel Parker Book et Burn-août, 2021.
SALMONA Muriel, Le Livre noir des violences sexuelles, Paris, Dunod, 2013, rééd. 2018 et 2022.
SINNO Neige, Triste Tigre, Paris, P.O.L., 2023.
SOMMER Dion, PRAMLING SAMUELSSON Ingrid, HUNDEIDE Karsten, Child Perspectives and children’s perspectives in theory and practice, Dordrecht – London, Springer, 2010.
SUNDHALL Jeanette, « A Political Space for Children? The Age Order and Children’s Right to Participation », Social Inclusion, 5 (3), p. 164-171, 2017.
WADSWORTH Sarah, 2015. « The Year of the Child: Children’s Literature, Childhood Studies, and the Turn to Childism », American Literary History, 27 (2), p. 331-341, 2015.
WALL John, « Human Rights in Light of Childhood », International Journal of Children’s Rights, 2008, 16, 4, p. 523-543.
WALL John, Give Children the Vote: On Democratizing Democracy, Bloomsbury Publishers, 2022.
WALL John, « Theorizing Adultism: From Adult Domination to Normative Disempowerment », Childhood: A Journal of Global Child Research, 2025, p. 1-17.
YOUNG-BRUEHL Elisabeth, Childism: Confronting Prejudice Against Children, Yale University Press, 2012.
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CALL FOR CONTRIBUTIONS
Misopedia in contemporary arts and literature
(Misopedia III)
University of Limoges, France
October 8th and 9th 2026
Misopaedia refers to the hatred of children (in the same way that misogyny refers to the hatred of women): the most often unconscious feeling of contempt brought upon the youth, a rejection of the children from the ways of the polis. Being or having been a child is the one and only shared universal experience for every human being on the planet. And yet, generation after generation, humans seem unable to empathize with childhood after outgrowing it. What we call here misopaedia might not be universal, but it is fairly widespread, and it varies according to time and place.
The fact is most adults would strongly refuse to endure what they impose on children on a daily basis. If they were in a capacity to defend themselves, adults wouldn’t agree to: being forced to sit still for hours, when physical movement is a basic need, being shouted at, being given precise times for urinating, being hit, being threatened, being blackmailed, being punished for showing emotions (remember that anger comes along as a natural expression when a limit has not been acknowledged... the egg comes from the hen, that comes from the egg), being mocked with oppressive sarcasm, and so on.
Our concern is precisely that children in today’s society have no way of defending themselves. They are physically weaker, they have no financial, social or emotional autonomy and, most importantly, they are not protected by the law. To this day, children are the only population group still deprived of fundamental rights, or in other words confined to the legal status of ‘minor’. The same was true about women in France until 1938, if not until 1965.
This violence is experienced as a continuum. In France in 2025, the authorities estimate that 1child is sexually assaulted every 3 minutes. Upstream, this alarming number coincides with very strong habitus of dominating and overpowering the children, mostly in the name of ‘education’.
Why do adults individually and systematically allow themselves so much violence towards younger people? Why does equal dignity seem so unattainable? Misopedia provides an answer to this question.
To date, a large body of international scientific work has shown domination and discrimination as phenomena, in the light of ethnic or racial affiliation, gender, sexual orientation and religious choice. Meanwhile, the study of ageism (age discrimination) is developing, but it generally concerns the oldest people or the ‘young’, i.e. people who are no longer children. Surprisingly, the various researches regarding to care, in the United States and France, almost systematically dismiss the huge part of the population that cannot survive without receiving care: children.
A first-ever international and transdisciplinary conference was held in October 2024 at the University of Limoges, aiming to define the concept of misopedia. Laying the academic groundwork for this research helps explain the structural adultism that characterizes our current society. After analyzing the concept and demonstrating that all disciplinary fields are concerned by this phenomenon, a second conference in October 2025 allowed for further reflection. This second conference focused on misopedia within institutions. Indeed, institutions, including those whose objective is to protect, educate, or care for young people, can actively contribute to fostering systemic misopedia.
For this third conference, we will address another essential socio-cultural aspect that influences the entire population: artistic representations of age relationships including young people. Films, television movies, novels, plays, popular music, choreography, and so on, play a fundamental and enormous role in the transmission of either misopedic or, conversely, childist intersubjective and institutional markers. The imagination is a powerful tool for colonizing the mind with certain ideologies (misopedic thinking refers to the ideology that children are inherently bad), or, on the contrary, for offering alternative and emancipated representations.
For this third conference, as for the two previous ones, we will focus on the contemporary period.
Since the first conference two years ago, French society has made significant progress in recognizing its structural misopedia. The need for an intersectional, childist, and eco-childist approach is evident to the research community.
International and interdisciplinary conference organized by Cécile Kovacshazy
Associate Professor accredited to supervise research in Comparative Literature
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Timetable:
- 9th February 2026: deadline for submitting proposals.
Contact: cecile.kovacshazy@unilim.fr
Between half a page and one page, a short bibliography, a title, a short biography.
Proposals will be considered under an anonymous double reading procedure.
- 23 March 2026: decision by the scientific committee.