Rencontres Internationales Proustiennes ARIPIC :
Proust et les langues minoritaires ou minorées
Organisées par l'ARIPIC (Association des Rencontres d'Illiers-Combray),
la SCAMP (Société Catalane d'Amis de Marcel Proust)
et la Faculté de Traduction et Interprétation Universitat Autònoma de Barcelona (UAB).
28-29 septembre 2026
Faculté de Traduction et Interprétation UAB / Ateneu Barcelonès (Barcelone)
Une des découvertes que réalise le Narrateur de la Recherche lors de son séjour à Doncières est le fait que quelques soldats ne savent pas parler français. Ils sont bretons et communiquent entre eux dans cette langue propre à la Bretagne. Cet épisode, qui se déroule dans Le Côté de Guermantes (RTP, II, 437), n'est pas du tout isolé, car Marcel Proust réfléchit tout au long de la Recherche aux langues dites "régionales" etaux dialectes comme faisant partie d'une réflexion plus profonde sur la langue en général. Dans les Rencontres de l'ARIPIC qui vont de dérouler en 2026 à la Faculté de Traduction et Interprétation de l'Université Autonome de Barcelone, nous proposons d'examiner un aspect jusqu'alors peu exploré, celui de la présence des langues "minoritaires" ou "minorées" (la dénomination même est problématique et relève d'un point de vue politique) dans le roman proustien.
Il est évident que Marcel Proust avait une sensibilité spéciale en ce qui concerne la langue et il aime à introduire plusieurs accents dans son roman. Même à un niveau biographique, Jean-Marc Quaranta raconte dans sa récente biographie d'Alfred Agostinelli, combien l'écrivain était à l'écoute du dialecte italien que parlait son ami d'origine monégasque. Quel rôle jouent ces langues sans État qui font leur entrée en littérature de la main de George Sand par exemple, l'une des premières à revendiquer dans ses romans champêtres les langues du terroir comme un patrimoine aussi riche que les paysages ? Ou bien Nerval, qui louait la belle langue des paysans. Il ne faut pas oublier, d'ailleurs, que Marcel Proust a fréquenté le cercle d'Alphonse Daudet, membre du Félibrige, mouvement de revendication de l'Occitan, qui comptait avec le soutien d'Anna de Noailles ou Émile Zola, qui a participé en 1853 au congrès d'Ais (Aix). Sans oublier John Ruskin qui fait une référence élogieuse aux "Scottish paraphrases" dans ses mémoires Praeterita (1907).
D'un autre côté, et en suivant les thèses de Tiphaine Samoyault développées dans Traduction et violence, il s'avère intéressant d'analyser le parcours traductif de la Recherche dans ces langues qui sont restées à l'ombre des langues d'État (c'est-à-dire, celles qui n'ont un État en référence mais restent nationales) et qui petit à petit trouvent leur voix grâce à un mouvement récent de sensibilité écolinguistique. Par exemple, dans le Proust-Monde, de Blanche Cerquiglini, Antoine Ginésy, Étienne Sauthier, Guillaume Lefer et Nicolas Bailly, il apparaît un tableau où on peut trouver des langues comme le catalan ou le basque. Parmi d'autres traductions "inattendues", et qui ont fait l'objet d'une série d'interviews dans le blog Proustonomics par Nicolas Ragonneau, est celle en macédonien, une langue avec un état de création récente, Macédoine du Nord en 1991, sans oublier le cas précisément opposé aux langues minoritaires qu’est l’espéranto qui cherche l’universalisme. D'un point de vue culturel, comment peut-on aborder la traduction des clichés culturels dans le passage d'une langue d'État vers une autre de domaine "régional" ?
Finalement, d'un point de vue plus théorique, on peut se poser la question suivante : quelle est la place qu’occupent toutes ces langues "autres" que le français dans la Recherche dans la quête de l'écrivain pour forger une langue individuelle et un peu métisse, comme l’analyse Sylvie Pierron dans son travail Ce beau français un peu individuel : Proust et la langue ? “La seule manière de défendre la langue, c’est de l’attaquer”, écrit Proust dans « Sur la lecture ». Écrire dans d'autres langues appartenant à la France serait-il donc une manière d'attaquer le français ? Par ailleurs, comment se positionne-t-il face aux théories de Rousseau exposées dans son Essai sur l'origine des langues ?
Possibles questions à développer :
1. La présence des langues minoritaires dans À la recherche du temps perdu.
2. La sensibilité de Proust vis-à-vis des dialectes (voir l'exemple d'Agostinelli étudié par Jean-Marc Quaranta).
3. Proust et le Félibrige : la relation avec Alphonse Daudet, ami de Frederic Mistral.
4. Les accents régionaux dans la Recherche.
5. Quelle est la place des langues minoritaires et des dialectes dans la quête d'une langue particulière et individuelle que l'écrivain revendique ?
6. Actualité de la traduction de la Recherche dans de langues "minoritaires" ou "minorisées".
7. Quelle est la signification du fait que le héros de la Recherche apprend le dialecte de Françoise et comment interpréter le lien entre ce « patois » et le français idéalisé de Saint-André-le Champs ?
9. Quel est l'apport, en termes d'imaginaire, des "langues régionales" dans la Recherche et quel est son lien avec le médiévalisme ?
10. Quels sont les auteurs qui l'ont influencé à ce sujet ?
11. Comment traduire les variations diatopiques présentes dans la Recherche ?
12. Actualité de la traduction de la Recherche dans des langues minoritaires ou minorisées.
13. Comment traduire les clichés culturels entre langues d'État et langues minoritaires ou minorisées ? Langues et transfert culturel.
14. Particularités régionales de la première traduction anglaise de la Recherche réalisée par un Écossais : C. K. Scott Moncrieff.
15. La récente traduction de la Recherche en espéranto.
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Axes de recherche
1. Les voix dialectales et régionales dans la Recherche.
2. La place des langues "autres" que le français dans la quête proustienne d'une langue individuelle.
3. La traduction de la Recherche et langues minoritaires et minorisées.
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Voir également au sujet des langues minorées l'Appel du Colloque LEEL 2026
https://ecrire.sciencesconf.org/resource/page/id/6
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Bibliographie
ATHIAS, Béatrice, La Voix dans À la recherche du temps perdu, Paris, Classiques Garnier, 2020.
BEAULIEU, Étienne, « Une langue nourricière, politique de la prose (Rousseau, Sand) » dans Penser la Révolution française : auteurs et textes oublié, Tangence, 106, 2014.https://journals.openedition.org/tangence/1660
CERQUIGLINI, Blanche, GINÉSY, Antoine, SAUTHIER, Étienne, LEFER, Guillaume, BAILLY, Nicolas, Proust-Monde Quand les écrivains étrangers lisent Proust, Paris, Folio Classique, 2022.
FINDLAY, Jean, Chasing Lost Time: The Life of C.K. Scott Moncrieff: Soldier, Spy and Translator, Chato & Windus, 2014.
HENROT SOSTERO, Geneviève et LAUTEL-RIBSTEIN, Florence eds., Traduire À la recherche du temps perdu, Classiques Garnier, Revue d'Études Proustiennes, 2015-1, nº1.
LUCEY, Michael, What Proust Heard, Novels and the Ethnography of Talk, University of Chicago, 2022.
MCBREA, Barry, «The great silence in Combray: Proust et le Patois », dans Languages of the Night: Minor languages and the Literary Imagination in Twentieth-Century Ireland and Europe, Yale University Presses, 2015, p. 121-146.
NATUREL, Mireille, - « Proust et Les Maîtres sonneurs de George Sand », Bulletin Marcel Proust n° 67, 2017, p. 113-121.
PENESCO, Anne, Oralité du texte et écriture des voix dans À la recherche du temps perdu, Paris, Éditions Garnier, 2020.
PIERRON, Sylvie, Ce beau français un peu individuel : Proust et la langue, Paris, Presses Universitaires de Vincennes, 2005.
QUARANTA, Jean-Marc, Un amour de Proust, Paris, Bouquins, 2021.
QUINTANE, Nathalie, Ultra-Proust Une lecture de Proust, Baudelaire, Nerval, Paris, La fabrique éditions, 2017.
SAMOYAULT, Tiphaine, Traduction et violence, Paris, Éditions du Seuil, 2020.
VERNA, Marisa, Proust, une langue étrangère, Paris, Classiques Garnier, 2020.
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La proposition de communication est à envoyer pour le 1er mars 2026. Elle doit se composer de 3500 caractères (espaces compris), soit environ une page. Langue de communication : français, catalan et espagnol.
Envoyer les propositions à l'adresse électronique : Barcelona2026@gmail.com
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La revue Quaderns de Traducció prévoit la publication des articles après révision et acceptation.
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Comité scientifique : Glòria Farrés (Espagne), Valèria Gaillard Francesch (Espagne), Francesc Garreta (Espagne), Yvonne Goga (Roumanie), Kirsten von Hagen (Allemagne), J.M.M. Houppermans (Pays-Bas), Mireille Naturel (France).