Masculinités en chantier : imaginaires du masculin dans la littérature, les arts et les productions médiatiques, 1980-2025 (Univ. de Sherbrooke)
APPEL À COMMUNICATIONS
MASCULINITÉS EN CHANTIER :
IMAGINAIRES DU MASCULIN DANS LA LITTÉRATURE, LES ARTS ET LES PRODUCTIONS MÉDIATIQUES (1980-2025)
Université de Sherbrooke, Campus de Longueuil
14 et 15 mai 2026
Dans la foulée du mouvement #MeToo, nombreux ont été les appels à la déconstruction des normes genrées qui reconduisent l’idéal de l’homme viril, dominant, autosuffisant et impassible. La remise en cause des codes de la masculinité hégémonique (Connell) – ou masculinité dominante – a favorisé l’émergence de nouveaux modèles masculins, caractérisés par une sensibilité accrue, une ouverture au dialogue et à l’assomption de la vulnérabilité. Elle s’est toutefois heurtée à de vives critiques, tant chez les tenants de la tradition que chez certaines féministes, qui ont souligné les limites d’une telle entreprise.
Dans les sphères conservatrices, dont l’influence est en nette progression à l’échelle planétaire, les efforts pour redéfinir la masculinité ont été perçus comme un signe de décadence et accueillis avec hostilité. La réactualisation de modèles traditionnels, à l’instar du « mâle alpha » promu par des figures comme Andrew Tate et Jordan Peterson, de même que les restrictions imposées à la recherche sur le genre aux États-Unis sont autant de symptômes d’une contre-offensive idéologique qui vise aussi bien à réaffirmer la virilité du mâle qu’à maintenir la concentration du pouvoir dans les mains des hommes, cela dans un contexte de reconfiguration des rôles genrés.
La critique féministe, quant à elle, considère au mieux que les tentatives de réforme des idéaux masculins demeurent largement insuffisantes, au pire qu’elles constituent de simples récupérations opportunistes. Comme le souligne Raewyn Connell, la masculinité hégémonique possède une capacité d’adaptation qui lui permet de reconduire sa position cardinale, même sous couvert de transformation. Ainsi, une part de la critique féministe appelle moins à l’élaboration de nouveaux modèles de masculinité qu’à une déconstruction radicale du système sexe/genre (Wittig, [1980] 2018 ; Butler, [1990] 2005 ; Emcke [2013] 2018 ; Möser 2022 ; Clochec 2023), qu’elle considère comme le fondement de l’asymétrie entre les genres.
Nous proposons d’interroger la façon dont les productions culturelles contemporaines dialoguent avec ces discours sur la masculinité. Les œuvres ne se contentent pas de refléter les normes sociales : elles les rejouent, les contestent, les détournent, les réinventent (De Lauretis, [1987] 2007). Elles constituent ainsi un lieu privilégié pour observer les mécanismes de construction et de négociation des identités masculines, mais aussi pour accéder à des formes incarnées de masculinité tantôt marginales, tantôt dissidentes, toujours singulières. Car la masculinité est un idéal normatif et n’existe pas en tant que réalité homogène : ce sont les masculinités, dans leur diversité et leur conflictualité, qui s’expriment dans les œuvres aussi bien que dans nos vies quotidiennes.
Ce colloque invite à mobiliser des approches féministes, queer et décoloniales pour appréhender la production des représentations des masculinités littéraires, artistiques, médiatiques comme des gestes sociaux, historiques, économiques et situés. À ce titre, nous suggérons les pistes de réflexion suivantes : quels enjeux sont principalement soulevés dès lors que le masculin est figuré ? Quels dispositifs narratifs ou esthétiques sont mobilisés dans les œuvres pour mettre en scène les identités masculines ? Peut-on entrevoir, à travers les œuvres, une évolution dans la façon dont les masculinités sont dépeintes depuis les années 1980 ? Les productions contemporaines convoquent-elles toujours la masculinité hégémonique ? Si oui, dans quel but : pour la valoriser, la questionner ou la disqualifier ? Quelle place est accordée aux masculinités queer, racisées, autochtones, handicapées ou appartenant à tout autre groupe marginalisé ?
In fine, il s’agit de réfléchir aux configurations du masculin qui se dessinent dans les productions culturelles contemporaines en rapport avec le pouvoir.
Axes
Masculinités traditionnelles
Motifs masculins canoniques (ex. voiture, technique, chasse, pêche, sport)
Masculinités queer
Drag kings, drag queens et autres gender benders
Masculinités autochtones
Masculinités racisées
Homo quebecensis : masculinités en contexte québécois
Figures de la paternité
Masculinité, vulnérabilité et précarité
Masculinité et sexualité
Masculinité et néolibéralisme
Masculinité, performance et performativité
Masculinité et environnement : vers un écomasculinisme ?
Homosocialité, dynamiques de groupe, camaraderie, rivalité, solidarité
Ritualités du devenir homme : enfance, adolescence, âge adulte, vieillesse
Configurations du masculin dans la littérature des femmes
Dépôt des propositions
Les propositions de communication (300 mots), accompagnées d’un titre provisoire et d’une courte notice biographique, doivent être envoyées à l’adresse colloque.masculinites@gmail.com au plus tard le vendredi 30 janvier 2026.
Comité d’organisation
Isabelle Boisclair (Professeure, Université de Sherbrooke)
Stéphanie Proulx (Stagiaire postdoctorale, Université de Sherbrooke)
Bibliographie
BOISCLAIR, Isabelle (dir.) (2008), Nouvelles masculinités (?) : l’identité masculine et ses mises en question dans la littérature québécoise, Québec, Nota Bene.
BOISVERT, Stéfany (2017), « Le trouble silencieux des hommes en série : la “masculinité en crise” dans les séries télévisées dramatiques nord-américaines centrées sur des personnages masculins », Genre en série, no 5, p. 213-246.
BOURDIEU, Pierre (1998), La domination masculine, Paris, Seuil.
BUTLER, Judith ([1990] 2005), Trouble dans le genre : le féminisme et la subversion, Paris, La Découverte.
CLOCHEC, Pauline (2023), Après l’identité : transitude et féminisme, Paris, Hystériques et AssociéEs.
CONNELL, Raewyn ([1995] 2005), Masculinities, 2ème édition, Berkeley, University of California Press.
DE LAURETIS, Teresa (2007), « La technologie du genre », Théorie queer et cultures populaires : de Foucault à Cronenberg, trad. de Marie-Hélène Bourcier, La Dispute, coll. « Le genre du monde », p. 37-94.
EMCKE, Carolin ([2013] 2018), Notre désir, trad. d’Alexandre Plateau, Paris, Seuil.
HALBERSTAM, Jack (2018), Female Masculinity, Durham, Duke University Press.
MÖSER Cornelia (2022), Libérations sexuelles : une histoire des pensées féministes et queers sur la sexualité, Paris, La Découverte.
WITTIG, Monique ([1980] 2018), La pensée straight, Paris, Éditions Amsterdam.