
Genre, mémoire et sources II. Journées d’étude jeunes chercheur·se·s 2026 de la SFR ALLHiS (Saint-Etienne)
Journées d’étude jeunes chercheur·se·s 2026 de la SFR ALLHiS – 5e édition
Genre, mémoire et sources II
9 – 10 avril 2026 à l’Université Jean Monnet, Saint-Étienne.
D’un point de vue historiographique et méthodologique, ces journées d’étude, intitulées « Genre, mémoire et sources II », ont pour objet la rencontre de deux champs de recherche au centre des débats actuels : la mémoire et le genre. En effet, après les premiers travaux sociologiques de Maurice Halbwachs dans les années 1930 comme Les Cadres sociaux de la mémoire et La Mémoire collective, une relecture et une application de ce champ de recherche se retrouve progressivement dans toutes les disciplines des sciences humaines et sociales. Ce phénomène conduit T. Späth à parler, pour les années 1980, d’un « tournant mémoriel » qui succède au tournant spatial, comme l’illustre la parution entre 1984 et 1992 des Lieux de mémoire sous la direction de Pierre Nora. La multiplication des publications sur ce sujet est révélatrice de l’interrogation croissante sur les processus d’élaboration du souvenir, ainsi que sur leurs rôles et usages politiques, culturels et sociaux, durant toutes les périodes historiques et pour toutes les aires géographiques. À la suite de nombreux travaux mêlant mémoire et espace, il est apparu central pour de nombreux·ses chercheur·se·s de prendre en compte l’influence de la mémoire et de l’espace dans la construction du genre. Outil d’analyse apparu premièrement dans les domaines psychologiques et psychiatriques, le genre (gender), tel qu’il est employé aujourd’hui en sciences humaines et sociales, a été conceptualisé par les théoriciennes féministes étasuniennes des années 1970. Ce concept a pour fondement théorique la distinction entre le sexe biologique et le sexe social ainsi que les rapports de pouvoir qui s’ancrent dans la confusion entre ces deux objets. Par cette rapide définition on peut deviner l’enrichissement notable des problématiques en alliant les études de genre à celles de la mémoire. L’intersection de telles questions s’inscrit dans l’héritage des études culturelles venues des États-Unis, qui ont rapidement croisé gender et memory studies, comme en atteste en 1996 la première édition de l’ouvrage Gender and Memory de Selma Leydesdorff, Luisa Passerini et Paul Thompson.
L’association des deux outils conceptuels « mémoire » et « genre » permet d’interroger aussi bien la construction politique et sociale du genre – notamment en portant une attention particulière aux droits et aux devoirs assignés à chacun·e –, l’effacement de certains individus jugés « déviants » et plus généralement « ennemis » d’une nation ou d’un État ainsi que leur résistance pour ne pas tomber dans l’oubli, tout aussi bien que la place de la mémoire et son usage dans toutes les strates sociales.
Axes de recherche :
- La manière dont la mémoire écrit le genre : si l’on distingue bien histoire et mémoire, les mêler tous deux au miroir des observations qui nous sont contemporaines peut donner lieu à une forme d’anachronisme. Pourtant, l’anachronisme peut être vertueux et permettre au chercheur ou à la chercheuse d’éclairer le passé par rapport à la réception présente qu’il peut en avoir pour mieux saisir le fonctionnement du présent. Cependant, un tel processus n’existe pas sans heurts puisque la démarche mémorielle est à cet égard entièrement dépendante du contexte dans lequel elle s’exerce. À ce titre, il paraît pertinent de l’historiciser au prisme du genre, à travers les sources.
- Ce que le genre fait à la mémoire : la mémoire n’est pas neutre[1]. Se souvenir est une conduite intrinsèquement sociale puisque cet acte permet de pallier l’absence. La mémoire porte donc la trace du passé, reconstruit en vertu des cadres que nous offre la société. C’est l’ensemble des récits qui sont faits au présent qui orientent la perception de la mémoire passée et peuvent conduire à mettre l’emphase sur certains aspects, ou, au contraire, à en occulter d’autres, expliquant l’existence de mémoires androcentriques dans les sociétés patriarcales, par exemple.
- La mémoire par les actes : certaines sociétés, à l’instar de celles de l’Antiquité romaine, réfléchissent constamment en termes de modèles passés véhiculant des valeurs centrales. C’est ce que Catherine Baroin nomme la « mémoire du présent[2] » : la distance par rapport au passé est loin d’être aussi nette que pour nous, contemporains, tant il constitue un référent moral absolu omniprésent dans l’espace, les gestes et les discours. Plus largement, cet axe propose de s’intéresser aux différents régimes de la mémoire dans les sociétés anciennes et modernes et les modalités par lesquelles elles enregistrent et utilisent le souvenir d’actes fondateurs.
- Mémoires et statuts : quelles sont les spécificités de la mémoire des individus qui présentent une forme d’infériorité ou qui sont considérés comme déviants face à une majorité sociale, culturelle ou politique dominante ? Quelle place occupent ces mémoires spécifiques dans l’espace public et dans les pratiques collectives ? À titre indicatif, cette problématique peut notamment concerner : les situations d’infériorité matérielle ou financière (humbles, plèbe, sans-abris, classe ouvrière …) ; les situations d’infériorité juridique (esclaves, condamné·e·s, tutelle maritale, absence de droits politiques …) ou encore les situations d’exclusion sociale (liée à l’âge, à l’origine ethnique ou géographique, à la religion, à l’orientation sexuelle, à la santé ou au statut marital).
Conditions de candidature :
Être étudiant·e en Master 2, titulaire d’un Master, inscrit·e en doctorat ou être jeune docteur·e (ayant soutenu sa thèse depuis moins de 5 ans) : il s’agit de journées d’étude jeunes chercheur·se·s dont l’objectif est de créer un espace de discussion pour celles et ceux qui débutent dans la recherche. Les communications à deux voix sont acceptées.
Rédiger une proposition de communication (300-400 mots).
Rédiger une présentation spécifiant l’université et le laboratoire de rattachement, l’année de master ou de thèse, le sujet de recherche, et les éventuelles publications.
Les propositions de communications peuvent être rédigées en anglais, en italien ou en français.
Envoyer les propositions de communication d’ici le 15 décembre 2025 à seminaireallhis2026@gmail.com
Les réponses sont prévues pour le 5 janvier 2026.
L’objectif est aussi, à l’issue de cette journée d’étude, de rassembler les communications sous la forme d’articles pour la publication d’un ouvrage collectif d’ici la fin de l’année 2027.
Comité d’organisation et scientifique :
Noémie Cadeau, doctorante en littératures comparées à l’Université Jean Monnet de Saint-Étienne au sein de l’équipe d’accueil ECLLA.
Fiona Déliot Marechal, doctorante en histoire romaine à l’Université Paris Nanterre, au sein de l’UMR ArScAn.
Nina Lutz, doctorante en littérature française à l’Université Jean Monnet de Saint-Étienne au sein de l’UMR IHRIM.
Jonathan Raffin, doctorant en histoire romaine à l'Université de Poitiers, au sein de l’UR HeRMA.
Bibliographie indicative :
ALTINAY, Ayşe et PETÖ, Andrea, Gendered Wars, Gendered Memories: Feminist Conversations on War, Genocide and Political Violence, Londres, Routledge, 2016.
BAROIN, Catherine, Se souvenir à Rome. Formes, représentations et pratiques de la mémoire, Paris, Belin, 2010.
BRUIT ZAIDMAN, Louise et SCHMITT PANTEL, Pauline, « L’historiographie du genre : état des lieux », dans Problèmes du genre en Grèce ancienne, Violaine Sebillotte Cuchet et Nathalie Ernoult éds., Paris, Éditions de la Sorbonne, 2019.
DOWNS, Laura Lee, Writing Gender History, Londres, Bloomsbury Academic, 2010.
HALBWACHS, Maurice, Les cadres sociaux de la mémoire, Paris, Albin Michel, 1994.
HOUZÉ-ROBERT, Emmanuelle, « La mémoire n’est pas neutre. Souvenirs de femmes à la Faculté des Sciences et Techniques de Nantes », Travail, genre et sociétés, n° 14, 2005, p. 109-128.
LEYDESDORFF, Selma, PASSERINI, Luisa et THOMPSON, Paul Richard, Gender and Memory, Oxford, Oxford University Press, 1996.
NORA, Pierre, Les Lieux de mémoire, Paris, Gallimard, 1997.
POLLOCK, Griselda, Differencing the canon: feminist desire and the writing of art’s histories, New York, Routledge, coll. « Re visions », 1999.
RADSTONE, Susannah et HODGKIN, Katharine éds., Regimes of Memory, New York, Routledge, coll. « Routledge studies in memory and narrative », n° 12, 2011.
RIOT-SARCEY Michèle, « L’historiographie française et le concept de ‘genre’ », Revue d’histoire moderne et contemporaine, n° 47-4, 2000, p. 805-815.
SPÄTH, Thomas, « Au lieu des Lieux, les actes de mémoire. Figuration du passé et pratiques sociales », dans Une mémoire en actes. Espaces, figures et discours dans le monde romain, Stéphane Benoist, Anne Daguet-Gagey, Christine Hoët-van Cauwenberghe éds., Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2016, p. 23-46.
SPIVAK, Gayatri Chakravorty, Can the Subaltern Speak? [1985], Cambridge, Afterall Books, 2020.
TAMBOUKOU, Maria, Gendering the Memory of Work: Women Workers’ Narratives, Londres, Routledge, 2016.
[1] La formule est empruntée à Emmanuelle Houzé-Robert, « La mémoire n’est pas neutre. Souvenirs de femmes à la Faculté des Sciences et Techniques de Nantes », Travail, genre et sociétés, n° 14, 2005, p. 109.
[2] Catherine Baroin, Se souvenir à Rome. Formes, représentations et pratiques de la mémoire, Paris, Belin, 2010.